Patrick Philipon – Et si on mangeait local ?

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Connaissant un regain depuis les années 2000 en France, dans un contexte d’interrogation alimentaire mais aussi de crise du modèle agricole classique qu’illustre la baisse du nombre d’exploitations, les circuits courts sont souvent présentés comme une des solutions pour soutenir le revenu des agriculteurs et faire baisser l’empreinte environnemental de l’agriculture. Dans Et si on mangeait local ?, Patrick Philipon, avec Yuna Chiffoleau et Frédéric Wallet, définissent ce que sont les circuits courts et tentent de répondre aux questions que se posent le consommateur. Nous complèterons le tour d’horizon en feuilletant le n°191 du 1, paru en février 2018.

Que sont les circuits courts? La première chose qui est frappante est que la définition est assez floue ! Mentionné au niveau politique à la faveur du Grenelle de l’Environnement et du plan Barnier, « un circuit court est un mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire ». Comme le soulignent à juste titre les auteurs, aucune mention n’est faite du mode de production, du partage de la valeur ajoutée ou encore du lien social.

Ce contour assez vaste, conjugué au fait que le retour des circuits s’est fait récemment sous des formes parfois assez nouvelles, empêche d’avoir des études très approfondies sur leur impact. C’est pour moi la limite de l’ouvrage. Par contre, il est instructif pour le consommateur avide de mieux comprendre ce que sont les circuits courts.

On pourra donc ainsi retenir que :

  • la vente sur les marchés et directement à la ferme représente plus de 50% des circuits courts. A ces modes de commercialisation traditionnels s’ajoutent de nouveaux vecteurs, comme les AMAP, Internet (par exemple la plate-forme La Ruche qui dit Oui !) ou encore les paniers dans les gares.

En région parisienne au départ, la SNCF et les chambres d’Agriculture se sont associés pour proposer les Paniers Fraîcheur vendus dans les gares du Transilien, le réseau des trains de banlieue (qui comprend le RER)

Circuits courtsIl est intéressant de noter également que la traditionnelle vente à la ferme innove en proposant des « drives fermiers » ou encore la cueillette, dont la plus ancienne a tout juste 40 ans cette année. Depuis 1978, Uniferme au sud de Lyon, est un point de vente attirant 2 à 3000 clients par semaine, et réunissant 18 fermes et 40 agriculteurs qui se relayent pour tenir le magasin.

Citons également que la coopération agricole s’intéresse de près à cette thématique grâce à des supermarchés locaux comme Frais d’Ici ; ou encore que les grandes et moyennes surfaces contribuent déjà à 8% des volumes. Dans son enquête, le 1 cite notamment l’enseigne Cora, dont 10% de l’alimentaire est acheté en local.

  • les produits les plus vendus sont les fruits et les légumes de saison
  • la comparaison des prix est ardue, « les prix d’appel des GMS étant difficilement comparables à ceux des circuits courts ». De plus, dans ces derniers, on a parfois un prix de panier global en fonction de l’offre.

Il n’est pas forcément plus cher d’acheter en circuits courts, comme en témoigne cette initiative intéressante dans les Alpes-Maritimes, une légumerie :

En 2011, elle a installé sur un terrain de 4 hectares un agriculteur chargé de fournir les cantines scolaires. Mouans-Sartoux est aujourd’hui autonome à 80% pour les légumes, sans augmentation du prix de revient des repas. (…) Le menu des cantines est décidé chaque vendredi, après visite du chef à la légumerie, en fonction de la récolte prévue la semaine suivante.

  •  A la question de savoir si ces circuits courts représentent un acte citoyen ou un repli sur soi, on perçoit un effet positif sur l’économie local. « Un exploitant sur 5 écoule au moins une partie de sa production via un tel circuit », en priorité des petites exploitations, dont le nombre augmente par ailleurs. « Finalement, chacun, producteur comme consommateur, participe à un projet collectif sans forcément y avoir investi une volonté militante », comme dans les AMAP.

Par contre, l’impact sur l’environnement est difficilement chiffrable : « la dispersion des initiatives locales empêche d’établir un bilan environnementale chiffré, basé sur des mesures et des comparaisons fiables à une échelle significative »

  • De nouveaux cadres législatifs comme les « Projets Alimentaires Territoriaux » incitent les villes et les villages à l’autonomie et sont autant de pistes intéressantes pour l’essor de ce mode de distribution. L’exemple de la ville d’Albi est inspirant :

En juin 2016, la ville d’Albi (50 000 habitants) décide de parvenir à l’autosuffisance alimentaire d’ici 2020. Elle s’associe avec le mouvement des Incroyables comestibles, d’origine britannique, qui promeut la mise à disposition gratuite de légumes cultivés par des volontaires du mouvement sur de petits espaces concédés par la ville. S’y ajoute, moins anecdotique, le rachat de terrains en périphérie (dans la zone de Canavières) qui seront loués à des agriculteurs s’engageant à vendre localement une production biologique, et une politique tendant à favoriser les circuits courts et les formes d’agriculture respectueuses de l’environnement.

Les circuits courts peuvent-ils « Nourrir le monde », pour reprendre la thématique qui a été choisie sur ce blog ? En tout cas, ils y contribuent ! A en croire Yuna Chiffoleau, chargée de recherche à l’INRA qui contribua aussi bien au livre qu’au journal Le 1, ils représentaient 10% des achats alimentaires en 2013 et leur part devrait doubler d’ici 2025.

Je retiens de ces lectures les aspects très variés des circuits courts, l’importance de la territorialité dans l’ancrage des projets et le côté très enthousiasmant des exemples cités.

Au final, je vous conseille :

X d’acheter le 1 sur le site du journal

X d’emprunter le livre à la bibliothèque

de lire autre chose

Et si on mangeait local ?, de Patrick Philipon avec Yuna Chiffoleau et Frédéric Wallet. Préfacé par Nicolas Hulot. Editions Quae, collection Science et quotidien, 2017. 168 pages.

Et si on mangeait local ? Le 1 Hebdo Nr 191, 28 février 2018.

Une réflexion sur “Patrick Philipon – Et si on mangeait local ?

  1. dominiqueivredelivres 21 décembre 2018 / 08:49

    chance pour moi un petit marché bio avec deux producteurs du pourtour de Lyon que demander de plus ?
    Avant que ce marché existe c’était des paniers d’amap mais cela ne me convenait que moyennement car souvent mal composé et surtout trop gros pour ma consommation

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