Pavol Rankov – C’est arrivé un premier septembre

Lors du Salon du Livre 2019, Bratislava et la littérature slovaque étaient les invités de l’événement parisien, ce qui a donné lieu à la publication en français d’un certain nombre d’ouvrages slovaques, parmi lesquels celui de Pavol Rankov, Ça s’est passé un premier septembre. Une plongée dans l’histoire mouvementée du pays au 20ème siècle à travers l’histoire d’une bande d’amis et l’occasion d’un lecture commune avec La jument verte, Mon biblioblog et La barmaid aux lettres !

Ils sont trois amis : Peter, Jan et Gabriel. L’histoire débute le 1er septembre 1938, quand les trois garçons se livrent à une compétition pour savoir lequel d’entre eux pourra conquérir le coeur de la jolie Maria. Le premier septembre est d’ailleurs une date récurrente dans le livre et chaque chapitre se réfère à une année, de 1938 à 1968.

L’histoire débute à Levice, un village slovaque de la partie hongroise de la Tchécoslovaquie.

Comme ce premier septembre 1938 était une journée ensoleillée, presque toute la ville s’y était donné rendez-vous. Adultes avec ou sans enfants, jeunes et vieux, habitants de Levice ou des villages environnants, Hongrois, Slovaques, Tchèques, Juifs, Tziganes, la famille de l’Allemand Barthel et celle du bulgare Rankov. Il y a avait des démocrates, des libéraux, des conservateurs, des monarchistes, des socialistes, des nationalistes, des communistes et même des fascistes. Seul l’anarchiste Varga était en Espagne.

A lire ces lignes, je ne pouvais m’empêcher de penser à la chronique rédigée par Passage à l’Est sur la notion de frontières et de nationalités en Europe médiane ; si vous ne l’avez jamais lue, je vous invite de ce pas à allez la lire.

La guerre rattrape rapidement les jeunes gens. Peter est hongrois, son frère est acquis aux nationalistes et disparaîtra sur le front Est. Jan est tchèque ; son père part se réfugier en Moravie quand des Hongrois ivres prennent d’assaut la poste où il travaille. Enfin, Gabriel est juif ; soumis à des privations, à des restrictions, il apprend que ses parents sont déportés. Enfin, Maria est slovaque, mais son père magyarise leur nom.

La guerre, la libération, l’arrivée des communistes (la ferveur de l’engagement et la désillusion qui s’en suivent), l’immigration, tous ces événements et ces thèmes se retrouvent au cœur du récit. Le contexte historique est d’ailleurs l’un des atouts de ce livre. Pavol Rankov nous fait bien sentir le contexte, que ce soit au moment des procès de la fin des années 40, mais aussi en terme de dialectique employée par la police secrète :

Je n’ai pas l’impression que vous vous rendiez bien compte à quel point votre vie dépend de nous. Vous avez combattu dans une armée étrangère, israélienne de surcroît. Votre meilleur ami reçoit des colis en provenance d’Israël. Je ne prétends pas pour l’instant que vous soyez un espion sioniste. Votre sœur était une nazie fanatique. Le père de votre fiancée est incarcéré pour des crimes qu’il a commis sous l’uniforme des Croix fléchées. Mais je ne prétends pas non plus, du moins pour l’instant, que vous soyez un fasciste camouflé. Pour le moment, nous voulons croire que vous êtes de notre côté, la preuve en est que nous vous permettons de poursuivre vos études. Et à votre fiancée aussi. Vous devriez cependant clarifier d’une manière ou d’une autre votre rapport à la patrie démocratique populaire et à notre classe ouvrière. Peut-être vous trouvez-vous à un carrefour de votre existence, et je suis là pour vous exhorter à prendre le bon chemin.

C’est un livre agréable à lire, que je conseille à toute personne qui souhaite découvrir davantage l’histoire récente de cette région d’Europe à travers un roman. Je ne peux pas dire pour autant que je me suis tellement attaché aux personnages, mais force est de constater que, quelques mois après la lecture de ce titre, j’en garde un agréable souvenir.

Je vous conseille donc :

de l’acheter chez votre libraire

X de l’emprunter dans votre bibliothèque

de lire autre chose

Ca s’est passé un premier septembre, de Pavol Rankov. Traduit du slovaque par Michel Chasteau. Gaïa Editions, 2019, 464 pages.

22 réflexions sur “Pavol Rankov – C’est arrivé un premier septembre

    • Patrice 1 septembre 2020 / 19:38

      C’est vrai, peut-être étais-je un peu trop dur ! Content de te relire en tout cas 🙂

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  1. Ingannmic 1 septembre 2020 / 10:45

    Et pas suffisamment d’enthousiasme pour me convaincre… En revanche, publier ce billet aujourd’hui, quel esprit d’a propos !!

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    • Patrice 1 septembre 2020 / 19:40

      Mes compagnes de lecture étaient plus enthousiastes, tu devrais peut-être aller lire ce qu’elles en pensent. Oui, je me suis dit que ce serait une bonne idée de faire le billet un 1er septembre, c’est un peu « facile », mais ça me mettait une date butoir 🙂

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  2. La Barmaid aux Lettres 1 septembre 2020 / 11:01

    Ah je suis ravie de lire votre article ! J’ai adoré trouver toutes les thématiques évoquées ici mais c’est un ouvrage difficile à chroniquer sans trop en dire.
    J’irai voir rapidement l’article de passage à l’est pour le lire attentivement, mais cela semble faire écho à LISIÈRE de Kapka Kassabova que j’ai lu récemment.

    Comme dit Goran, j’ai adoré 1er septembre, je me suis vraiment attachée aux personnages et j’ai trouvé tout le contexte très bien mis en scène, bcp de beauté et de poésie pour une lecture facile.
    Enfin, j’ai ajouté le lien vers votre article 😁 je rajoute jument verte ce soir !

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    • Patrice 1 septembre 2020 / 19:41

      Merci et j’étais ravi que tu m’accompagnes sur cette lecture !

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    • Patrice 1 septembre 2020 / 19:41

      Exactement, il n’y a pas tant de littérature slovaque, profitons-en !

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  3. Passage à l'Est! 1 septembre 2020 / 17:33

    Merci pour le clin d’oeil! Le livre m’intéressait déjà, mais ce qui me saute aux yeux dans les extraits que tu donnes, c’est la mention de la famille bulgare Rankov. Si c’est une histoire qui est développée dans le livre, ça m’intéresse encore plus. J’ai trouvé l’édition hongroise du livre – peut-être pour le 1 septembre 2021, peut-être pour avant, surtout si les chroniques de la Barmaid et de la Jument font encore plus monter la pression. Contente de te revoir sur la blogosphère!

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    • Patrice 1 septembre 2020 / 19:48

      Je t’en prie. Au risque de te décevoir, la « piste bulgare » n’est guère développée dans le livre, mais cela reste une lecture vraiment intéressante. Très heureux de te lire également, il me reste à aller prendre connaissance de toutes les bonnes choses que tu as chroniquées récemment 🙂

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  4. Valentyne 2 septembre 2020 / 07:10

    Un livre qui m’a passionné de bout en bout 🙂

    Je vais suivre cet auteur que je ne connaissais pas du tout

    Je comprends aussi ton ressenti pour la difficulté de s’attacher aux personnages (j’ai eu cette impression au tout début, quand ils changeaient de nom régulièrement en fonction des événements politique)

    Bonne journée

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    • Patrice 6 septembre 2020 / 19:29

      Merci pour le commentaire ! Je ne sais pas s’il a d’autres livres traduits en français, mais je te comprends. Sympa de découvrir une littérature d’un pays un peu moins mis en avant, en tout cas !

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  5. luocine 2 septembre 2020 / 09:57

    Ce livre pourrait bien me plaire, le destin de cette région européenne est compliquée et passionnante. J’ai bien aimé aussi, lire les commentaires qui accompagnent ce billet

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    • Patrice 6 septembre 2020 / 19:29

      Oui, et ce livre en constitue une bonne introduction, indéniablement.

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  6. Agnès 6 septembre 2020 / 09:32

    J’ai apprécié de découvrir un peu l’histoire de la Tchécoslovaquie que je connais très peu. Je ne me suis pas non plus beaucoup attachée aux personnages. Il m’a semblé que les 3 garçons considéraient trop Maria comme leur chasse gardée. Quant à elle il faut du temps avant qu’elle montre qu’elle a aussi son mot à dire.

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    • Patrice 6 septembre 2020 / 19:30

      Oh, je n’avais pas vu que tu avais rejoint cette lecture commune. Je vais aller lire de ce pas ton billet !

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