
Dans Les sentinelles, lauréat du Prix Pulitzer 2024, l’écrivaine américaine Jayne Anne Phillips s’attache à faire revivre un pan clé de l’histoire américaine, celle de la Guerre de Sécession qui opposa l’Union aux Confédérés de 1861 à 1865, et causa la mort de plus de 700.000 personnes. Plus que le récit des combats, elle relate avec talent la violence de l’époque et la difficile reconstruction des survivants, profondément meurtris dans leur chair mais surtout dans leur âme.
1874 : une jeune fille de 12 ans et sa mère, Eliza, mutique, sont déposées devant l’asile d’aliénés de Trans-Allegheny, en Virginie Occidentale et se présentent sous une fausse identité. L’homme qui conduit la charrette se fait appeler « Papa », mais n’a guère de liens familiaux avec les deux femmes. Qui est cet homme, qu’est-il arrivé à la mère pour qu’elle soit dans un tel état ? Ce sont autant de questions auxquelles le lecteur trouvera assez rapidement des réponses, grâce à une immersion 10 ans plus tôt, en 1864. La Guerre de Sécession n’est alors pas terminée, et on suivra à cette occasion un tireur d’élite, dont le rôle dans le livre sera des plus importants.
Jayne Anne Phillips a la capacité d’immerger le lecteur dans les décors et les scènes qu’elle décrit : que ce soit la vie dans l’asile, dans une cabane pour échapper aux combats. Cela vaut pour l’environnement, comme pour les sentiments des personnages, et pour la violence de l’époque : certaines scènes sont extrêmement fortes, comme celle d’une bataille de la Guerre de Sécession, durant laquelle le tireur d’élite est grièvement touché, et celle d’un viol. Elle nous offre une belle galerie de personnages, notamment féminins : en premier lieu ConaLee, qui fait preuve d’une grande maturité malgré son jeune âge (c’est d’ailleurs le seul personnage à s’exprimer du début à la fin, sans narration extérieure, dans les chapitres qui lui sont consacrés) ; sa mère Eliza, qui se « répare » petit à petit, et la guérisseuse Dearbhla.
Si le lecteur nécessite un temps d’adaptation pour nouer les fils de l’histoire et comprendre qui fit quoi, la troisième partie, qui se passe dans l’asile, est plus « sereine », même si le danger est toujours là. L’autrice rend hommage au docteur Thomas Story Kirkbride, qui était à la tête de l’établissement, et dont les extraits de son livre sur le « traitement moral » des malades mentaux paru en 1854 sont reproduits au début de chaque chapitre. Paradoxalement, j’ai trouvé cette partie un peu moins intéressante : la fin est partiellement prévisible et surtout, j’ai trouvé les coïncidences sur la présence de certains protagonistes sur le même lieu un peu poussées. Ceci étant, cette réserve ne doit pas vous dissuader de découvrir ce livre.
Certaines personnes avaient davantage de biens, elles possédaient ceci ou cela, des demeures, des magasins, des compagnies de chemins de fer, d’immenses domaines. D’autres… mouraient, devaient fuir, ou oubliaient jusqu’à leurs noms. L’endurance était la seule vraie force. Le courage des disparus telle une houle, une lame de fond, comme une force qui délimitait les jours, qui ouvrait le chemin.
X Achetez ce livre chez votre libraire
X Empruntez-le dans votre bibliothèque
lisez autre chose
Les sentinelles, de Jayne Anne Phillips, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marc Amfreville. Phébus, 2025, 304 pages.
Je crains un peu sa dureté.
J’aimeAimé par 1 personne
Il y a en effet des passages durs, mais c’est la résilience et l’espoir qui dominent toutefois dans ce livre.
J’aimeAimé par 1 personne
Alors pourquoi pas !
J’aimeJ’aime
Je le note, car c’est une période de l’Histoire qui m’intéresse, et que ton billet témoigne d’une belle puissance d’évocation, mais pour plus tard, ayant lu assez récemment un autre titre sur ce thème. Je guetterai sa sortie en poche..
J’aimeJ’aime
Je te rejoins et je dois avouer que ce livre m’a donné envie de lire davantage sur cette période de l’Histoire également.
J’aimeJ’aime
On oublie souvent la violence de cette guerre civile, pourvu que les US ne retournent pas vers une autre conflit interne !
J’aimeAimé par 1 personne
Ton commentaire est très juste, l’actualité nous interroge. Espérons aussi que cela ne nous arrive pas non plus en France un jour.
J’aimeJ’aime
J’ai déjà lu plusieurs romans sur cette guerre, mais un autre point de vue m’intéresse toujours.
J’aimeAimé par 1 personne
Dans ce roman, la guerre en tant que telle ne constitue pas l’essentiel du récit, mais c’est plutôt les séquelles sur les individus qui sont soulignées.
J’aimeJ’aime
Une guerre qui donne un avant-goût de reconstruction des soldats après celle de 14-18 ?
J’aimeAimé par 1 personne
Seulement partiellement, mais la comparaison a vraiment du sens.
J’aimeAimé par 1 personne
Ma bibliothèque l’a, ainsi que plusieurs autres titres. Je pourrai donc tenter sans grand risque.
J’aimeAimé par 1 personne
Je serai curieux de connaître ton avis !
J’aimeJ’aime
J’aime beaucoup la couverture de ce livre et je fais confiance à ton jugement. Je n’ai finalement pas lu beaucoup de romans sur la guerre civile américaine alors qu’il en existe pas mal.
J’aimeAimé par 1 personne
Merci pour ton commentaire. Même chose pour moi (peu lu sur ce thème), mais je vais essayer de combler cette lacune.
J’aimeJ’aime
Comme Alexandra, je me rends compte que je n’ai pas beaucoup lu sur cette période, à l’exception d’Autant en emporte le vent qui est d’un autre genre, je pense. Ca m’intéresse !
J’aimeAimé par 1 personne
Je n’ai jamais lu « Autant en emporte le temps », ça pourrait être une bonne idée de lecture aussi ; plus généralement, j’ai des manques aussi sur cette période et ce livre me donne envie de l’explorer davantage.
J’aimeJ’aime