VGE, une vie, de Georges Valance est un ouvrage que j’avais découvert il y a quelques années grâce à l’excellente émission L’esprit Public de France Culture, alors animée par Philippe Meyer. « Encadré, coincé entre deux destins écrasants, entre la geste gaullienne prolongée en Pompidou, et l’alternance réalisée par Mitterrand, Giscard n’a pas la place qu’il mérite dans l’histoire contemporaine de notre pays. » Ainsi s’exprime Georges Valance dans l’introduction du livre. Je vous invite donc à réparer cette injustice et à (re)découvrir le parcours de celui qui présida aux destinées de la France de 1974 à 1981.
Je vous propose tout d’abord de revenir sur la biographie de Valéry Giscard d’Estaing, dit VGE. Né en 1926 à Coblence en Allemagne, Valéry Giscard d’Estaing est issu d’une famille bourgeoise :
A Varvasse comme à Paris, on vouvoie les parents, qui font de même entre eux. On met une cravate pour passer à table et les enfants n’ont pas le droit de parler. Les lectures, les jeux de société, et les fêtes familiales fleurent bon le XIXème siècle.
Avec un arrière grand-père ministre de l’Instruction publique et un grand-père député d’un côté, un père reçu major à l’Inspection des Finances de l’autre côté, ses ambitions politiques n’émergent qu’après la seconde guerre mondiale. Sa participation à la Libération de Paris et aux combats dans la 1ère armée de De Lattre de Tassigny (qui lui vaudront la croix de guerre) provoquent « un coup d’aspirateur sur ses habitudes », comme le dit lui-même VGE, et le lanceront réellement dans la vie.
Elève brillant, passant par polytechnique et l’ENA, il devient député en 1956 puis ministre des Finances du général de Gaulle dès 1962. Dès 1965, perdant son poste au profit de Debré, il prépare déjà l’après-gaullisme, travaillant son image populaire. Bon élève de De Gaulle sans être un disciple, selon Valance, il cherchera à creuser son propre sillon :
C’est l’histoire de la chèvre, du chou et du loup qui doivent traverser la rivière : il lui faut conserver les modérés qui votent pour de Gaulle à la présidentielle et attirer ceux qui penchent pour l’opposition, et cela sans rompre avec les gaullistes.
La suite est connue : il s’oppose au « oui » pour le référendum voulu par le Général de Gaulle en 1969. Redevenu ministre des Finances de Pompidou, il est élu Président de la République par une courte majorité contre François Mitterrand en 1974.
Ce qui frappe tout d’abord chez Valéry Giscard d’Estaing, c’est son intelligence, appuyée par une mémoire infaillible. Il sent l’esprit de l’époque, l’élan des Trente Glorieuses. Il fait le pari que le gaullisme ne résistera pas à de Gaulle, et que l’horizon politique se recomposera, laissant la place à une union plus large autour du centre. Le caractère brillant de VGE est bien mis en valeur par l’auteur, mais cette biographie est loin d’une hagiographie, l’auteur pointant également les limites de l’homme politique : un égocentrique, hautain, manquant d’empathie, peu redevable envers ceux qui l’ont beaucoup soutenu dans leur parcours politique, comme Edgar Faure ou Michel Debré, et finalement naïf.
Un des aspects les plus intéressants du livre repose également sur le récit de la conquête du pouvoir en 1974. Rappelons-nous que VGE était loin d’être le favori à l’époque, il était le 3ème homme derrière Mitterrand et Chaban, dont la candidature dévissa en raison de ses propres erreurs et des divisions gaullistes (Chirac ralliant 43 parlementaires gaullistes en faveur de VGE contre Chaban Delmas).
La présidence de VGE sera sous le signe de la modernisation, qu’elle soit sociale (citons entre autres l’abaissement de la majorité civile et électorale à 18 ans, la loi Veil sur l’IVG, la loi instaurant l’égalité hommes – femmes pour tous les emplois administratifs, la loi Haby mettant en place le collège unique…), économique (tournant libéral sous la houlette de Raymond Barre), ou dans le cadre internationale (il initie le G7, l’élection du parlement européen au suffrage universel, ou encore le Système Monétaire Européen, avec le chancelier allemand Helmut Schmidt).
Giscard d’Estaing est certainement le premier homme d’Etat à avoir anticipé et pris en compte la révolution du mondialisme. Et cela de trois manières : il bouscule les habitudes ancestrales de la diplomatie ; il tente de régler les grands problèmes en suspens en organisant des conférences qui surplombent les blocs idéologiques ou d’intérêts ; il imagine une sorte de directoire mondial des grands pays industrialisés.
Il dépoussière aussi les protocoles. On est frappé par cet élan de réformes que Valance appelle le petit Consultat, en référence à cette période de l’histoire de France, où Napoléon mit en place de grandes réformes :
En fait, il n’a jamais été un révolté ; il sera toujours un grand bourgeois attaché à l’ordre social, mais conscient de la nécessité d’une adaptation permanente, de ce qu’il appellera la politique de réforme. Un grand bourgeois réformiste, comme l’ont été nombre d’aristocrates au siècle des Lumières.
Sur l’aspect politique, j’ai été très intéressé aussi de revivre les conflits de la droite pendant cette période. Chirac rompt avec VGE en 1976, et c’est une véritable lutte qui débute entre eux ; elle passera par le combat pour la mairie de Paris, le recours de Barre au 49-3 à 8 reprises face au non-soutien du RPR, et cela culminera en 1981, où l’appareil politique du RPR appellera à voter pour Mitterrand.
Ainsi, malgré d’indéniables succès, ce sont la montée du chômage aggravée par le second choc pétrolier, l’impopularité du premier ministre, l’affaire des diamants de Bokassa (qui deviendra une affaire d’Etat, simplement par le fait que VGE ne dédaignera jamais s’expliquer) et la division de la majorité, mais aussi son propre comportement, qui conduiront à sa défaite en 1981.
Il y a tant à dire sur ce livre, riche d’anecdotes, très documenté, que je vous conseille vivement de le découvrir vous-même ; la lecture en est aisée, passionnante, et vous permettra de revivre des pans entiers de l’histoire de notre pays au 20ème siècle.
Par conséquent :
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lisez autre chose
VGE, une vie de Georges Valance. Flammarion, 2011, 624 pages.
Je signale que j’écoute toujours PHILIPPE Meyer en podcast ça s’appelle le nouvel esprit public et c’est toujours aussi bien. J’avais entendu l’émission consacrée à VGE et j’avais été très intéressée.
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Encore merci pour le lien pour le nouvel esprit public. Je viens de télécharger quelques émissions mais aussi de donner ma petite contribution !
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