Carnets tchèques – épisode 3

Kupka

Dans ce troisième épisode des carnets tchèques, nous revenons sur un livre édité en 2007, Krvavé jahody, écrit par l’écrivain tchèque né à Prague en 1921, Jiri S. Kupka. Un livre de plus sur le communisme? Oui, mais sur un aspect très méconnu que je vous invite à découvrir ci-dessous…

Dans ce livre fort, dont le titre Krvavé jahody (« Les fraises ensanglantées« ) fait écho à un épisode du livre où l’un des seuls symboles de vie au milieu de la forêt sibérienne, des fraises, se retrouvent maculées du sang de prisonniers abattus, le destin de 2 jeunes sœurs, Vera et Nada, est retracé avec intensité.

Nées d’une mère russe ayant fui le bolchevisme, et ainsi quitté la Russie à la fin de la 1ère guerre mondiale avec des légionnaires tchécoslovaques, elles sont arrêtées en mai 1945 lors de l’arrivée de l’armée rouge dans la région de Brno (ville principale de Moravie, à l’est de l’actuelle République Tchèque), de même que d’autres familles. Parquées dans un camp de transit, la mère et ses deux filles sont ensuite transportées via la Hongrie et la Roumanie, parcours durant lequel elles subissent de nombreux sévices, et au bout duquel elles sont retenues dans un goulag de Sibérie.

La faim (200 g de pain par jour), le froid (jusqu’à – 40°C avec des vêtements légers dans le camp), la maladie (tel le typhus réglé par l’incendie des baraquements), la mort (dont celle de la mère), les châtiments les accompagnent durant toutes ces années. Libérées après la mort de Staline, alors que leurs codétenues peuvent regagner leur pays, elles sont envoyées par le responsable du camp à l’est de l’URSS où elles travailleront à bord d’un chalutier, puis dans une exploitation agricole. Elles bénéficieront de la compréhension d’un inspecteur du kolkhoze et seront ainsi invitées à regagner leur pays, après 19 années d’errance et à condition de taire ce qu’elles ont vécu. En Tchécoslovaquie, les conditions difficiles continueront puisqu’elles seront employées en tant que main d’œuvre à bas coût.

Ce livre apporte un éclairage tout particulier sur un aspect méconnu de l’histoire : ces  gens d’origine russe qui ont fui leur pays sous la pression des bolcheviques après la révolution de 1917, et qui ont été recherchés systématiquement par les officiers soviétiques au fur et à mesure de l’avancée des troupes en 1945.

Si les deux soeurs purent survivre à toutes ces épreuves, il n’en fut pas de même pour beaucoup de personnes arrêtées comme elles.  Vous pouvez d’ailleurs retrouver en langue tchèque son histoire, ainsi que celle de nombreuses victimes des totalitarismes, sur le site tchèque (partiellement en français) Mémoire de la nation. Âgée aujourd’hui de plus de 80 ans, l’une des deux soeurs, Vera Sosnarova, s’est elle-même aussi assignée l’objectif de transmettre sa malheureuse expérience en allant à la rencontre des jeunes. Lire ce livre est une façon de ne pas les oublier.

Réf.: Krvavé jahody de Jiří S. Kupka, Mladá fronta, 2007, 205 p.

A bientôt pour le quatrième épisode des « Carnets tchèques »…

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