Gilles Marchand – Une bouche sans personne

Marchand

Une bouche sans personne (Editions Aux Forges de Vulcain) est le premier roman écrit par Gilles Marchand. Conseillé par mon épouse, mis en avant sur le blog de Luocine, je ne pouvais en repousser sine die la lecture. Et dire que celle-ci fut tour à tour émouvante, drôle, fantasque, n’est pas peu dire !

Le début du roman se déroule en 1988, dans un café. La belle Lisa est au bar, Sam, Thomas et le narrateur complètent le groupe qui s’y réunit plusieurs fois par semaine. Du narrateur, personne ne sait beaucoup de choses hormis qu’il se cache une partie du visage en portant toujours une écharpe. Il est comptable, mais porte un regard distancé sur son entreprise, ses collègues et mène une vie réglée :

Le courrier empilé, ma tasse à café sur l’égouttoir, quelques livres éparpillés sur le sol, ma petite vie aux repères immuables.

Rapidement, on se rend compte que son écharpe masque un évènement vécu par cet homme durant la guerre, donc dans son enfance. Il commence à se livrer petit à petit, et évoque la figure de son grand-père, Pierre-Jean. La pelote se dévide, et l’on en apprend un peu plus sur sa vie.

La grande réussite du livre tient surtout à l’art que manie l’auteur de nous projeter dans des univers très différents. Si l’issue de l’histoire centrale (quelle souffrance masque cette cicatrice ?) ne semble guère joyeuse, le reste du récit est tout d’abord très drôle :

La poubelle n’a pas été sortie. La concierge est morte il y a deux jours et personne n’ose la toucher. La poubelle, pas la concierge. (…) Je n’ai rien ressenti, mais le coup de la poubelle ça m’ennuie. Personne ne gère la situation.

 

C’est grâce à ce lieu que j’ai découvert Boris Vian. J’ai commencé par l’ouvrage qui a donné son nom à la librairie. Je l’ai lu en une nuit et, apprenant qu’il s’agissait du premier volume d’une trilogie, je me suis précipité dès le lendemain à L’Arrache-cœur. C’était en fait le dernier texte de l’auteur, qui avait laissé sa trilogie inachevée (33,3% du projet initial, avais-je pensé, me promettant de ne plus mêler comptabilité et littérature). Alors, la suite, je l’ai imaginée. Mais c’était moins bon. Boris Vian a beaucoup baissé après sa mort.

Il est aussi complètement burlesque par moments. Les sacs poubelles qui jonchent l’entrée de l’immeuble deviennent si nombreux qu’un tunnel finit par être creusé, gardé par un cerbère zélé, pour accéder aux appartements. Les confidences du narrateur dans le café finissent par attirer des spectateurs, comme au théâtre. Ou encore le grand-père Pierre-Jean avait imaginé pour son petit-fils que les nouilles étaient extraites de carrières… Tout un monde qui, à première vue, ne m’attire pas du tout. Néanmoins, même moi, qui suis trop terre à terre, j’ai été conquis.

Enfin, il nous offre de vrais instants d’émotion, le plus souvent liés à Pierre-Jean, mais comme ici à sa cicatrice :

Je n’ai pas de miroir chez moi. (…) Ce soir, j’aurais aimé en avoir un. (…) Un grand miroir pour voir si je ressemble à mon grand-père lorsqu’il était là, assis dans ce même fauteuil avec ce même cendrier à lire ce même livre. (…) En fermant les yeux je distingue son visage, sa silhouette et le panache de fumée qui s’échappe de son visage, ne parvenant pas à le troubler complètement. A vrai dire, je connais son visage mieux que le mien et je suis incapable de savoir si je lui ressemble.

Pour terminer, saluons également l’ôde au café, lieu de rencontre, et à l’amitié qui jalonne le roman et permettra au narrateur de trouver le courage de partager sa peine.

Je vous incite donc vivement à découvrir Une bouche sans personne :

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Lisez plutôt autre chose

Une bouche sans personne, de Gilles Marchand. Les éditions Aux Forges de Vulcain. 2016. 282 pages.

8 réflexions sur “Gilles Marchand – Une bouche sans personne

  1. Luocine 23 mars 2017 / 21:27

    Je suis contente que ce livre plaise moi j’ai adoré. Au passage je rappelle que je ne lis pas au ciné … donc que mon nom est Luocine sans accent sue le e final.

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    • Patrice 23 mars 2017 / 22:02

      Merci pour la remarque, je corrige tout de suite !

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  2. Nicole G 25 mars 2017 / 17:06

    Ce fut l’un des chouchous de la dernière édition des 68 premières fois… sauf pour moi qui n’ai pas été convaincue par le chemin narratif emprunté même si je reconnais son potentiel émotif lié à son propos. Je suis néanmoins ravie pour l’auteur (adorable) du succès que son livre rencontre auprès des lecteurs grâce notamment aux libraires qui l’ont beaucoup défendu.

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    • Patrice 17 avril 2017 / 16:26

      J’ai suivi de loin les « 68 premières fois » mais j’ai vu qu’il y avait vraiment quelques belles découvertes ; heureux de voir que celui-ci en faisait partie et merci pour ton avis.

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  3. corentine 2 avril 2017 / 13:20

    Il m’intéresse ce livre, tu en parles sans trop en dévoiler, c’est très mystérieux tout ça ^^ Ce qui m’a convaincue c’est l’extrait sur la poubelle et la concierge XD

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  4. Patrice 17 avril 2017 / 16:26

    Je pense que ça pourrait te plaire 🙂

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  5. L'ivresse littéraire 24 avril 2017 / 20:08

    Selon moi un incontournable de la rentrée littéraire de septembre.
    Il fut un vrai coup de cœur tant par les personnages attachants, le lien indéfectible avec son grand père et son souvenir que par la plume de véritable conteur qu’à Gilles. Et l’écouter en vrai est un plaisir tout aussi grand 🙂

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    • Patrice 27 avril 2017 / 09:44

      Je ne suis plus l’actualité littéraire avec autant d’assiduité ces derniers temps mais ce livre est en effet « une bonne pioche ». Merci pour ce commentaire qui met vraiment en avant les atouts du livre !

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