William Faulkner – Sartoris

Faulkner

Aujourd’hui marque la publication d’un billet relatif à une lecture commune avec BOOK’ING. Troisième roman de William Faulkner, écrit en 1929, Sartoris, même s’il n’est pas le plus connu, est pour certains le roman emblématique de l’univers de l’auteur ; l’on y retrouve des thèmes comme les grandes familles du Sud après la guerre de Sécession, la ségrégation qui sévit dans cette région, ou encore la passion des hommes. Une bonne entrée en matière a priori pour moi qui n’avais encore jamais pénétré dans l’univers de Faulkner !

Les Sartoris sont une famille célèbre et reconnue, qui comptent parmi leurs rangs de soldats héroïques, des constructeurs de l’Amérique moderne, mais dont le destin semble marqué par un côté tragique : on apprend qu’aucun d’entre eux n’est décédé de mort naturelle. Les hommes se prénomment successivement John ou Bayard (ce qui nécessite un peu de souplesse de la part du lecteur au début du livre).

Le petit-fils du colonel Sartoris, Bayard, revient ainsi de la guerre en Europe qui vient de s’achever en 1918. Il y a perdu son frère John, et il se sent coupable de la disparition de ce dernier. Il s’achète à son retour une automobile qu’il conduit avec une telle vitesse que chacun s’attend à ce qu’il trouve la mort au volant de celle-ci ; c’est le sentiment que ressent Miss Jenny, la tante des Sartoris, qui juge avec sévérité la lignée mâle de la famille.

Non, elle était sans nouvelle de lui depuis que Loosh Peabody lui avait téléphoné à quatre heures que Bayard était en route pour la maison avec la tête cassée. Elle croyait sans peine à la tête cassée, mais elle n’avait pas accordé la moindre créance à l’autre partie du message, car, ayant passé quatre-vingts ans de sa vie avec ces maudits Sartoris, elle savait bien que cette maison serait le dernier endroit du monde où un Sartoris à la tête cassée songerait à se réfugier. Non, elle ne se souciait même pas de savoir où il pouvait bien être en ce moment, et elle exprimait le vœu qu’il n’ait pas abîmé le cheval. Les chevaux étaient en effet des animaux utiles.

Au-delà de l’histoire de cette famille dans cet environnement, j’ai pu apprécier le style de l’auteur dont je vous livre un extrait ci-dessous :

Julia Benbow mourut sans faire d’histoires, alors que Narcissa était âgée de sept ans, disparut de leur vie comme on enlève d’une armoire pleine de linge un petit sachet de lavande, dont persiste après lui l’impalpable et délicat parfum ; et ce fut elle encore qui, durant l’intense développement de la septième et de la huitième et de la neuvième année, les enveloppa tous deux de sa tendresse et de son autorité.

De plus, Faulkner décrit également les rapports entre les communautés noires et blanches, que l’on encore très influencés par l’héritage de l’esclavage. Le roman regorge de passages montrant avec force soit le rapport de domination :

Je pense qu’on ne doit pas laisser un malade seul avec des nègres pour tout secours, répondit-elle en penchant son visage sur le livre.

ou encore tout simplement la pauvreté qui frappe les Noirs :

L’atmosphère lourde et confinée de la salle l’engourdissait. La chaleur pénétrait peu à peu ses membres las et raides du froid de la nuit précédente. Les nègres allaient et venaient dans l’unique pièce. La femme, près de l’âtre, s’affairait à sa cuisine, les négrillons s’amusaient avec leurs minables joujoux de pauvres et leur sucre d’orge traîné dans la saleté.

Mais tous ces ingrédients suffisent-ils à en faire un bon roman ? Pour ma part, la réponse est non. Il ne se passe pas grand chose finalement dans Sartoris. On assiste en quelque sorte à la chute de cette famille, mais je n’ai jamais réussi à m’attacher vraiment aux personnages.

Même si je me promets de relire un autre titre de Faulkner (n’hésitez pas à me faire part de vos conseils), je ressors donc de cette lecture avec un sentiment très mitigé et vous conseille donc :

d’acheter chez votre libraire

X d’emprunter dans votre bibliothèque si vous aimez l’univers de Faulkner

X de lire autre chose

Sartoris de William Faulkner, traduit de l’anglais (américain) par Henri Delgove et René-Noël Raimbault. Folio, 1977, 473 pages.

Cette lecture s’inscrit dans le cadre d’une lecture commune avec BOOK’ING (que je remercie chaleureusement d’avoir répondu positivement à la proposition et je vous invite à aller voir ce qu’elle en pense sur son blog), ainsi que du défi littéraire de novembre de Madame lit, consacré à la littérature américaine.

Pour celles et ceux qui sont intéressés, je vous rappelle que la prochaine lecture commune est prévue pour le 16 décembre : il s’agit du livre de Bruce Machart, Le sillage de l’oubli.

9 réflexions sur “William Faulkner – Sartoris

    • Patrice 19 novembre 2018 / 17:45

      Il me faut absolument lire un autre titre de Faulkner pour sentir cela.

      J’aime

  1. Ingannmic 18 novembre 2018 / 11:17

    En effet, tu as été moins convaincu que moi… ce n’est sans doute pas le titre de cet auteur qui me marquera le plus, mais je rejoins complètement Dominique, on y décèle vraiment, dans le style et les thématiques, ce qui traversera son oeuvre. Et je n »ai pas trouvé qu’il ne s’y passait rien, ou plutôt il me semble que l’auteur parvient à exprimer à partir d’événements anodins des choses très intenses, tel ce traumatisme qui hante Bayard le jeune, et qui est selon moi le thème principal du roman et son fil rouge. J’admets en revanche, comme je l’écris dans on billet, que certains pans de l’histoire ne semblent pas exploités jusqu’au bout (je pense notamment à cette histoire de lettres anonymes, ou encore à l’idylle entre Horace et Belle). Ravie en tous cas d’avoir participé à cette LC, j’espère que nous aurons l’occasion de renouveler bientôt ! Ah et pour terminer, ce n’est pas évident de recommander Faulkner parce qu’il est pas toujours très abordable. Mon préféré à ce jour est Tandis que j’agonise, mais il est assez difficile d’y entrer, et c’est pareil, on ne peut pas dire qu’il s’y passe grand-chose. Sans doute Lumière d’août représente-t-il un bon compromis, il est complexe sans être compliqué…

    Aimé par 1 personne

    • Patrice 19 novembre 2018 / 17:44

      A te lire, je me dire que je n’ai pas creusé suffisamment cette lecture, mais en tout cas, merci pour cette LC. N’hésite pas à faire signe si tu as une suggestion de lecture. Bien noté en tout cas pour les autres titres de Steinbeck!

      J’aime

      • Patrice 19 novembre 2018 / 18:07

        Je me dis… et Faulkner, pas Steinbeck. Où ai-je la tête?!!!

        J’aime

  2. Madame lit 18 novembre 2018 / 23:31

    Je n’ai toujours pas lu Faulkner… Titre noté pour le défi! Merci!

    J’aime

    • Patrice 19 novembre 2018 / 17:41

      Je n’étais donc pas le seul :-). Parfait. Pour le mois de novembre, il y a donc deux livres américains, Sartoris et Les Intéressants, de mon côté.

      Aimé par 1 personne

  3. GILLET-MIR Marie 29 novembre 2018 / 06:32

    Faulkner est un écrivain phare pour moi. Son œuvre est présente dans mon esprit et j’envisage de tout relire prochainement et il est fort probable que je lise ses romans par ordre chronologique : comme tout grand écrivain, son oeuvre s’est construite progressivement. Merci de me rappeler Sartoris. Bonne journée.

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.