Ancien colonel laissé pour mort sur le champ de bataille d’Eylau, Hyacinthe Chabert réapparaît en 1817, dans une France ayant changé de régime. Il se rend chez un notaire car son épouse, laissée pour veuve, s’est entre-temps remariée et le vieil homme veut récupérer ses biens… Tel est le sujet d’un court roman d’Honoré de Balzac, La transaction, rebaptisé plus tard sous le nom de Le colonel Chabert.
De la superbe de l’ancien officier de Napoléon ne reste que peu de choses. Quand il ouvre la porte de l’officine de maître Derville, il fait l’objet de railleries de la part des clercs qui l’invitent à repasser dans la nuit, ce qu’il fait. C’est alors qu’il fait la rencontre de celui qu’il charge de retrouver ses biens :
_ « Monsieur, lui dit Derville, à qui ai-je l’honneur de parler ?
_ Au colonel Chabert.
_ Lequel ?
_ Celui qui est mort à Eylau », répondit le vieillard.
Le comte Chabert est un héros de l’époque napoléonienne, et c’est en haillons qu’il revient dans son pays. A l’inverse, son ancienne épouse remariée est passée, elle, des trottoirs de la ville où l’avait trouvée Chabert au statut de comtesse riche et respectée.
L’ancien héros des guerres napoléoniennes est encore amoureux de sa femme qui, dans un premier temps, feint de ne pas le reconnaître. Maître Derville propose une transaction à celle-ci, qui décide de se jouer du vieil homme. Celui-ci, écoeuré par tant de manipulations, se retire finalement et le roman s’achève presque vingt ans plus tard, alors que Chabert finit ses jours, à demi-fou, dans un asile, ce qui fera dire à Derville :
J’ai vu des femmes donnant à l’enfant d’un premier lit des goûts qui devaient amener sa mort, afin d’enrichir l’enfant de l’amour. Je ne puis vous dire tout ce que j’ai vu, car j’ai vu des crimes contre lesquels la justice est impuissante. Enfin, toutes les horreurs que les romanciers croient inventer sont toujours au-dessous de la vérité.
En lisant cette dernière phrase, on ne peut s’empêcher de penser à la vie de Balzac, que j’ai découverte récemment dans l’excellente biographie que lui consacre Stefan Zweig. Balzac eut l’occasion de voir les travers de la société, en occupant moultes postes pour gagner sa vie, dont celui de clerc de notaire.
Balzac ne faisait pas partie des défenseurs de l’Empire ; il n’en laisse pas moins ici un témoignage très positif de l’ancien grognard de Napoléon. Chabert n’est d’ailleurs pas le seul témoin de cette époque, car une excursion de Derville dans les faubourgs de Paris montrera que d’autres serviteurs de l’Empereur subsistent dans des conditions encore plus difficiles. C’est ainsi le portrait d’un homme bon, honnête, émouvant, qui tranche avec celui de son ancienne épouse, une parvenue, symbole des moeurs d’hypocrisie de la Restauration. L’argent supplante l’honneur.
Le colonel Chabert, écrit en 1844, une année intense de travail pour l’auteur, avant de se lancer dans de nombreux voyages, s’inscrit dans La Comédie humaine qui commença a paraître en 1842. C’est un court roman qui mérite d’être lu !
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Le Colonel Chabert, de Honoré de Balzac. Désormais disponible chez Folio, 1999, 208 pages.
Livre lu dans le cadre de la Quinzaine balzacienne organisée avec Bar aux lettres.
Et si on bouquinait un peu ? 
Je ne pense pas l’avoir lu, mais j’ai vu un film, tourné à Valençay, son château, son mobilier empire… ^_^
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S’agit-il du film avec Gérard Depardieu ? Je serais bien tenté de le regarder maintenant !
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Il y a trente ans!
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Même quand on n’aime pas Napoléon, il faut reconnaître que la geste révolutionnaire et napoléonienne a fourni aux romanciers un matériau de rêve : des gars ont mis l’Europe à genoux, sont revenus à pied de Russie, ont disparu volontairement, se font passer pour morts, ont été déclarés morts et sont revenus, avec des retournements de fortune qu’aujourd’hui on dirait invraisemblable… Et ce roman est très réussi, pas très long, cruel, réaliste.
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Tout à fait d’accord avec toi, Nathalie. Il y a tout un imaginaire qui est né de cette période et qui est encore vivant aujourd’hui. Je suis vraiment heureux que La barmaid ait lancé cette idée autour de Balzac, cela me permet de découvrir de petites pépites !
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J’avais vu le film avec Depardieu, Fanny Ardant et Luchini, j’en garde un excellent souvenir. Ensuite, j’avais lu la nouvelle de Balzac et elle m’avait paru trop courte mais belle tout de même.
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Il faut que je regarde le film désormais. Je préfère toujours commencer par le roman 🙂
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J’ai beaucoup de mal avec Balzac mais c’est vrai que le colonel chabert est un super roman ! Je l’ai tellement aimé que je me refuse à regarder le film pour l’instant haha !
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Merci pour ton commentaire. Je redécouvre Balzac avec beaucoup de joie, je dois avouer, non seulement le Colonel Chabert, mais je viens de finir Le curé de Tours et Pierrette qui sont très réussis aussi. Qu’est-ce qui te gêne avec Balzac ?
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Je ne saurai pas dire… C’est peut-être les heures d’études passées dessus qui m’ont causé ce blocage… Il y a plusieurs auteurs « classiques » comme lui que j’ai encore du mal à apprécier. Peut-être que dans quelques années ça changera 🙂
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Lu il y a quelques temps maintenant. Un excellent souvenir lecture. Les héros de l’épopée napoléonienne se retrouvent aussi dans La Rabouilleuse mais en très négatif Philippe et Max Gilet ont très mal tourné
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Merci pour le lien ! En lisant la biographie de Zweig, je me suis noté La Rabouilleuse, qui a l’air également très bien.
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C’est ce texte qui m’a réconcilié avec Balzac, dont je goute assez peu les romans, mais dont j’adore les nouvelles.
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Pour moi qui n’avais pas lu Balzac depuis au moins 20 ans, ce livre a constitué une très bonne entrée en matière ; je comprends ton commentaire 🙂
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Ca à l’air purement et simplement passionnant ! Je me le note, ça sera une prochaine lecture ! Incroyable sa capacité à dépeindre l’humain, je suis toujours abasourdie devant tant de talent !
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Tout à fait d’accord avec toi, il y a des passages qu’on a envie de noter, de recopier, tant ils sont réussis.
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Exactement !
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si j’avais le temps je relirai bien Balzac je n’ai relu plusieurs fois qu’Eugénie Grandet
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Objectivement, ça vaut vraiment le coup. Après m’y être remis, je me demande justement pourquoi avoir attendu si longtemps avant de m’y remettre !
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