Avril 1957. Lors d’une excursion dominicale, le narrateur rentre dans un cimetière où la vue d’une tombe lui évoque celle des Finzi-Contini, une famille juive bourgeoise de sa ville de Ferrare qu’il a bien connue et dont on apprend rapidement que la plupart de ses membres furent déportés en 1943 en Allemagne. Il se replonge ainsi dans sa jeunesse, plus exactement en 1938, l’année où les Juifs se voient interdits de fréquenter le club de tennis de Ferrare ; à partir de ce moment, le domaine des Finzi-Contini, ou plutôt leur cours de tennis, devient le refuge de toute la troupe et le lieu de rapprochement entre les protagonistes, entre premier Micòl Finzi-Contini et le narrateur…
Le jardin des Finzi-Contini, publié en 1962, a connu un grand succès tout d’abord comme livre mais encore plus comme film ; sorti en 1970, ce dernier reçut l’Oscar du meilleur film étranger en 1971 et je dois avouer qu’après avoir refermé le livre, l’envie de regarder son adaptation cinématographique est bien réelle! Giorgio Bassani a écrit à plusieurs reprises sur la vie de la communauté juive de Ferrare (une ville d’Emilie-Romagne) à laquelle il appartenait lui-même. Les différents opus sont regroupés dans Le roman de Ferrare et sont empreints de nostalgie.
Telle un bastion dans la ville de Ferrare, la propriété des Finzi-Contini est entourée par un mur d’enceinte qui semble la séparer des autres éléments. Un relatif isolement qui se traduit aussi par le style de vie : l’éducation des enfants était effectuée par des précepteurs, la famille allait à sa propre synagogue. A partir de 1938, les parties de tennis entre les jeunes de Ferrare animent le domaine. Micòl, la fille du professeur Finzi-Contini, et Giorgio, le narrateur, se rapprochent :
Ce fut ainsi que commencèrent, presque toujours pour tromper l’attente entre une partie et l’autre, nos longs vagabondages à deux. Les premières fois, nous prenions nos vélos. Le vélo était indispensable, avait immédiatement décidé ma compagne, si je voulais me faire une idée assez nette de l’ensemble. Le jardin était d’une « bonne » dizaine d’hectares et les allées, grandes et petites, occupaient dans leur ensemble une demi-douzaine de kilomètres.
L’amitié (ou l’amour ?), est au centre du livre, et c’est une histoire que l’on suit avec beaucoup d’intérêt ; mais elle ne constitue pas l’unique point d’intérêt du récit. En effet, l’arrière-plan historique, marqué par des restrictions envers les familles juives (comme par exemple l’interdiction d’avoir du personnel du maison, de fréquenter certains lieux), est clé dans ce livre. Dans ce contexte, on a l’impression que les familles bourgeoises de Ferrare, et en premier lieu les Finzi-Contini, en font abstraction et ne se rendent pas compte des menaces croissantes qui les entourent, vivant parfois hors-du-temps. Le conte Finzi-Contini se réfugie dans l’étude des livres, tout comme le narrateur, qui résume ainsi les discussions qu’il avait avec un certain Malnate :
Quant aux sujets politiques, à présent, nous les négligions. Nous reposant l’un et l’autre sur la certitude que la France et l’Angleterre, dont les missions diplomatiques étaient depuis quelque temps arrivées à Moscou, finiraient par s’entendre avec l’U.R.S.S. (cet accord, jugé par nous inévitable, allait en même temps sauver l’indépendance de la Pologne et la paix et provoquer, en conséquence, avec la fin du Pacte d’Acier, la chute au moins de Mussolini), à présent, c’était de littérature et d’art que nous parlions presque toujours.
Enfin, en l’espace de quelques générations, entre le fondateur du domaine de plusieurs milliers d’hectares au XIXème siècle, et le fils de la famille, Alberto, vivant dans un studio enfumé, ne finissant pas ses études et déclinant par la maladie, j’ai eu l’impression de revivre le destin des Buddenbrook et la fin d’une époque et d’une classe sociale.
Un très beau livre, témoin d’une jeunesse évanouie et d’une époque révolue, que je vous conseille :
X d’acheter chez votre libraire
X d’emprunter dans votre bibliothèque
de lire plutôt autre chose
Le jardin des Finzi-Contini, de Giorgio Bassani, traduit de l’italien par Michel Arnaud. Folio, 1975, 372 pages.
Cette lecture s’inscrit dans le cadre du défi littéraire de septembre de Madame lit, consacré à la littérature italienne, ainsi que du challenge Voisins Voisines 2018.
J’ai vu le film qui est vraiment très bon… Beau billet.
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Merci beaucoup Goran!
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Très envie de voir le film dont j’imagine bien les belles images dans un parc italien.
PS j’aime la mise en scène des photos pour présenter les livres .J’essaie de le faire aussi avec plus ou moins d’idées. Mais c’ est toujours un moment amusant après ma lecture.
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Ca m’a également donné envie de voir le film. Et merci pour le commentaire sur les photos ; ce n’est pas toujours facile de trouver le bon support. Dans le cas présent, c’était à Versailles !
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Une de mes plus belles lectures quand j’étais lycéenne! J’ai eu par la suite la chance de voir le film dans un petit cinéma parisien, un beau souvenir. J’aimerais bien me replonger dans les deux.
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Heureux de voir que cela ravive d’agréables souvenirs !
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Un livre dont j’ai souvent entendu parler et pourtant je suis passée à côté. Je le note.
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Un de plus dans la liste !
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Bassabi est un très bon écrivain.
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