Elizabeth Gaskell – Nord et Sud

Gaskell

Elizabeth Gaskell est l’une des écrivaines britanniques majeures de l’ère victorienne. Contemporaine et amie de Charles Dickens et de Charlotte Brontë, elle écrit Nord et Sud en 1854, qui paraît au départ sous formes d’épisodes dans le journal de Dickens. Elle y décrit l’histoire de la famille d’un pasteur du sud de l’Angleterre, qui va s’installer dans le Nord industriel.

Le pasteur Hale décide de quitter sa fonction de pasteur pour des raisons de conscience, et de ce fait son village de Helstone, dans le Hampshire (région de Southampton), si chère au cœur de sa fille, Margaret. Celle-ci passe son temps entre ce lieu, dont elle peint les paysages bucoliques, et Londres, où résident sa tante et sa nièce, cette dernière venant de se marier.

Le nord industriel, sa noirceur, représentent un véritable contraste pour la famille habituée à une vie tranquille entre l’élégance de séjours à Londres et la petite société des « hobereaux du Hamptshire ». Les premiers contacts sont pris avec Mr Thornton, un industriel qui a réussi dans l’industrie du coton. Celui-ci, par l’entremise de Mr Bell, le meilleur ami de Mr Hale, va devenir un des élèves de l’ancien pasteur qui donne désormais des cours pour gagner sa vie.

Si Mr Thornton est immédiatement séduit par la beauté de la jeune Margaret, son jugement est revu quand celle-ci lui manifeste une « indifférence hautaine ». Elle-même n’est pas conquise et considère péjorativement le métier de l’industriel

La trentaine, avec un visage qui n’est ni laid ni beau ; il n’a rien de remarquable. Ce n’est pas un gentleman, mais il fallait s’y attendre. (…) Je n’aimerais pas devoir discuter affaires avec Mr Thornton ; il a l’air tout à fait inflexible. En somme, un homme qui semble occuper exactement la place qui lui convient, maman. Sagace et énergique, comme il sied à un grand commerçant.

Une aversion qui ira croissante quand elle l’entendra exposer ses convictions :

Margaret sentait son âme se révolter contre Mr Thornton en l’entendant tenir ces raisonnements ; on eût dit que le commerce était tout et l’humanité, rien.

Elizabeth Gaskell nous offre un récit vivant. Elle sait décrire les états d’âme des différents personnages, mais aussi leur évolution, et croque avec soin la superficialité que représentent la cousine de Margaret et sa mère. On suit ainsi la vie de la famille, mais également l’affrontement entre les ouvriers et les patrons dans cette Angleterre industrielle : les difficultés de vie des premiers en raison de salaires trop faibles pour nourrir des familles parfois nombreuses (Margaret fait d’ailleurs connaissance d’un père et de ses deux filles, auxquels elle s’attachera) – l’inflexibilité des patrons devant les revendications salariales. Mais Elizabeth Gaskell n’en offre pas une vision manichéenne : on est conscient des difficultés économiques des dirigeants et des contraintes que cela leur impose. A travers son livre, elle plaide pour une fin de l’affrontement de ces deux classes et pour la concertation.

J’avais lu l’an dernier un roman de cette même époque, Le docteur Thorne, d’Anthony Trollope, qui m’avait beaucoup plu. La lecture de Nord et Sud fut agréable, et l’issue du livre (Margaret et Mr Thornton vont-ils se rapprocher ?) demeura longtemps incertaine ; il me manqua un petit quelque chose pour rendre cette lecture plus passionnante. Je vous conseille donc de :

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Nord et Sud, d’Elizabeth Gaskell, traduit de l’anglais par Françoise du Sorbier. Points, 2010. 704 pages.

Ce roman s’inscrit dans le cadre du défi des Pavés de l’Eté 2019.

pavé 2019 GM or

6 réflexions sur “Elizabeth Gaskell – Nord et Sud

  1. Ingannmic 7 juillet 2019 / 12:11

    A lire le titre juste en passant, je pensais qu’il s’agissait d’un roman sur la guerre de Sécession !… L’époque victorienne ne m’attire pas suffisamment pour me convaincre, d’autant que ton avis est finalement mitigé. Ajouté au fait qu’il est volumineux… Je passe ! Je viens de lire mon premier pavé aussi, il s’agit du roman de Philpp Meyer, Le fils (un coup de cœur). Me reste plus qu’à rédiger mon billet…

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  2. vagueculturelle 7 juillet 2019 / 12:21

    Je l’ai lu il y a quelques années et j’avais adoré ma lecture. Contrairement à d’autres romans d’autrices de l’époque, qui dépeignent la campagne anglaise et quelques villes, Elizabeth Gaskell s’intéresse à l’industrialisation du pays et aux relations entre les ouvriers et les industriels. J’en garde un très bon souvenir de lecture !

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  3. Eve-Yeshé 7 juillet 2019 / 13:17

    il est dans ma PAL depuis pas mal de temps, ta critique donne envie de le faire monter dans la pile 🙂

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  4. Agnès 8 juillet 2019 / 11:05

    J’avais beaucoup aimé ce roman. Et Le docteur Thorne aussi, d’ailleurs.

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  5. claudialucia ma librairie 6 septembre 2019 / 20:10

    J’adore ce livre. Je trouve que Gaskell est très en avance sur son époque quand il s’agit de décrire les ouvriers et les rapports de classe. Elle est même l’une des rares femmes à s’y intéresser. Elle défend aussi dans un autre livre Mary Barton la nécessité de la concertation et de l’entente des deux classes pour le bien social.

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