
Il y a 80 ans se déroulait sur le territoire français de terribles batailles opposant les armées françaises et ses alliés au forces allemandes. La bataille de Dunkerque en est en épisode majeur. Dans Week-end à Zuydcoote, Robert Merle nous restitue deux jours passés par des soldats français retranchés dans cette poche à la suite de la défaite franco-britannique.
J’ai dans mes étagères quelques livres de Robert Merle, dont bien évidemment celui-ci, mais aussi « La mort est mon métier » (qui s’inspire de la vie du commandant du camp d’Auschwitz) ou encore « Fortune de France », fresque historique très connue se déroulant au XVIème et XVIIème siècle. Ce que je ne savais pas, c’est que « Week-end à Zuydcoote » était le premier roman de Robert Merle. Coup d’essai mais aussi coup de maître, puisque celui se vit remettre le prix Goncourt en 1949 ! Ayant été lui-même soldat pendant la Seconde Guerre Mondiale et ayant participé à cet épisode de Dunkerque, le roman a donc un côté autobiographique.
Avant d’évoquer le roman, rappelons simplement que cette Bataille de Dunkerque s’est déroulée fin mai-début juin 1940 et qu’elle a consisté à évacuer les soldats coincés dans cette poche vers l’Angleterre : plus de 300.000 purent ainsi être sauvés, et rester disponibles pour continuer le combat.
L’histoire se déroule sur un week-end. Dès le début, la défaite, la guerre, la retraite (pour ne pas dire la débandade) s’invitent clairement dans le récit :
Le soleil brillait toujours sur les deux fils de voitures abandonnés qui, à perte de vue, flanquaient les deux côtés de la rue. Maillat remarqua tout en marchant une très belle Mercury kaki. Elle avait dû appartenir à un général : elle portait encore un fanion. Deux soldats y dormaient. Ils avaient démantelé le dossier du siège avant, l’avaient rabattu en arrière, et étendus de tout leur long sur les coussins, dormaient côte à côté, les mains ouvertes, avec un air de satisfaction profonde. Maillat entendit un bruit de roues sur les pavés, et au même instant, un petit charreton, poussé par un biffin, débouchait sur sa droite. Une femme y était étendue, jambes en avant. (…) La femme avait les yeux fixes et un grand trou noir à la tempe. Ses cuisses n’arrêtaient pas de trembloter à chaque cahot.
Quatre hommes, Maillat (le personnage principal), Pierson (un curé), Alexandre (un ingénieur en céramique) et Dhéry (un « combinard ») sont dans l’attente des Allemands, dont l’avancée les contraint à rejoindre Bray-Dunes. Ce ne sont pas des héros, ils cherchent à survivre, se contentant de petites joies comme celle de savourer le whisky qu’ils ont dérobé.
Constitué essentiellement de dialogues, le roman laisse la part belle à Maillat, qui se décide à embarquer pour rejoindre les îles britanniques. L’occasion pour Robert Merle de décrire les grandes cohues qui peuplent le bord de mer, la priorité donné aux Anglais, mais aussi le pilonnage par les stukkas des navires britanniques.
Au-delà du témoignage historique essentiel, j’ai beaucoup apprécié les interrogations de Maillat, la désillusion qui l’habite et provoquée par la guerre. Le dialogue qu’il tient avec Pierson l’atteste :
_ Ça non plus, dit Maillat d’une voix sérieuse, ce n’est pas tout à fait vrai. Avant la guerre, je croyais encore à pas mal de choses. Pas beaucoup. Enfin, juste assez pour être heureux. Il n’y a rien de tel que l’état de paix pour garder ses illusions. Et puis cette putain de guerre est venue, et c’est comme si la vie avait perdu d’un seul coup toute son épaisseur. Tiens, c’est comme une boîte dont le fond a crevé. Tout a passé au travers. Elle est vide.
(…)
_ C’est bien ce que je disais, tu es défaitiste.
_ Mais non, s’écria Maillat, je te l’ai déjà dit, même pas ! Un défaitiste, c’est encore un type qui s’intéresse au match, puisqu’il souhaite la défaite de son propre camp. Il est dans le coup. Moi, la seule chose qui m’intéresse, c’est de ne pas être tué au cours du match.
Les réflexions sur le fait de tuer un homme, sur cette guerre qui enlève le vernis de la société et qui ôte tout repaire, rabaissant les hommes sont également très pertinentes.
Ce livre me permet de participer au défi du mois de juillet organisé par Madame lit, consacré aux livres lauréat du prix Goncourt. Je vous conseille au final de :
X l’acheter chez votre libraire
X l’emprunter dans votre bibliothèque
lire plutôt autre chose
Week-end à Zuydcoote, de Robert Merle. Folio, 1972, 244 p.
N’hésitez pas non plus à aller la chronique dédiée à ce livre sur le blog Je me livre !
J’ai déjà dit ça dans le précédent billet, celui rédigé par Eva, c’est que je deviens gâteux… Enfin voilà, j’ai vu le film (très bon), mais je n’ai pas lu ce livre.
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Tu n’es pas gâteux, c’est simplement que tu as une grande culture cinématographique :-). D’ailleurs, j’aurais pu mentionner le film car il est en effet parfois plus connu que le livre !
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C’est vrai que ça fait mieux de dire ça 🙂
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J’ai lu « Malevil » qui n’était pas trop mal, donc je me note celui-ci !
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Je ne le connais pas, peut-être une nouvelle suggestion. Merci !
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J’ai eu ma « période Merle », à l’occasion de laquelle j’ai lu ce titre, ainsi que Malevil, Un animal doué de raison, La mort est mon métier, entre autres. Ce qui m’avait épatée, c’est sa capacité à changer complètement de thème et de genre d’un titre à l’autre… j’aimerais relire certains de ces titres, car je les ai oubliés, maintenant…
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Je suis tout à fait d’accord avec toi, il joue sur des registres très larges, et c’est vraiment une invitation à découvrir (ou plutôt redécouvrir dans ton cas) toute son oeuvre.
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Je n’ai pas lu ce prix Goncourt. Je note ce titre pour le bilan. Merci!!!
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Le défi m’a donné le coup de pouce décisif pour me lancer dans la lecture 🙂
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Je te comprends! 🙂
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