Toulouse, 28 septembre 1958. La télévision annonce l’adoption par référendum de la Constitution de la Vème République. Ce même jour, le frère du narrateur s’éteint à l’âge de 10 ans, des suites d’une péritonite. Ainsi débute l’histoire de Paul Blick, alors âgé de 8 ans, et qui s’étalera jusqu’en 2004. Un roman aux multiples facettes que je vous invite à découvrir aujourd’hui…
Telle était ma famille de l’époque, déplaisante, surannée, réactionnaire, terriblement triste. En un mot, française. Elle ressemblait à ce pays heureux d’être encore en vie, ayant surmonté sa honte et sa pauvreté. Un pays maintenant assez riche pour mépriser ses paysans, en faire des ouvriers et leur construire des villes absurdes constituées d’immeubles à la laideur fonctionnelle. En même temps, les boîtes des automobiles passaient de trois à quatre vitesses. Il n’en fallait pas plus pour que le pays tout entier fût convaincu d’avoir enclenché la surmultipliée.
Voici donc résumée la vision de Paul sur sa famille et son époque, peu de temps après la mort de son frère Vincent et de sa grand-mère Marie. Cet extrait a surtout le mérite de condenser ce que le lecteur trouvera dans le livre : un narrateur souvent lucide, désabusé, un style plein d’humour ou plutôt d’ironie, une écriture fluide, riche et la capacité de mettre des mots sur des évènements douloureux de la vie, comme dans cet autre exemple beaucoup plus loin dans le roman :
Même si elle n’en parlait que très peu, elle savait désormais que, toutes les nuits, la mort dormait dans son lit
Paul Blick grandit dans la France des années 60 marquée par la guerre d’Algérie et l’omniprésence du Général de Gaulle, le décollage économique (son père est lui-même concessionnaire d’une marque automobile aujourd’hui disparue, Simca), puis par la libéralisation sexuelle. Dans ce contexte, après des études en dents de scie, il s’essaie au journalisme sportif puis trouve enfin la consécration professionnelle avec la photographie. Marqué par son époque, il est aussi un homme de tous les temps avec lequel on partage les moments d’euphorie, de doute, de désillusion, la vie tout simplement.
La construction du roman, découpé en chapitres correspondant aux mandats des différents présidents (incluant les deux « intérims » du président du Sénat, Alain Poher), est originale et constitue l’une des facettes du roman. Elle nous permet de revoir les évènements qui ont jalonné l’histoire récente (premiers pas sur la lune, faux massacre de Timisoara en 1989) ou le parcours initiatique d’un Français de l’après-guerre (service militaire). Je trouve également que l’esprit des différentes époques est très bien retranscrit, par exemple celui des années 80 :
Sans l’avoir voulu, et bien malgré moi, j’étais le pur produit d’une époque sans scrupule, férocement opportuniste, où le travail n’avait de valeur que pour ceux qui n’en avaient pas.
Je vous laisse donc le plaisir de découvrir ce livre, prix Femina 2004 en…
X l’achetant chez votre libraire ou bouquiniste
X allant l’emprunter dans votre bibliothèque
lisant plutôt autre chose
De surcroît, ce roman qui se lit très bien mérite complètement de faire partie de vos bagages lorsque vous cherchez une bonne compagnie dans le train ou dans la chambre d’hôtel. Nous lui attribuons donc le label Livre en balade
Réf : Une vie française de Jean-Paul Dubois. Points. 2005, 405 p.
Je l’avais beaucoup aimé celui-ci… Ce n’est pas le cas des livres de Dubois.
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