Norbert Scheuer – Les abeilles d’hiver

Pour être tout à fait franc avec vous, j’étais jusqu’à présent quelque peu déçu de mes lectures pour les Feuilles Allemandes. Après une bonne entrée en manière grâce à Mechtild Borrmann, de plus grandes réserves sur Le sauteur de mur de Peter Schneider, je finissais par abandonner en cours de route Le bois de Klara… Fort heureusement se dressait sur mon chemin le roman de Norbert Scheuer, Les abeilles d’hiver !

Egidius Arimond est un professeur allemand de lettres anciennes désormais sans emploi. Epileptique, il a été évincé de son travail dans l’Allemagne nazi. Stérilisé parce que jugé « inutile », il ne doit son salut qu’à la présence de son frère Alfons, pilote d’avion émérite dans la Wehrmacht.

La loi nazie sur la prévention des maladies héréditaires de la progéniture comprend la débilité congénitale, la maladie maniaco-dépressive, l’épilepsie héréditaire, la danse de Saint-Guy héréditaire, les déformations physiques graves et l’alcoolisme profond. Les décisions concernant la stérilisation forcée et l’euthanasie sont prises par le tribunal cantonal. J’ai été stérilisé dans l’hôpital voisin. Le fait que je n’ai pas été transféré dans une institution comme les autres pour y être exécuté est probablement dû à la position de mon frère. Avec son tableau de chasse, Alfons est un héros du national-socialisme ; il est même passé une fois aux informations avec son escadron.

Egidius s’occupe de ses abeilles et se fait de l’argent en aidant les Juifs à franchir la frontière belge située près de chez lui. Il ne fait pas cela par héroïsme mais par obligation car il doit payer les médicaments anti-épileptiques . De janvier 1944 à mai 1945, il écrit son journal, partageant son temps entre les abeilles, l’observation des avions dans le ciel, les visites à la bibliothèque pour faire des recherches sur un ancêtre (mais également pour récupérer des instructions sur les Juifs en fuite) ou encore ses amours avec des femmes restées seules durant la guerre.

Mes connaissances sur les abeilles sont certes limitées, mais je me suis surpris à lire avec de plus en plus d’intérêt les passages qui y étaient consacrés :

Maintenant que les jours raccourcissent, les abeilles changent de rythme de vie ; l’instinct de reproduction de la reine diminue et l’instinct de butinage des ouvrières augmente à nouveau, car la colonie a encore besoin de provisions pour l’hiver. Elles apportent le miel depuis les zones extérieures au milieu de la ruche où elles passeront tout l’hiver, recueillent la résine et produisent avec leurs glandes des petites feuilles de cire qu’elles utilisent pour combler les fissures, couvrir les surfaces et réduire la taille du trou.

La région de l’Eifel où se déroule l’histoire se trouve de plus en plus pillonnée par l’aviation alliée après le débarquement et malgré cela et une tension qui augmente au fil du récit, on se trouve comme envoûté par cette écriture simple, attachante et si précise ; et profondément attaché à cet homme « ordinaire ». Face à la violence des nazis et au vrombissement des avions, Scheuer oppose de façon si habile le monde des abeilles, leur capacité à s’entraider : cela est illustré par les abeilles d’hiver qui battent des ailes afin de dégager de la chaleur et ainsi de permettre la survie de l’essaim.

J’en garde un excellent moment de lecture et la découverte d’un écrivain que je ne connaissais pas (c’est le seul de ses titres traduits en français) ; je vous conseille vivement :

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ou de l’emprunter dans votre bibliothèque

de lire autre chose

Les abeilles d’hiver, de Norbert Scheuer, traduit de l’allemand par Marie-Claude Auger. Actes Sud, 2021, 355 pages.

Ce livre a été lu dans le cadre des Feuilles allemandes, consacrées à la littérature de langue allemande.

24 réflexions sur “Norbert Scheuer – Les abeilles d’hiver

    • Patrice 26 novembre 2021 / 13:23

      Tu sais ce qu’il te reste à faire 🙂

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      • laboucheaoreille 26 novembre 2021 / 17:40

        Je vais le noter pour les feuilles allemandes de 2022… Au cas où je sois en panne d’idées ! Bonne soirée 🙂

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  1. luocine 24 novembre 2021 / 10:26

    Ah enfin un livre que j’ai envie de lire dans le mois de feuilles allemandes.
    Merci.

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    • Patrice 26 novembre 2021 / 13:30

      C’est un beau compliment mais j’espère qu’il y en aura encore d’autres !

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  2. kathel 25 novembre 2021 / 11:32

    Plutôt tentant, merci pour la découverte (pourtant, Actes Sud n’est pas un petit éditeur, mais c’est la première fois que je vois passer ce roman)

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    • Patrice 26 novembre 2021 / 13:32

      Alors ça me fait d’autant plus plaisir de pouvoir le mettre en avant durant les Feuilles Allemandes.

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  3. dominiqueivredelivres 25 novembre 2021 / 11:44

    J’avais repéré ce livre depuis déjà quelques temps mais en ce moment je ne parviens pas à lire alors je vais devoir renoncé à participer à tes lectures allemandes
    pour info j’avais lu aussi Lilas rouges chez verdier un très très bon roman

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    • Patrice 26 novembre 2021 / 13:36

      C’est dommage mais il y a des moments comme ça. En tout cas, je viens de ce pas de noter « Lilas rouge » qui m’a en effet l’air passionnant. Un grand merci !

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    • Patrice 26 novembre 2021 / 13:37

      Un grand merci pour ta participation ! Peut-être les abeilles pour l’an prochain 🙂

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  4. Agnès 27 novembre 2021 / 09:27

    Ça m’a l’air en effet fort intéressant. Je vais sortir de ce mois allemand avec une liste à lire bien allongée.

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  5. allylit 28 novembre 2021 / 16:55

    Ce titre me fait un peu penser à l’amas ardent de Yamen Manai, que j’avais beaucoup apprécié, cela me donne donc bien envie de découvrir également ce titre !

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  6. nathalie 28 novembre 2021 / 18:37

    Ça a l’air très original dans sa simplicité ! Je le note avec enthousiasme, surtout avec la recommandation de Dominique.

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