Theodor Fontane – Le Stechlin

Ecrivain allemand du XIXème siècle, Theodor Fontane est considéré comme un des auteurs majeurs de l’Empire allemand. Ne connaissant absolument pas l’auteur et sa prose, je vous propose donc de vous le faire découvrir aujourd’hui par l’intermédiaire de son dernier roman, Le Stechlin, classé par l’hebdomaire allemand Die Zeit dans les 100 meilleurs romans de tous les temps.

Né en 1819 en Prusse, Theodor Fontane est issu d’une famille huguenote. Rappelons à cet égard que la révocation de l’Edit de Nantes en 1685 avait envoyé sur les routes de l’exil de nombreuses familles de l’élite protestante française. Si je me souviens bien, un quart de la population berlinoise du début du XVIIIème siècle était ainsi française. Journaliste, Fontane s’est mis à la prose vers 60 ans ; certains de ses livres, comme Avant la tempête (une fresque historique avec la Prusse en toile de fond), ou encore Effi Briest (une critique des mariages arrangés de l’époque) ont connu un réel succès et ont eu de grandes influences, notamment sur Thomas Mann. Le Stechlin est le dernier roman écrit par Fontane, et fut édité après sa mort.

Le Stechlin est un lac situé dans la région du Brandebourg ; il a la particularité de bouillonner lorsque des événements exceptionnels se produisent dans le monde. Le Stechlin, c’est aussi le nom porté par le village ou encore une famille noble, dont le personnage principal est le vieux Dubslav von Stechlin.

Il est difficile de résumer ce livre car il ne s’y passe finalement pas grand chose ! Ce sont des scènes qui se succèdent : la visite du fils Woldemar accompagné par deux de ses amis, les élections locales, le mariage de Waldemar… Les dialogues entre les différents protagonistes constituent l’intérêt majeur du livre : ils sont souvent délicieux, ils traduisent la sympathie de l’auteur pour le vieux Stechlin, pour une Prusse qui fut. On discute de Dieu, du monde, de ses aspirations personnelles. Quel plaisir de lire ces pages si charmantes. On y rencontre aussi des personnages assez hauts en couleur, comme Mélusine, la future belle-soeur de Waldemar, un esprit libre ; ou encore la prieure Adelheid, la soeur aînée de Dubslav, conservatrice ; voici l’extrait d’une lettre qu’elle écrit à son neveu Waldemar sur l’importance de choisir une bonne épouse, en tout cas une épouse issue de la noblesse locale :

Je présume, mon cher Waldemar, que tu as encore mes dernières paroles à la mémoire. Elles convergeaient vers ce conseil et cette prière : ne sacrifie pas ton pays natal (…). Ce que j’appelle la noblesse, on ne ne la trouve plus que dans notre Marche et dans notre province soeur et voisine, et même là peut-être plus pure que chez nous. Je ne veux pas entrer dans les détails sur l’état général de la noblesse tel qu’il se révèle quand on y regarde de plus près, mais j’esquisserai quand même quelques idées. J’en ai vu de toutes sortes. Il y a par exemple les jeunes Rhénanes, donc de Cologne ou d’Aix-la-Chapelle ; elles peuvent avoir de grandes qualités, mais elles sont catholiques, et si elles ne le sont pas, elles sont autre chose, et leurs pères sont d’un noblesse toute fraîche. Après les Rhénanes, nous avons les Westphaliennes. De celles-ci, on peut discuter. Mais la Silésie ! Les aristocrates silésiens, qui s’appellent parfois des magnats, sont tous, pratiquement, polonais et vivent du jeu, et ils ont les gouvernantes les plus jolies, toujours très jeunes, ce qui rend la chose plus facile. Et puis il y a encore les Prussiennes, je veux dire celles de Prusse-Orientale, c’est au bout du monde. Celles-là, je les connais, elles ressemblent tout à fait à leurs poulains lithuaniens qui ruent et dévorent tout. Et plus elles sont riches, plus elles sont dangereuses.

Le tout se déroule sur un fond de changement d’époque. Les conservateurs s’opposent aux socio-démocrates, dont l’aura progresse. Un joli témoignage sur une époque, une région et une classe sociale qui semblent désormais bien loin !

En résumé, je vous conseille :

X d’acheter ce livre chez votre bouquiniste (pas d’édition récente)

X ou de l’emprunter dans votre bibliothèque

lire autre chose

Le Stechlin,  de Theodor Fontane, traduit de l’allemand par Jacques Legrand. Le livre de poche, 1998, 445 pages.

Ce livre a été lu dans le cadre des Feuilles allemandes, consacrées à la littérature de langue allemande.

13 réflexions sur “Theodor Fontane – Le Stechlin

  1. keisha41 29 novembre 2020 / 13:42

    J’avoue être peu attirée par la littérature allemande, mais j’aime bien les recommandations de fins de billet (et je viens de vérifier, ma bibli possède des écrits de l’auteur!)

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    • Patrice 3 décembre 2020 / 05:53

      Ce que je trouve vraiment formidable, c’est la variété de cette littérature de langue allemande, je trouve toujours quelque chose à mon goût. Et le fait qu’elle recoupe plusieurs pays, plusieurs sensibilités la rend encore plus riche. J’essaie de te convaincre 🙂

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  2. Passage à l'Est! 29 novembre 2020 / 19:49

    Theodor Fontane, je crois que je l’aime mieux en théorie qu’en pratique. Ton extrait sur le mariage et la noblesse me rappelle son petit roman Madame Jenny Treibel, que j’avais trouvé « plus rempli de vertu que d’entrain ». Mais je crois me souvenir que j’avais bien aimé Effi Briest (c’est lointain).

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    • Patrice 3 décembre 2020 / 05:46

      Et moi qui pensais que plus personne ne lisait cet auteur, du moins en France. Je vais me noter Effi Briest pour l’année prochaine.

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      • Passage à l'Est! 3 décembre 2020 / 18:17

        C’est que je suis une lectrice française hors sol! Avec en l’occurence des livres découverts et achetés en Allemagne et lus en Hongrie.

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