Amina Damerdji – Bientôt les vivants

Prix Transfuge du meilleur roman français 2024, Bientôt les Vivants est le second roman de l’autrice franco-algérienne Amina Damerdji. Roman d’apprentissage autour du personnage d’une jeune femme, Selma, il nous fait également revivre les années 90 en Algérie, marquées par l’émergence du FIS et du GIA, les émeutes, et une guerre civile qui aura fait 150.000 victimes.

Sidi Youssef – 1997. Une tuerie sanglante frappe le quartier en pleine nuit. L’Algérie vit alors une guerre civile depuis plusieurs années. En quelques pages, on saisit l’atmosphère de terreur qui agite le pays. Rapidement, le récit revient au début de la période qui s’ouvre en 1988, le tout avec une tonalité beaucoup moins sanglante, même si des exactions sont évoquées tout au long de ces années troubles. Cela est aussi dû au fait que le contexte historique lourd n’est pas l’unique fil conducteur du livre et laisse une place prépondérante aux personnages qui nourrissent le roman.

Le personnage principal est une jeune fille, Selma Bensaïd, qui est passionnée par les chevaux et s’entraîne régulièrement dans le haras le plus proche. Sa mère Zyneb, son père, Brahim, qui a été nommé chef de service en pédiatrie, son oncle Hicham (le frère de Brahim) et la grand-mère Mima complètent la maisonnée. Le milieu dans lequel elle évolue est assez privilégié.

Très rapidement, des heurts sont perceptibles. Hicham rentre changé du service militaire, fréquentant des islamistes, et sera même arrêté et torturé par les autorités. En 1990, le Front Islamique du Salut connaît une ascension notoire, s’arrogeant les villes d’Oran et Alger. Le climat se tend, des grèves éclatent. Légitimant un temps le multipartisme et reconnaissant le FIS, le pouvoir finit par annuler les élections en 1991, et met le parti islamiste hors-la-loi. C’est le début de la guerre civile. Hicham devient l’avocat des leaders du FIS, une position que combat son frère Brahim. On assiste également à la montée du GIA (Groupe Islamiste Armé) qui se livre à des exactions dans les villages.

A la lecture du livre, on perçoit à quel point les familles, les amis furent déchirés durant cette période, chacun devant choisir son camp. Cela fut le cas d’Hicham, mais aussi des amis de Selma, dont certains se radicalisèrent. La peur, l’exil, firent partie du quotidien des Algériens dans cette décennie noire. Les pistes se brouillent d’ailleurs quand la cousine de Selma, Maya, est certaine que l’armée se livre à des massacres qu’elle impute ensuite à des terroristes.

C’est dans ce contexte que la jeune Selma va grandir ; grâce à sa passion pour l’équitation, elle trouve un exutoire à cette ambiance. Sa relation avec un cheval difficile à dompter, Sheïtane, jalonne le roman. N’abandonnant jamais, elle parvient à apprivoiser le cheval et saura se remettre en selle à chaque chute, ne jugeant jamais l’animal mais essayant de le comprendre. Une empathie qui manque cruellement à ces hommes qui s’entretuent.

J’ai beaucoup aimé ce roman, proche de ses personnages, ainsi que le contexte historique qui m’a permis d’en apprendre beaucoup plus sur ce qui s’est passé en Algérie durant ces années. J’aurais juste apprécié avoir un petit lexique traduisant en fin d’ouvrage la quantité importante de mots arabes employés, mais cela reste un détail.

Je remercie la Fondation Orange et Lecteurs.com pour l’envoi de ce livre qui était dans la liste des 5 derniers titres en lice pour le Prix Orange du Livre 2024 (qui a finalement été décerné à Marianne Jaeglé pour L’Ami du Prince). Merci aussi à Alain, du blog Bibliofeel, qui m’a fait découvrir la sélection du Prix Orange 2024 en sa qualité de juré.

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Bientôt les vivants, d’Amina Damerdji. Gallimard, NRF, 2024, 290 pages.

3 réflexions sur “Amina Damerdji – Bientôt les vivants

  1. Avatar de luocine luocine 22 juillet 2024 / 06:26

    cette guerre a eu pour conséquences ( évidemment pas la plus importante) de faire venir en France des Algériens radicalisés qui ont obtenu le statut de réfugiés politiques. Je lirai ce livre il est certainement dans toutes les bibliothèques

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  2. Avatar de Sacha Sacha 23 juillet 2024 / 10:17

    Je ne suis pas attirée par ce roman qui semble pourtant excellent. J’ai peut-être trop lu sur le sujet à une époque…

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