Egypte, 2048. Le pays est sous la dictature du Nizam, un système mêlant religion et consommation. Pour pouvoir s’en échapper, une jeune femme, Doria Nour, enchaîne des mariages qu’elle fait annuler aussitôt la dot encaissée. Néanmoins, le dernier mariage qu’elle doit contracter pour réunir le kilo d’or nécessaire à l’exil ne se déroule pas de la façon escomptée et elle doit fuir. Le 33ème mariage de Doria Nour, de l’égyptien Hazem Ilmi, est un roman surprenant et c’est ce voyage dans le temps que je vous propose de faire aujourd’hui !
Hazem Ilmi est en fait un pseudonyme. De l’auteur, on sait finalement peu de choses, hormis qu’il est neuroscientifique et qu’il a quitté Le Caire en 2014. Le 33ème mariage de Doria Nour est son premier roman, écrit en anglais puis traduit en allemand, langue à partir de laquelle la version française a été basée.
L’originalité de ce livre, et disons-le tout de suite son plus bel atout, réside dans la fantaisie dont fait preuve l’auteur pour nous dépeindre cet autre monde. Dans ce pays fermé, divisé en 3 régions abritant autant de castes (les privilégiés au nord, les esclaves au sud), le pouvoir a combiné la religion et la consommation. Cette dernière s’immisce de façon permanente dans la vie des habitants de l’Egypte centrale :
C’était celui de son onzième anniversaire, et le dernier où elle avait fait des rêves normaux, où elle avait pu dormir en toute tranquillité. Depuis, chaque nuit, le ministère du Sleepvertising et de l’Aube céleste déversait directement dans les cerveaux égyptiens endormis ses messages publicitaires, qui ne s’interrompaient que pour l’adhan – l’appel à la prière.
La religion est le second pilier ; chacun doit faire la prière et porter un chapelet magique ; Doria est d’ailleurs opératrice de saisie, chargée de vérifier les données de ces chapelets. Des émissions de « chariatainment » côtoient des gadgets comme le chapeau électronique qui doit détecter la tendance au pêché ou encore un système d’alarme dans les cheveux quand une mèche s’échappe du foulard. S’y ajoute même un système de bons points :
Au cours des sept derniers jours, elle avait totalisé 642 points. Ce résultat se fondait sur le nombre des prières effectuées, la durée pendant laquelle elle avait porté son chapelet magique et la fréquence de ses achats. A cela venaient s’ajouter les points correspondant aux contrôles caractériels.
Des points que les parents pouvaient augmenter en donnant à leur progéniture des noms bénis… Voici ainsi planté le décor et celui-ci, même s’il est assez effrayant, vaut d’être lu.
D’un côté, on suit donc l’histoire de Doria, qui a décidé de quitter le pays et qui, après chaque mariage, se laisse refaire un hymen artificiel, les hommes ne souhaitant épouser que des vierges. Le stratagème fonctionne jusqu’au 33ème mariage où sa non-virginité est détectée. De l’autre côté, un autre protagoniste majeur de l’histoire, Oztaz Mokhtar, professeur d’université enlevé par des extra-terrestres en 1952, fait réapparition en 2048, et va croiser le chemin de Doria.
Alors que je suis quelqu’un d’assez rationnel, peu fantaisiste, j’avoue que tout cela marche et je me suis fait embarquer dans cette histoire forte de rebondissements. On découvre petit à petit les coulisses de la richesse du pays et c’est à une vraie condamnation de la religion que s’adonne l’auteur par l’intermédiaire de ses protagonistes. Il utilise l’humour, la dérision pour y répondre. Si la fin du livre manque de souffle, je vous conseillerais de vous plonger dans cette dystopie en :
X l’achetant chez votre libraire
X l’empruntant dans votre bibliothèque
ne la lisant pas
Le 33ème mariage de Doria Nour, de Hazem Ilmi, traduit de l’allemand par Hélène Boisson. Denoël, 2017, 352 pages.
Très intrigant en tout cas !
J’aime bien le ton de l’extrait avec le « Sleepvertising »….
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Moi aussi je suis assez rationnel 🙂 Je notes !
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j’ai beaucoup de mal avec ce genre de fiction et cela me fait hésiter à lire ce roman pourtant bien décrit et mis en valeur par ton billet
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Je comprends que ce ne soit pas un livre « passe-partout » !
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