Je vous propose de revenir aujourd’hui vers un auteur que nous avons chroniqué avec un grand plaisir il y a quelques mois via son livre La nuit sous le pont de pierre : Leo Perutz. Changement complet d’univers puisque dans Où roules-tu, petite pomme ?, celui-ci nous transporte dans l’Europe de la fin de la 1ère guerre mondiale à travers la quête de vengeance du « héros », Georg Vittorin…
Ils sont cinq : Kohout, Feuerlstein, Emperger, Vittorin et Junker. Leur point commun ? Ils sont autrichiens et ont été enfermés dans un camp de prisonniers russe. Sur le chemin qui les ramène dans leur patrie, ils se font le serment de revenir au camp de Tchenoviensk pour se venger du capitaine Sélioukov et des sévices qu’il a fait subir aux prisonniers :
Le premier pas était franchi. Il avait tout noté noir sur blanc. Face à Mikhaïl Mikhaïlovitch Sélioukov, il y avait à présent une organisation soudée, une alliance de cinq hommes qui voyaient clairement devant eux leur objectif et étaient prêts à n’importe quel sacrifice pour l’atteindre. Il fallait dorénavant laisser les choses suivre leur cours.
Rapidement, chacun retourne à ses occupations et le serment semble vite oublié… sauf pour Georg Vittorin, qui est littéralement hanté par sa mission. Il se met en route pour retrouver Sélioukov, bravant tous les dangers en retournant dans une Russie secouée par les soubresauts de la guerre civile. Avec lui, on vit les luttes entre les blancs et les rouges, avant de « s’envoler » vers d’autres destinations européennes pour traquer le geôlier.
L’un des aspects les plus intéressants du roman est la description en arrière-plan de tout le contexte de l’après-guerre : dans une Vienne soumise à l’inflation, où l’ordre établi n’a plus cours, où certains n’aspirent qu’à la frivolité, le retour des combattants est difficile ; de même, la Russie est déchirée par la guerre, la ligne de front bouge sans cesse et les combats sont violents. Je n’avais jamais lu, si je me souviens bien, de littérature de cette période, et cela m’invite vraiment à corriger ce manque.
L’autre intérêt réside dans le cheminement de Vittorin, omnubilé par la vengeance qui le fait quitter sa famille, sa bien-aimée, combattre dans des camps opposés sans aucun autre but que de retrouver Sélioukov. Le lecteur se pose des questions sur l'(in)utilité de cette vengeance et plus généralement sur le fanatisme :
Voulez-vous dire par là qu’il n’y a derrière vos actions aucune force agissante, aucun parti, aucune organisation ?
demande un combattant bolchevique à Vittorin devant sa détermination.
Enfin, qui est vraiment ce Sélioukov, dont on sait finalement peu à part les mauvais traitements qu’il infligea au camp, une maîtresse française, et son goût pour certaines cigarettes ? Vittorin arrivera-t-il à accomplir sa mission ? Vous aurez la réponse à ces deux questions à la fin du livre, très réussi et inattendue ; je ne saurais le dévoiler !
Si j’ai été plus sensible aux mystères de La nuit sous le pont de pierre, je garderai un bon souvenir de ce livre, qui rencontra dès sa parution en 1928 un grand succès, et qui invite à s’interroger sur l’Homme et ses motivations…
Par conséquent :
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Lisez plutôt autre chose
Où roules-tu, petite pomme ?, de Leo Perutz, traduit de l’allemand par Jean-Claude Capèle. Le livre de poche. 2002. 246 pages.
Je suis très intéressée par cette période. Comment ont réagi les Autrichiens après la guerre 14/18
Avant ils appartiennent au plus grand empire de l’Europe , ils déclenchent la plus horrible des guerres et se retrouvent vaincus et sans empire. Ce fait de l’histoire est peu traité mais m’intéresse beaucoup.
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C’est une remarque judicieuse ; ils ont déclenché la guerre mais il ne faut pas oublier que l’Empire allemand tenait la main à ce moment-là. Dans ce livre, tu as ce contexte en filigrane mais ça reste peu fouillé. Ca me donne envie de chercher des livres autrichiens de cette période. Merci pour le commentaire !
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J’ai beaucoup lu Perutz il y a une dizaine d’année. Ce Perutz m’avait surpris moi aussi après plusieurs romans historiques de l’écrivain. J’ai beaucoup aimé la fin. Mais, évidemment, on ne peut pas en parler!
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Pour l’instant, j’en ai lu deux. Quel est celui qui t’a plu le plus ?
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Je n’ai pas encore lu de Perutz; celui-ci me donne bien envie pour son contexte. Merci pour la découverte!
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Je suis ravi de t’avoir donné un conseil de lecture (moi qui visite souvent ton blog pour dénicher une des nombreuses perles qui s’y trouvent :-)) ! Je vais continuer à lire cet auteur également
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