Jennifer Cockrall-King – Food and the City

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Et si l’une des clés de la sécurité alimentaire mondiale consistait à produire les aliments dans les villes ? C’est en effet la question de l’agriculture urbaine qui occupera  le 4ème épisode de notre série « Nourrir le monde » à travers le livre (très réussi) de Jennifer Cockrall King, Food and the City, paru chez Prometheus Books. L’auteur y décrit l’émergence des projets d’agriculture urbaine  dans plusieurs pays, partant à la rencontre des acteurs… Un livre enthousiasmant à découvrir aujourd’hui sur le blog.

 (mon avis ne concerne que la version originale du livre ; la version française vient de sortir aux Editions Ecosociété ce 11 janvier – vous trouverez à la fin du billet les références)

Jennifer Cockrall-King est une journaliste et écrivaine canadienne qui s’intéresse à toutes les thématiques de l’alimentation. Vous pouvez d’ailleurs retrouver ses publications et contributions sur son site www.foodgirl.ca.

Dans cet ouvrage, comme je vous le précisais initialement, il est question d’agriculture urbaine. On peut schématiquement diviser cette dernière en deux catégories : l’une est « très technologique » avec des visions assez futuristes comme les tours de Dickson Despommier (elle en est encore à ses balbutiements), l’autre a davantage recours aux initiatives citoyennes de mise en valeur du moindre coin de terre disponible pour y produire des denrées. C’est sur cette seconde vision que le livre s’étend.

Les 4 premiers chapitres sont consacrés à dépeindre la situation du monde actuel en termes d’approvisionnement alimentaire : Jennifer Cockrall-King revient sur l’historique des supermarchés, la fragilité du système global, la réduction de la biodiversité, la révolution verte, la dépendance énergétique du système alimentaire, ou encore les pratiques sanitaires (« 70 percent of the antibiotics used in the United States are in CFOs for animals, not humans »).

J’ai trouvé cette première partie très bien documentée et passionnante. On y a apprend notamment que la ville de New York, au moment des attaques du 11 septembre, ne disposait que de stocks de nourriture pour 3 jours… On n’ose imaginer la conséquence si un blocus s’était instauré. Dans le même ordre d’idée…

British government created an agency called The Countryside agency to study the United Kingdom’s food security. Conclusion: UK is extremely vulnerable to a food shock caused by any disruption of the normal flow of supply lines. Major cities in the United Kingdom, the report concluded, were any given time “nine meals from anarchy”.

Plus connu finalement que le manque de résilience des systèmes complexes d’approvisionnement alimentaire est l’énergie dépensée pour faire voyager des denrées d’un bout à l’autre de la planète, mais là encore, les exemples sont frappants et invitent à la réflexion :

Leopold Center for Sustainable Agriculture at Iowa State University released a watershed report on the production, transportation, and distribution of food in the US food system : it established the most iconic sound bite of our current modern, industrial food item : that the average grocery store item travels over 1,500 miles from farm to consumer.

Economist Jeff Rubin point to the rise in consumption of Atlantic salmon as an example of how cheap oil makes cheap food possible in his best-seller Why Your World Is about to Get a Whole Lot Smaller (salmon caught off in Norway, frozen onboard, transferred to a larger boat, chipped to China where fish are thawed, skinned, filleted, and deboned – refrozen for the return voyage, ending up in UK or US).

Voilà pour les 4 premiers chapitres. Commence ensuite un long voyage à travers la planète pour y rencontrer des acteurs de l’agriculture urbaine qui, comme le rappelle l’auteur, a déjà une longue existence derrière elle. Les initiatives sont multiples, parfois anecdotiques (apiculture réduite à quelques ruches), extrêmement intensives sur de très petites surfaces (comme le balcon de Mark Ridsdill Smith, fondateur de Vertjckical Veg à Londres), ou plus ambitieuses à l’échelle d’une ville comme Vancouver qui souhaite avoir sur son territoire 25% de « paysages comestibles » incluant les toits végétalisés. Utiliser partout l’espace disponible pour cultiver sa nourriture, en quelque sorte, même des locaux désaffectés dans le cas de Détroit (cf. photo ci-contre).

L’exemple final de Cuba est différent dans le sens où il montre le refuge obligatoire qu’a constitué l’agriculture urbaine pour faire face à l’isolement du pays (et donc le manque de moyens de production) après la chute de l’URSS ; elle a permis aux habitants de survivre à une période très compliquée.

C’est une gageure de vouloir résumer tout ce voyage mais à l’instar de l’auteure du livre, on trouve dans toutes ces personnes une formidable énergie, une envie de faire bouger les choses.

But what I have seen has given me hope that at least we are colletively heading in the right direction. There’s a tremendous amount of energy being poured into greening our cities by private citizens, small and large businesses, and municipal governments, and it is starting to yield some impressive innovations and results.

Il y est bien sûr question de produire de la nourriture, mais pas seulement ; certains exemples montrent à quel point ces initiatives permettent de faire revivre le tissu local :

(exemple de Toronto) FoodShare has launched its Recipe for Change initiative to bring food literacy to schools so that all students can learn how to make healthy food choices, access at least one healthy meal a day at school, and increase their physical fitness through food activities such as gardening, cooking and composting at school. (…) He walked me through the various community gardens, the community compost education center, a community café that serves low-cost, healthy meals and provides job training for youths, and gushed about the food-literacy programs for kids.

Les cas sont tous très différents – les descriptions très vivantes, et l’on devine l’empathie développée avec les gens visités. A la fin du livre, on regarde la ville différemment et on s’imagine chaque coin de terre disponible utilisé pour produire des fruits et légumes ! (c’est ce qui m’est arrivé souvent dans le bus). Cet ouvrage procure une grande énergie au lecteur, à l’image de ce qu’a pu apporter le film Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent.

L’agriculture urbaine ne peut à elle seule régler le problème de l’alimentation, mais comme le dit Pierre Feillet à son sujet dans Quel futur pour notre alimentation « c’est une carte qui mérite d’être jouée – même si elle est limitée – en liant son développement à une politique très volontariste de l’aménagement du territoire. » Une seule réserve pour finir : l’auteur n’aborde pas le problème de la pollution du milieu urbain par les métaux lourds qui est pourtant une réalité. Ceci étant dit, je vous conseille vivement ce livre que je classe parmi mes meilleures lectures de ces dernières années :

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Lisez autre chose

Food and the City – Urban agriculture and the new food revolution, de Jennifer Cockrall-King. Prometheus Books. 2012. 372 p.

Plus d’informations sur la version française : La révolution de l’agriculture urbaine, aux Editions Ecosociété. 2016. 328 p.

7 réflexions sur “Jennifer Cockrall-King – Food and the City

  1. Luocine 18 janvier 2017 / 22:38

    Vous avez de la chance de lire aussi facilement l’anglais.

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    • Patrice 26 janvier 2017 / 23:11

      Je ne dis pas que je comprends chaque mot, mais ça fait du bien de maintenir l’habitude en se « forçant » à lire en anglais.

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  2. Annawenn **Alone in this world** 19 janvier 2017 / 08:16

    Effectivement, c’est intéressant. Il existe des maraîchers dans Paris en petite production. Il y a toujours des vignes à Montmartre…
    Lors d’une conférence, j’ai entendu parler de la ceinture verte autour de Montréal.
    La permaculture a de belles perspectives en la matière.
    Merci pour ce partage.

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    • Patrice 26 janvier 2017 / 23:10

      Merci beaucoup pour ce commentaire. Oui, cela montre qu’il y a beaucoup de pistes à réactiver pour nourrir les hommes et surtout les rapprocher de la nature. D’autant plus que la ville génère beaucoup de déchets organiques qui peuvent aussi servir de base à des productions nouvelles (je pense aux pleurotes sur marc de café par exemple).

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  3. mjo 19 janvier 2017 / 08:45

    Ta conclusion est très convaincante. Merci !

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