Michel Petit – Pour une agriculture mondiale productive et durable

PetitD’après Michel Petit, membre de l’Académie d’Agriculture, ancien Directeur de l’agriculture à la Banque mondiale et professeur honoraire à AgroParisTech, « le déni du productivisme ne doit pas nous éloigner du progrès nécessaire de la productivité ». En effet, face à une hausse prévisible des besoins alimentaires de 70% d’ici 2050, il plaide dans son ouvrage Pour une agricuture mondiale productive et durable pour une nécessaire modernisation de l’agriculture à travers des développements scientifiques et techniques mais aussi à la nécessaire transformation des petites exploitations. Une mise en perspective pertinente dans le cadre de notre série Nourrir le monde.

Sur un format relativement court d’une centaine de pages, Michel Petit nous invite à regarder les tendances mondiales, puis à constater quelques exemples de réussite dans différents continents avant de se concentrer sur trois débats à clarifier (les OGM, les pesticides et les petites exploitations).

Dans un premier temps, il est intéressant de s’arrêter sur le bilan des dernières décennies en terme de production agricole ; il est très positif sur la production :

L’accroissement considérable de la production alimentaire mondiale apparait également clairement : il a été multiplié par 2,5 au cours des quarante-deux années allant de 1961 à 2003, ce qui représente un taux de croissance annuel de 2,2% » (…) En d’autres termes, les hausses de rendement expliquent 89% de l’augmentation de la production alimentaire mondiale réalisée au cours de cette période.

mais le revers de la médaille réside dans la dégradation des milieux naturels : l’érosion des terres (80% des surfaces), la baisse de la biodiversité, et l’importance des prélèvements en eau. Sur ce dernier point, l’agriculture est responsable de 69% des prélèvements d’eau douce, l’irrigation étant passée de 47.3 millions d’hectares en 1930 à 254 millions d’hectares en 1995 ; c’est un des points de vigilance majeur pour l’avenir. Ajoutons-y également le contrôle des gaz à effet de serre.

Une fois planté ce décor, un rapide tour d’initiatives mondiales présente un fort intérêt. Il montre clairement qu’il n’y a pas un seul modèle agricole qui fonctionne. La Chine a atteint par exemple 5% de croissance annuelle de production en abandonnant la collectivisation et en introduisant un système dit de « responsabilité des ménages », couplé à un fort investissement en infrastrucutres (86.000 barrages, transports, marchés). En Inde, l’adoption du coton OGM Bt est passée de 1,3% en 2003 à 81,1% en 2008, avec des croissances de rendement de 13% par an pendant 5 ans. Sur la même plante, grâce à la mise en valeur extensive de terres, « le développement de la production de coton dans les pays du Sahel constitue indubitablement une grande réussite, à tel point que ce produit représente 90% des exportations totales d’un pays comme le Mali, et contribue à plus de 80% aux recettes fiscales du gouvernement. »

Pour Michel Petit, enfin, 3 débats doivent être clarifiés pour l’avenir : les pesticides, la marginalisation économique et sociale des paysans pauvres et les OGM.

Qualité de vie, maintien de l’environnement (par une moindre pression sur les surfaces), sécurité sanitaire des aliments, stabilité économique & politique : la modernisation de l’agriculture a de réels avantages. Je pense à titre personnel qu’elle est nécessaire ; car il s’agit de « produire plus avec moins ». C’est une vision dans laquelle de nombreuses voies actuelles apportent une contribution, que ce soit la permaculture, ou encore le développement des nouvelles technologies.

Et Michel Petit de conclure :

Le principal défi auquel nous serons confrontés consistera à trouver les moyens d’intégrer dans les processus de modernisation les petites exploitations, à caractère familial le plus souvent, qui resteront largement majoritaires dans de nombreux pays en développement.

Je vous conseille donc de découvrir ce livre en :

X l’achetant chez votre bouquiniste

X l’empruntant dans votre bibliothèque

lisant plutôt autre chose

Pour une agriculture mondiale productive et durable, de Michel Petit. Editions Quae, 2011. 120 pages.

12 réflexions sur “Michel Petit – Pour une agriculture mondiale productive et durable

  1. luocine 18 juin 2020 / 20:29

    Et que dit-il sur l’usage des desherbants? C’est un sujet plus complexe que la façon dont il est traité habituellement.

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    • Patrice 24 juin 2020 / 20:13

      Bonne remarque ! Il présente les positions des deux camps et insiste sur deux voies importantes : la suppression des molécules les plus néfastes (c’est déjà bien avancé d’ailleurs en Europe) et la nécessité d’une lutte intégré (sur les insecticides). Les désherbants ont constitué une véritable avancée dans l’agriculture, et il ne faut pas oublier les pertes de rendement qu’ils évitent. Néanmoins, la perte de biodiversité, les problèmes de résistance (dues au manque de rotation entre un nombre limité de culture) sont de gros problèmes.

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  2. Eve-Yeshé 19 juin 2020 / 13:20

    pourquoi pas? si je le trouve à la BM…
    je cherche 1 ou des livres intéressants, bien documentés sur la permaculture et l’adaptation à un jardin comme le nôtre 🙂
    on jardine bio, compost, pas d’engrais ni de pesticides… mais ce sont les associations qu’on ne connaît pas ou mal
    merci d’avance 🙂

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    • Patrice 24 juin 2020 / 20:10

      Bonne question… Je ne sais pas si je pourrais vraiment t’être de bon conseil dans ce cas. J’ai vu beaucoup de titres récemment sur les étagères des librairies sur la permaculture, l’autosuffisance alimentaire. Je pense que tu peux y trouver ton bonheur 🙂

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  3. Passage à l'Est! 19 juin 2020 / 18:51

    Tu fais du lobbying pour les carottes, Patrice? Il parait que c’est bon pour les yeux…
    Un essai qui a l’air intéressant, en tout cas. Je me demande ce qu’il a à dire sur les circuits courts, sur le rééquilibrage entre hausse de la production et gaspillage alimentaire, sur le contenu de la production (plus de viande? ou plus de carottes?) etc. Des sujets qui dépassent la modernisation de l’agriculture mais qui sont quand même bien reliées à votre question de comment nourrir le monde. Enfin bref j’ai bien compris ce qu’il faut que je fasse pour avoir mes réponses.

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    • Patrice 24 juin 2020 / 20:06

      Très drôle :-). En fait, c’est une photo des Pays-Bas, tu imagines bien le rôle que joue la carotte dans ce pays. Un symbole ! Quant à ta réflexion, elle est très juste. Ici, le propos est plus sur la hausse de la production. Le gaspillage alimentaire est un thème complexe, car l’utilisation moindre de certains produits de protection des plantes peut amener à une hausse des pertes (du champ à l’assiette). Les circuits courts sont clairement une des réponses. Je rêverais de villes avec des « ceintures vertes » produisant principalement fruits et légumes. Les Plans Territoriaux d’Alimentation vont dans ce sens d’ailleurs. J’avais chroniqué récemment un livre sur les circuits courts qui pourrait t’intéresser. Sinon, le livre de Bruno Parmentier Nourrir le monde, constitue une excellente introduction à ce thème.

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      • Passage à l'Est! 25 juin 2020 / 12:09

        Je ne connaissais pas ces Plans Territoriaux d’Alimentation, je vais me renseigner, de même que je vais voir si je trouve ces livres que tu mentionnes, merci.

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      • Patrice 30 juin 2020 / 05:13

        Je t’en prie. Je trouve que ce sont les initiatives qui vont dans le bon sens !

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    • Patrice 24 juin 2020 / 20:00

      Oui, c’est lors d’une visite d’une plateforme d’essai variétal que j’ai prise cette photo. J’ai beaucoup la façon dont les nouvelles variétés de carottes étaient mises en valeur 🙂

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    • Patrice 24 juin 2020 / 19:53

      Je ne dirais pas déprimant… C’est intéressant aussi de voir qu’on est à une période où des questionnements foisonnent et où des modèles agricoles innovants émergent.

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