Henryk Sienkiewicz – Quo vadis ?

Sienkiewicz (2)

« Tu devrais lire Quo Vadis ?, je suis sûre que ça te plairait ! ». Combien de fois n’ai-je entendu cette réflexion de la part de mon épouse. Le livre, offert déjà il y a quelques années, gisait dans des piles inexplorées de la bibliothèque et à la faveur du Mois de l’Europe de l’Est 2020 et du défi lancé par Madame lit, je me décidai donc à l’exhumer… pour mon plus grand plaisir ! Oeuvre majeure de l’écrivain polonais Henryk Sienkiewicz, Quo vadis ? nous emmène dans la Rome de Néron. Un régal pour tous, amateurs d’histoire ou non.

Dans la version que j’avais en main, publiée chez Flammarion, le plaisir de la lecture commence dès la préface très intéressante écrite par Daniel Beauvois, historien et traducteur, spécialiste de l’Ukraine et de la Pologne. On y apprend que Sienkiewicz avait une vision du rôle de l’écrivain très différente de celle du naturalisme de Zola : « Le roman doit donner force à la vie et non la miner ; l’ennoblir et non la salir ; porter la bonne nouvelle, non la mauvaise. » De ce fait, en écrivant Quo vadis ? en 1895-1896, Sienkiewicz souhaite proposer un livre qui aide les gens à vivre, avec un réel souffle. Cela coïncidait de surcroît avec la période d’occupation que vivait la Pologne (celle-ci n’existait plus comme Etat), où la religion restait un ciment fort. Le livre, traduit dans de nombreuses langues, connut un accueil très favorable, y compris en France, et valut à son auteur le prix Nobel de Littérature en 1905.

Résumer Quo vadis ? serait trop long, aussi souhaiterais-je vous donner quelques éléments de compréhension de l’histoire et surtout quelques raisons de le lire au cas où vous n’auriez jamais franchi le pas.

Le récit se passe donc sous le règne de Néron, quelques dizaines d’années après la mort de Jésus, plus exactement en 64 après Jésus-Christ. Vinicius est un patricien romain qui s’éprend de Lygie, fille du roi des Lygiens (correspondant en fait à la Pologne). Il se confie à son oncle et confident Pétrone, un proche de Néron, qui le conseille pour conquérir la jeune femme. Et nous voici ainsi partis dans une longue histoire puisque l’amour de Vinicius pour Lygie se heurte d’abord à la religion chrétienne, à laquelle se réfère la jeune femme, avant de se confronter aux vicissitudes de l’époque, à savoir le martyre des chrétiens sous Néron.

La chrétienté est l’un des piliers du livre. On y découvre les chrétiens vivant dans la pauvreté, pardonnant à leur ennemis, prêchant l’humilité, la vertu et la miséricorde : on imagine donc sans mal la véritable révolution apportée par cet essor du christianisme. Paul et Pierre font partie du décor du livre ; voici d’ailleurs ce que Vinicius écrit après sa rencontre avec Paul :

J’avais fait la connaissance la veille d’un homme étrange, un certain Paul de Tarse avec lequel je m’étais entretenu du Christ et de sa doctrine ; sa parole était si puissante que chacun de ses mots me faisait l’effet d’ébranler les bases de notre monde. Ce même homme me rendit visite après le départ de Lygie et me dit : « Lorsque Dieu aura ouvert tes yeux à la lumière, lorsqu’il en fera tomber les taies, comme il a fait tomber la taie des miens, tu sentiras alors qu’elle a agi raisonnablement, et peut-être alors la retrouveras-tu. »

L’un des aspects très intéressants du livre réside dans la description de la vie romaine de l’époque, en premier lieu celle de Néron et de ses courtisans. On y revit les orgies, les déplacements de la cour comportant plus de 10.000 hommes (!) de façon très vivante. Une large place est dédiée à l’incendie de Rome (dont l’origine est attribuée dans ce livre à Néron), le chaos indescriptible qui le suit, et le comportement à moitié fou de l’Empereur qui, hors de Rome, ne veut rentrer dans la ville que la nuit pour saisir toute l’intensité du feu et ne pense qu’aux vers qu’il pourra en tirer :

Le passé de Rome flambait. Et lui, César, restait là, luth en main, avec le masque de l’auteur tragique. Sa pensée n’allait point vers la patrie près de s’anéantir. Il songeait à la pose et aux périodes pathétiques qui pourraient lui servir à exprimer la grandeur du désastre, provoquer la plus grande admiration et lui valoir le plus d’applaudissements.

Enfin, les pages dédiées au martyre des chrétiens sont très fortes, et à la limite du supportable. Considérés comme responsable de l’incendie de Rome, ils furent en effet arrêtés et livrés à l’appétit des jeux des Romains (« Du pain et des jeux »), et surtout à celui des bêtes sauvages dans les arènes.

A me lire, vous vous dîtes peut-être que ce livre n’est pas pour vous en raison du caractère historique marqué. Si ce dernier est très important, le livre offre beaucoup plus au lecteur : un véritable dépaysement, un fort suspens autour de l’histoire d’amour entre Lygie et Vinicius, et une très jolie exaltation des valeurs qui habitaient les premiers chrétiens et qui sont susceptibles de toucher bien des lecteurs.

Sans grande surprise, vous comprendrez que je vous conseille :

X d’acheter ce livre chez votre libraire ou bouquiniste

de l’emprunter dans votre bibliothèque

de lire autre chose

Qo vadis ? de Henryk Sienkiewicz, traduit du polonais par Ely Halpérine-Kaminski. Flammarion, 2005, 540 pages.

Ce livre a été lu dans le cadre du Mois de l’Europe de l’Est d’Eva, Patrice et Goran et du défi lancé en mars par Madame lit autour des Prix Nobel de littérature

24 réflexions sur “Henryk Sienkiewicz – Quo vadis ?

  1. Ingrid 15 mars 2020 / 11:03

    Un grand classique, que peu de lecteurs ont sans doute lu. J’ignorais même qu’il avait été écrit par un polonais ! Malgré une époque qui m’attire peu, tu as su me donner très envie !
    Ingannmic

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    • Patrice 15 mars 2020 / 17:02

      C’est la taille minuscule des caractères dans cette édition ainsi que l’époque qui me freinaient dans la découverte de ce livre, et je dois avouer que cela aurait été une erreur de ne pas le lire. Donc n’hésite pas !

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  2. Goran 15 mars 2020 / 13:40

    C’est un grand livre, mais il y a aussi le film, réalisé par l’écrivain, qui est excellent…

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    • Patrice 15 mars 2020 / 16:59

      Il faudrait vraiment que je regarde ce film. Si tu ne l’as jamais chroniqué sur ton blog, ce serait une bonne suggestion, non ?

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      • Goran 15 mars 2020 / 17:02

        Il faudrait pour cela que je le revois, mais il doit durer pas loin de 3h… 🙂

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  3. krolfranca 15 mars 2020 / 13:50

    Oh ça m’intéresse grandement ! Je ne connaissais que le titre, comme ça et je n’aurais jamais dit que l’auteur était polonais. Je le note tout de suite et l’achèterai… quand les librairies rouvriront.

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    • Patrice 15 mars 2020 / 16:58

      Ah, oui, j’oubliais que les librairies étaient fermées en France. Vivement la réouverture :-). Et tu ne seras pas déçue par ce livre, je te le promets.

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  4. laboucheaoreille 15 mars 2020 / 13:54

    Un classique très célèbre, que mes parents et grands parents avaient lu et aimaient beaucoup. Je n’ai jamais pensé à le lire. L’ambiance doit faire un peu penser à « Ben Hur » ou autres peplums de l’époque, j’imagine ?

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    • Patrice 15 mars 2020 / 16:57

      Je dois avouer que je n’ai jamais trop regardé de peplums, j’aurais donc du mal à répondre à ta question, mais en tout cas n’hésite pas à franchir le pas sur cette lecture !

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  5. Eve-Yeshé 15 mars 2020 / 15:05

    le film est magnifique, mais je n’ai jamais lu le livre… je ne savais pas non plus que l’auteur était polonais…

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    • Patrice 15 mars 2020 / 16:55

      Je n’ai jamais vu le film mais ce serait une bonne idée après avoir lu un tel livre !

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  6. Goran 15 mars 2020 / 17:34

    Après vérification c’est Mervyn LeRoy qui a réalisé le film…

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  7. Madame lit 15 mars 2020 / 18:37

    Quelle belle chronique Patrice! On ressent vraiment ton engouement pour ce livre. Tu as réussi à nous donner le goût d’ouvrir ou de réouvrir ce bouquin. Bravo!

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    • Patrice 17 mars 2020 / 21:27

      Merci beaucoup à toi. Oui, je dois avouer que j’ai littéralement dévoré ce livre et je le conseille avec plaisir. Voici un roman avec du souffle 🙂

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  8. Marilyne 16 mars 2020 / 12:46

    J’avoue, je n’ai jamais franchi le pas. Je savais que l’auteur était polonais, je n’y ai même pas pensé pour ce mois de l’Europe de l’Est, sûrement à cause du cadre historique. J’apprends par ta chronique qu’il a reçu le Nobel.

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    • Patrice 17 mars 2020 / 21:30

      Oui, et ce titre y est pour beaucoup. J’ai trouvé cette histoire tellement vivante que je ne regrette absolument pas mon choix !

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    • Patrice 17 mars 2020 / 21:31

      Entièrement d’accord avec toi. Merci beaucoup pour le lien, je viens d’aller lire ta chronique à l’instant !

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  9. lilly 23 mars 2020 / 14:54

    Un classique polonais qui se déroule dans l’antiquité romaine et qui ne déprime pas : tout un programme ! Je viens de voir que Robert Taylor (j’en suis amoureuse) a joué le rôle titre dans l’adaptation !

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    • Patrice 24 mars 2020 / 17:11

      N’hésite donc plus à livre le livre puis à savourer le film comme une récompense !

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