Cela fait déjà quelques années que j’ai lu le roman Les cerfs-volants de Kaboul, qui m’avait vraiment bouleversée – Khaled Hosseini y racontait l’histoire de deux garçons afghans, issus chacun d’une strate différente de la société. Me rappelant à quel point l’auteur m’avait alors fait pleurer, c’est donc avec une certaine fébrilité que je me suis mise à lire son deuxième roman Mille soleils splendides. Qui plus est, il y a quelques semaines, j’ai lu par hasard sur un forum le témoignage d’une femme qui avait été maltraitée durant son enfance et qui mentionnait Mariam comme étant son héroïne littéraire préférée, car elle lui trouvait beaucoup de points communs avec elle. Un fait qui a rendu ma lecture encore plus douloureuse…
Khaled Hosseini donne donc la voix à deux femmes – Mariam et Laila. Au départ, rien ne les rapproche ; je pense même que dans des conditions normales, elles ne seraient jamais devenues amies, elle ne se seraient probablement jamais adressées la parole.
Mariam est une harami, une enfant illégitime, qui vit avec sa mère dans une cabane minuscule et isolée. Une fois par semaine, elle reçoit la visite de son père qu’elle adore – elle guette son arrivée, angoisse déjà quelques jours auparavant, se demande s’il va venir ? Entre temps, elle est sans cesse rabaissée par sa propre mère, malade et humiliée car rejetée autrefois par cet homme riche, et expédiée loin des regards des autres.
Le destin de Mariam bascule lorsque elle est mariée à un veuf dont elle fait la connaissance le jour même de leur mariage et qu’elle doit quelques heures après suivre à Kaboul. Rachid, son mari, sait se maîtriser seulement quand il y voit un but pour lui ; ainsi, quand Mariam n’arrive pas à lui donner un fils, il se révèle colérique, cruel, sans aucun respect envers sa femme.
Il dînait toujours en l’ignorant totalement, dans un silence qui lui faisait l’effet d’un jugement porté contre elle et qu’il ne brisait que de temps à autre que par un grognement exaspéré, un claquement désapprobateur de la langue, ou un mot jeté sèchement pour exiger du pain ou de l’eau.
En même temps, on suit le destin de Laila, une jeune fille issue d’une bonne famille, où le père (professeur) souhaite avant tout que sa fille fasse des études. Mais des événements tragiques vont frapper cette famille heureuse et mettre la vie de Laila sans dessus-dessous.
Derrière ces histoires personnelles, on voit défiler la grande histoire qui n’épargne pas vraiment le peuple afghan.
Voilà bien l’histoire de notre pays, les enfants, commenta le chauffeur en faisant tomber le cendre de sa cigarette par sa vitre. Une succession d’invasions. Macédonienne. Sassanide. Arabe. Mongole. Et aujourd’hui soviétique. Mais nous, on est comme ces murs là-bas. Abîmés, pas très jolis à voir, mais toujours debout.
C’est le véritable atout des romans de Khaled Hosseini – sa capacité de nous faire percevoir ce monde lointain. On assiste à des coups d’Etats, l’invasion soviétique qui marque la fin d’une certaine stabilité du pays, l’arrivée des Talibans… Grâce aux personnages, on peut s’apercevoir quel était l’impact de ces différents régimes sur les gens ordinaires et notamment sur la condition des femmes – la libéralisation de leur position dans la société sous le régime communiste et puis la descente dans les ténèbres après l’arrivée des Talibans et leurs règles strictes pour les femmes (interdiction de dévoiler le visage, de travailler, d’aller à l’école, de parler sans en recevoir la demande, de rire en public…).
N’oublions pas les incessants combats, bombardements et actes terroristes (dont le nombre de victimes civiles est difficile à estimer) qui ont provoqué l’exil de millions d’Afghans, ce qui fait triste écho avec les vagues de réfugiés fuyant la guerre en ce moment… L’auteur a travaillé pour le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés et ajoute quelques chiffres sur ce sujet à la fin du livre.
Cela arrivait souvent à l’heure du dîner, quand Babi et elle étaient à table. A chaque fois, ils redressaient la tête et tendaient l’oreille, la fourchette figée en l’air. Laila voyait le reflet de leur visage faiblement éclairé sur les vitres, leur ombre immobile sur les murs. Le sifflement enflait. Puis venait la déflagration, loin, Dieu soit loué. Ils poussaient alors un soupir de soulagement, tout en songeant que, s’ils avaient été épargnés jusque-là, ailleurs dans la ville, parmi les cris et les nuages de fumée, des gens rampaient et déblayaient des décombres à mains nues pour en sortir les restes d’une soeur, d’un frère, d’un petit-fils.
Une histoire forte, certes, mais j’ai au final une préférence pour Les cerfs-volants de Kaboul – je ne saurais vous dire si c’est lié à la traduction (je l’ai alors lu en allemand) ou à l’histoire (j’ai suivi l’histoire de Mariam d’une façon légèrement détachée, ce qui me surprend un peu, hormis la fin – très touchante – où le malheur de son existence devient palpable).
Ceci dit, je vous conseille sans hésitation les deux livres. Ils constituent un excellent point de départ pour ceux qui aimerait mieux comprendre l’histoire de l’Afghanistan.
X achetez-le chez votre libraire ou bouquiniste
X allez l’emprunter dans votre bibliothèque
lire plutôt autre chose
Mille soleils splendides de Khaled Hosseini, traduit par Valérie Bourgeois. Belfond, 2007, 405 p.
Bonjour Eva (et Patrice aussi je crois),
je découvre votre blog via un lien, plus d’un an après son ouverture…
Je suis ravie de lire ce billet sur Khaled Hosseini car j’ai décidé de m’ouvrir plus sur les littératures du monde que je lis peu en dehors des Américains (tout le continent confondu). J’ai noté bien sûr cet auteur et à lire ce billet finalement, ne me reste plus que la difficulté de choisir parmi tous ses titres qui semblent très intéressants.
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Bonjour Sandrine,
Et merci pour votre passage sur notre blog. Nous sommes toujours contents de pouvoir échanger nos lectures (coup de cœur ou pas) et surtout de découvrir de nouveaux titres ou genres.
J’apprécie chez Khaled Hosseini sa capacité de décrire une culture aussi différente que celle de l’Afghanistan ainsi que le côté historique – il nous permet de suivre l’évolution de la situation politique dans la 2ème moitié du XXème siècle et la lecture reste pourtant très fluide. Ceci dit, j’ai eu quand même une préférence pour les Cerfs-volants de Kaboul !
Nous avons visité votre blog qui est très complet, nous allons y revenir avec plaisir pour piocher des idées de lecture.
Bonne journée et à bientôt sur nos blogs.
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Moi aussi j’ai une préférence pour Les cerfs-volants de Kaboul même si j’ai trouvé celui-ci très puissant. Il fait souffrir le lecteur ce roman…
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