Comment ai-je découvert cet auteur ? A l’occasion de la rentrée littéraire de cette année, les revues prêtent beaucoup attention à un auteur islandais – Stefánsson – dont le nouveau roman vient de sortir. Je me précipite dans notre médiathèque pour emprunter un de ses livres – un seul était disponible, un policier. Très contente de mon acquisition, je rentre à la maison en échafaudant le projet d’écrire un post original pour le blogue qui évoquerait le côté policier de l’auteur (tandis que tout le monde parle de ses romans…). Et puis, quelques jours après, je m’aperçois que j’ai confondu deux auteurs venus de l’Islande : Jón Hallur Stefánsson et Jón Kalman Stefánsson ! Cette petite confusion m’a permis non seulement de découvrir un polar intitulé Brouillages (Babel) écrit par Jón Hallur Stéfansson, mais m’a aussi amenée à rechercher les informations sur le système des noms islandais sur internet (très intéressant !)
Laissons maintenant de côté les petites histoires rigolotes et passons aux choses sérieuses :
Le beau paysage islandais (que celles et ceux qui aimeraient y aller un jour lèvent la main !) est troublé par la découverte du corps de Björn, architecte reconnu, près de sa maison d’été. Suite à une chute – accidentelle ou criminelle, allez savoir – il est plongé dans le coma à l’hôpital. De plus, une jeune fille – Sunneva – vient de disparaître. Petit à petit, le lecteur en apprend davantage sur l’entourage de Björn – sur sa propre famille, puis celle de son ancien collègue Gunnar, père de Sunneva. Finalement, on a l’impression de soulever une pierre et de découvrir au-dessous, dans l’obscurité, une fourmilière où chacun des acteurs a son côté sombre. On ne s’interroge pas seulement sur les relations femme / homme, mais aussi sur les relations parents / enfants ou les liens entre amis. On est témoin de la manipulation, de la possessivité, de la dépendance ou alors de l’alcoolisme et de la dépression…
Valdimar, qui est chargé de l’affaire, a donc le « plaisir » d’observer ce microcosme et d’essayer de démêler les relations confuses. C’est un policier finalement assez attachant, mais hanté par ses propres démons, et l’on découvre son passé compliqué en parallèle de l’enquête.
Le travail, le travail, toujours le travail, voilà l’unique planche de salut qui l’empêchait de se plonger dans des souvenirs assassins et de devenir la marionnette d’un pessimisme assorti de troubles obsessionnels. Il y avait longtemps qu’il avait compris à quel point sa personnalité fluctuait au gré des saisons et cela s’accentuait avec les années.
J’ai remarqué que les personnages féminins étaient particulièrement tristes, que l’on parle de la mère de Valdimar ou de la femme de Björn, d’Eva… Toutefois, l’auteur ne penche pas vers une vision simpliste des protagonistes, mais les montre sous différentes facettes, tantôt comme victimes, tantôt comme acteurs qui prennent sans scrupules leurs vies en main, poussés soit par le désespoir, soit par la colère.
A tous les personnages islandais, ajoutons encore un Japonais – un tueur à gage venu en Islande pour y effectuer une mission. Ce yakuza apporte un côté exotique, ses réflexions sur son professionnalisme et sur ses méthodes, ou encore les descriptions de sa mission dont il est particulièrement fier, sont la cerise sur le gâteau dans le livre.
L’Islande était le pays de cocagne de tueur à gages, s’était-il dit. Nulle part au monde, il n’avait vu autant d’endroits où l’on pouvait assassiner les gens en toute quiétude dans des conditions esthétiques satisfaisantes sans avoir à redouter l’arrivée de cohortes de spectateurs.
Le roman est très noir mais pas violent (Jo Nesbo l’est beaucoup plus). L’enquête se poursuit tranquillement (Valdimar conduit ses interrogatoires) ; néanmoins, toute l’attention est portée sur la psychologie des gens. L’auteur a très bien réussi à capter les différents traits de caractères, l’égoïsme, la haine, la résignation ou au contraire la fureur… Il pousse les gens au-delà de leurs limites jusqu’à ce que, désespérés, ils s’effondrent ou se vengent cruellement… L’autre atout réside dans les nombreux rebondissements. La fin procure une « belle » surprise, on ne pose pas le livre avec déception. En conclusion un bon policier (idéal pour l’automne, je pense), donc je vous conseille :
Achetez-le chez votre libraire
X d’aller l’emprunter dans votre bibliothèque
Lisez plutôt autre chose
Brouillages de Jón Hallur Stefánsson, traduit par Eric Boury. Actes Sud, 2010, 331p.