Marlen Haushofer – Nous avons tué Stella

Haushofer

Aujourd’hui, j’ai une lecture idéale pour celles et ceux qui cherchent un livre court avec une histoire très forte. L’auteure autrichienne, Marlen Haushofer, est en France connue surtout pour son livre « Le mur invisible ». J’ai donc décidé de faire une petite publicité pour un autre de ses titres : Nous avons tué Stella.

Dès les premières pages, on prête l’oreille à la voix d’une femme – Anna – qui se confesse sur sa vie quotidienne, sa vie de couple. La famille vit dans un ménage où tout est parfaitement rangé au premier regard : une femme s’occupant de la maison, un mari qui a du succès dans son travail et deux charmants enfants (un garçon qui tient de la mère et une petite fille à papa).

Voici peu de temps, une de mes rédactions d’écolière que j’avais retrouvée me plongea dans la stupéfaction. Je n’en avais aucun souvenir. Mais l’écriture m’était familière, c’était l’écriture d’une fillette de quatorze ans, pleine de confiance et dont la personnalité était encore intacte. Où est-elle passée au cours des ans ? Je l’ignore. Envieuse et admirative, la femme de quarante ans que j’étais devenue fixait la feuille de papier avec, au cœur, la certitude d’une grande perte.

Néanmoins, la femme nous permet d’entrevoir ce qui se cache derrière les portes et met à nu un couple dont l’union n’est que de façade. Une hypocrisie parfaite avec beaucoup de non-dits, où on préfère se taire ou tourner les yeux au lieux de discuter. Le mari – Richard – est un coureur de jupons, sans scrupules, sans empathie envers les autres (il est tellement bien décrit que son visage propret et l’intérieur pourri m’agacent et me dégoûtent encore aujourd’hui). La femme ne se doute pas une seule seconde qui va devenir sa prochaine proie le jour où une jeune fille leur est confiée. Stella, un personnage malheureux, qui ne réalise probablement même pas que personne ne s’intéresse à elle (sa mère incluse). La pauvre se glisse donc dans la maison froide et n’ayant aucune expérience, elle tombe sous le charme de cet homme constamment à la chasse. Et petit à petit, on s’approche d’un événement tragique… (dans la version originale, le titre du livre n’est pas au passé, il se traduirait par On tue Stella ou peut-être On est en train de tuer Stella)

J’étais toujours aimable avec Stella, aimable comme je le suis avec la femme de charge, le facteur ou les camarades de classe de Wolfgang.

Pourquoi Anna se confesse ? Car connaissant son époux, elle n’a rien fait pour empêcher le drame qu’elle a pourtant vu venir. Ses mots sont froids, distants, mais elle n’arrive pas à oublier. Elle finira par être punie d’une autre façon. Le lecteur oscille entre la sympathie envers Anna (ça arrive rarement au cours de la lecture, mais ça arrive) et l’incrédulité devant sa froideur.

(…) je pus enfin m’asseoir pour prendre mon petit déjeuner et feuilleter les journaux. Puis j’établis les menus de la semaine et me mis à arroser les fleurs. Cela me prend toujours une bonne demi-heure, nous avons une foule de fleurs un peu partout et c’est une occupation qui me donne l’illusion de faire oeuvre utile et juste. Mais j’ai parfaitement conscience de prodiguer mes sentiments à des objets qui n’en ont aucunement besoin. A vrai dire, les sanglots de Stella dans la nuit ne m’avaient pas touchée, ils n’avaient suscité en moi qu’aversion et désarroi. Mais que le jeune cactus fût mort me faisait réellement de la peine.

80 pages où le lecteur retient son souffle… Les observations de la nature humaine par Marlen Haushofer sont pertinentes, j’en ai eu le cœur serré. Le personnage d’Anna est marquant par le côté glaçant, condescendant de son flot de pensées, mais aussi par ses déceptions, sa condition de femme soumise à l’homme dans la société patriarcale.

Il y a quelque temps, j’ai écouté sur France Culture une excellente lecture de la Lettre d’une inconnue de Stefan Zweig (que je vous conseille vivement d’écouter : ICI , vous n’allez pas regretter ces 55 minutes !). Je me le rappelle aujourd’hui, car je suis persuadée que le court roman de Marlen Haushofer sera tout aussi idéal pour une lecture à voix haute…

De ce fait, je vous conseille :

X d’acheter ce livre chez votre libraire ou bouquiniste

emprunter dans votre bibliothèque

lire plutôt autre chose

Nous avons tué Stella, de Marlen Haushofer. Actes Sud, collection Babel, 1995, 80 pages.

 

17 réflexions sur “Marlen Haushofer – Nous avons tué Stella

  1. mjo 4 novembre 2018 / 17:39

    Oh super ! J’avais beaucoup aimé « Le mur invisible » et donc je vais vite me procurer celui-ci.
    Merci Eva.

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    • Eva 10 novembre 2018 / 15:26

      Je te rassure, je ne voulais pas comparer les deux auteurs. J’ai juste fait une association car les deux livres se prêtent bien à la lecture à voix haute. J’espère qu’il va te plaire 🙂

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  2. Goran 4 novembre 2018 / 18:31

    Je pense que ce livre me plairait beaucoup… Je note. 80 pages c’est très court, mais de temps en temps j’aime bien lire des petits textes.

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  3. cleanthe 4 novembre 2018 / 20:42

    Je n’ai pas lu encore « Le mur invisible ». Mais je note aussi ce titre.

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  4. luocine 5 novembre 2018 / 07:30

    Ce que tu dis me glace littéralement, et je n’ai que moyennement envie de me retrouver avec ces personnages,même pour 80 pages.

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    • Eva 10 novembre 2018 / 15:32

      Pourtant le personnage d’Anna est très intéressant ! Mais je te comprends.

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  5. Passage à l'Est! 10 novembre 2018 / 21:35

    Je ne connaissais pas du tout mais ca m’intéresse, surtout quand je vois que l’auteur a vécu entre 1920 et 1970. Elle devait etre une personnalité intéressante. Par chance il y en a un exemplaire VO dans une bibliotheque ici donc je vais pouvoir utiliser l’option emprunt meme si ce n’est pas celle que tu recommandes!

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  6. Ariane 13 novembre 2018 / 21:43

    J’ai beaucoup aimé ce petit roman, mais pas autant que Le mur invisible qui est un de mes plus gros coups de cœurs littéraires.

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