Nous sommes à la fin du XVIIIème siècle, marqué par la Révolution Française. Un dénommé Victor Renard comparaît devant un tribunal. Si le prévenu déclare qu’il ne sera « jamais un danger pour autrui », on devine néanmoins qu’il est coupable d’un fait grave puisqu’il évoque lui-même qu’il encoure la guillotine. Dans L’Embaumeur, Isabelle Duquesnoy donne la parole à Victor qui, pendant les 11 jours de son procès, va étaler devant l’auditoire ce que fut sa vie jusqu’à son arrestation. Une plongée très réussie dans l’ambiance de l’époque mais surtout dans les noirceurs de l’âme que je partage aujourd’hui avec Goran du blog Des livres et des films, dans le cadre d’une lecture commune !
Victor Renard fait débuter son récit par la mort de son père. Et le décor est vite planté sur les conditions dans lesquelles sa naissance fut accueillie par ses parents :
Mon père rêvait d’avoir un fils ; la Pâqueline lui en donna une paire. J’avais donc un frère jumeau, Isidore. Il périt lors de notre naissance, étranglé par mon propre cordon ombilical démesurément long, enroulé autour de son cou ainsi que du mien, qui en resta tordu ; nous nous bousculions pour naître et, dans la moiteur de cette querelle, le boyau s’embobina et emporta les plus frêle de nous deux. Nous n’étions pas prévus en double, pas plus qu’attendus dans l’allégresse. Aucuns langes ni petits habits sans coutures irritantes, que les femmes grosses aiment à coudre avant leur accouchement, ne furent confectionnés par ma mère.
Victor sera surnommé Victordu ou Victorticolis par sa mère qui n’aura de cesse de le rabrouer et de lui signifier qu’elle aurait préféré qu’il meurt à sa naissance. Privé d’amour, le jeune Victor se voit placer comme apprenti chez un embaumeur, Mr Joulia, qui lui inculquera les techniques de son métier et sera à ses yeux le père qu’il n’a pas eu. Une profession qu’il finira par exercer avec talent et qui lui apportera reconnaissance et aisance financière.
A travers le roman, on découvre les conditions parfois indigentes dans lesquelles on pouvait vivre dans cette France de la fin du XVIIIème siècle, les croyances qui y régnaient (la mère de Victor par exemple jetait des fèves noires et des haricots par-dessus l’épaule pour se protéger du mauvais sort), la prostitution, et surtout les excès qui ont pu animer la Révolution française, comme l’exécution de Louis XVI ou la profanation des tombes de la famille royale à Saint Denis. Un contexte historique présent en filigrane mais qui ne s’impose pas lourdement au lecteur et réserve moultes surprises. La phrase de la 4ème de couverture « Où l’on découvrira que certains tableaux de nos musées sont peints avec le sang des rois de France… » dévoile peu à peu tout son sens en nous faisant froid dans le dos. De plus, l’auteure, qui s’était déjà illustrée grâce à des romans historiques (je me suis promis de lire Les Confessions de Constance Mozart) décrit avec de nombreux détails ce qu’était l’embaumement d’une personne.
Il m’est difficile de raconter l’histoire, non seulement en raison des points évoqués précédemment, mais surtout parce que l’un des grands mérites d’Isabelle Duquesnoy est justement de ménager un réel suspense : le motif réel de la future condamnation de Victor reste longtemps inconnu. On le suppose, mais la surprise reste là jusqu’à la fin du roman. On est également séduit par le portrait des personnages qui peuplent le roman : Victor bien sûr, que l’on considère comme un monstre au départ et auquel on s’attache rapidement, mais surtout les femmes comme la Pâqueline (sa mère), si repoussante, Angélique, le grand amour de Victor et Judith, la sœur de son ami Franz. La vérité n’est pas toujours ce qu’on croit ; vous le découvrirez en lisant ce livre…
S’il est écrit qu’Isabelle Duquesnoy a mis 10 ans pour écrire ce livre, salué à juste titre par la critique et les lecteurs à sa sortie, je dois avouer que seulement trois jours m’ont été nécessaires à le lire (et si j’avais été maître de mon emploi du temps, une seule journée aurait suffi !). Quel livre, quelle écriture, quelle histoire !
Aujourd’hui disponible en poche, je vous conseille sans hésiter de :
x l’acheter chez votre libraire (et de l’offrir)
l’emprunter dans votre bibliothèque
lire autre chose
L’Embaumeur ou l’odieuse confession de Victor Renard, d’Isabelle Duquesnoy. Editions de la Martinière, 2017. 528 pages. / Points, 2018. 480 pages.
Ce livre est grandiose du point du vue stylistique mais pas que. J’en retiens ses odeurs pestilentielles, ses flagrances aromatiques et fleuries et Pâqueline, la mère qui m’a fait beaucoup rire.
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Tout à fait d’accord avec toi (hormis pour Pâqueline, peut-être, car c’est un personnage qui m’a rebuté). Un excellent moment de lecture !
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Cela m’a l’air passionnant !
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Et ça l’est !
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Le sujet ne m’attire pas trop. Mais Je sens ton enthousiasme. Je lui laisse une chance : je le mets sur ma liste à lire.
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Goran avait eu moins d’enthousiasme que moi, mais je trouve qu’il a largement sa place sur une liste. A te lire, j’imagine que la tienne se remplit rapidement 🙂
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le sujet me plaît et j’aime beaucoup l’extrait (le ton est très particulier!) alors je note (encore…)
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C’est un livre intelligent et passionnant qu’on dévore littéralement. Je suis sûr qu’il pourrait te plaire.
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Tu es beaucoup plus enthousiaste que Goran et à te lire, j’ai envie de découvrir ce roman.
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N’hésite pas à te faire ton propre avis. Je le conseille avec grand plaisir.
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Encore une fois, c’est une découverte! Ce roman m’apparait intriguant… L’extrait frappe. Merci!
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Merci. Ce livre a eu beaucoup de succès en France à sa sortie, et je trouve cela très justifié. Je te le conseille vivement !
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J’ai beaucoup aimé au départ : les personnages, l’aspect historique de cette période, dangereuse et vague … l’ironie aussi, l’aspect burlesque … Puis, je me suis retrouvée à étouffer un peu, on patauge dans la noirceur, et au fur et à mesure, elle me paraissait de moins en moins justifiée. Mais c’est quand même un sujet passionnant.
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C’est noir, il est vrai, mais je trouve que l’auteure nous tient en haleine durant tout le récit. Merci pour ce commentaire !
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Un de mes meilleurs souvenirs de lecture de ces dernières années. Quel livre !
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Tout à fait d’accord avec toi ; une lecture que je n’oublierai pas non plus de mon côté !
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Livre fascinant…Je n’ai pu m’empècher durant toute la lecture de penser au livre de Patrick Suskind « Le parfum »
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Merci beaucoup pour ce commentaire. Je n’ai pas encore lu « Le parfum », mais voilà une très bonne suggestion en effet. Excellente découverte que cet Embaumeur !
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On est tout à fait d’accord! Concernant la Pâqueline, c’est un véritable monstre à mes yeux, je ne sais pas comment certains peuvent la trouver drôle ou s’y attacher… Enfin, ils seront certainement des lecteurs conquis du second tome, qui lui est dédié!!!
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