
Romancier espagnol contemporain, Antonio Garrido a connu le succès grâce à ses deux titres précédents, La Scribe et Le lecteur de cadavres, deux romans policiers historiques se déroulant respectivement dans les pays germaniques à la veille du sacre de Charlemagne et dans la Chine impériale. Changement de décor pour ce troisième opus : Le dernier paradis est consacré quant à lui à une histoire peu connue : celle des Américains touchés par la Grande Dépression et qui sont allés tenter leur chance dans la Russie soviétique dans les années 30.
Jack Beilis a été renvoyé de l’usine Ford de Detroit dans laquelle il travaillait parce qu’il était juif. C’est alors la Grande Dépression aux Etats Unis, et trouver un travail relève de l’exploit. Son père, chez lequel il est retourné habiter, a sombré dans l’alcoolisme. Un soir, une bataille éclate entre Jack, son ami Andrew, et le propriétaire venu réclamer ses arriérés ; quand un coup de feu part, ce dernier s’écroule. C’est alors une course pour Jack qui refuse d’être accusé de meurtre. Mais où aller ?…
Andrew est un syndicaliste, et il n’a qu’un but : rejoindre l’Union Soviétique, le paradis des travailleurs. Pour cela, il convainc Jack, dont la famille venait d’Ukraine qu’elle avait quittée pour rejoindre les Etats-Unis, car il a une carte clé : sa connaissance de la langue russe.
On suit ainsi les deux hommes, ainsi que la femme d’Andrew, dans leur parcours pour avoir les papiers nécessaires. J’ai trouvé très intéressant ce témoignage historique sur ces femmes et ces hommes qui regardaient l’Union Soviétique comme une terre promise. Un office, l’AMTORG, recrutait ces Américains sans travail qui s’entassaient devant le bureau de recrutement :
Il constata que ces mêmes familles parlaient avec entrain des belles villes qu’elles visiteraient, des salaires qu’elles percevraient, des maisons qu’on leur attribuerait, ou des fiancées et fiancés qu’ils rencontreraient. Quelques ouvriers serraient dans leurs poings des documents qui attestaient leur qualification de mineurs, d’électriciens ou de maçons en spéculant sur les industries gigantesques qui se construisaient à l’autre bout du monde, et grâce auxquelles la Russie ferait envie à l’Amérique. Deux d’entre eux portaient même leur caisse à outils.
Le voyage en bateau, les éléments annonciateurs des conditions difficiles de vie en URSS (quand les gens se ruent pour acheter des vivres en Finlande avant d’entrer en Russie), les premiers pas dans le « dernier paradis » ou encore la différence de traitement en faveur des membres du parti jalonnent le roman. Jack est embauché dans l’usine Autozavod de Gorki, une usine Ford vendue aux russes, et dans laquelle un contingent américain est là pour encadrer le démarrage de l’usine. Des sabotages ont lieu dans l’usine, et ce sera la tâche de Jack de démasquer les coupables.
Hormis le côté historique (aussi bien cette émigration peu connue que les conditions de vie en Russie soviétique), il y a un côté thriller qui tient le lecteur en haleine. On se demande qui est qui. Il y a de nombreux rebondissements, des histoires d’amour… mais aussi des traits un peu forcés : l’ascension de Jack, à l’aise dans beaucoup de situations et qui se mue même vers la fin du livre en avocat de son ancien patron dans un procès patronné par Staline, semble assez exagérée.
Au final, un bon moment de lecture, un vrai dépaysement, mais qui ne constitue pas une lecture à recommander absolument :
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Lisez autre chose
Le Dernier Paradis, d’Antonio Garrido, traduit de l’espagnol par Nelly et Alex Lhermillier. Le livre de poche, 2017, 670 pages
J’ignorais complètement cet épisode de l’Histoire. Malgré tes bémols; me voilà tentée !
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C’était la même découverte pour moi ; un épisode absolument inconnu. Donc ce n’était pas une lecture inutile !
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je ne connaissais pas non plus! je le note 🙂
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Il est l’auteur de plusieurs romans historiques, ça donne des idées !
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C’est étonnant d’avoir fui l’Amérique pour la Russie stalinienne… je ne me doutais pas de cela car on parle plus souvent de l’immigration en sens inverse !
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Exactement, mais avec la crise de 29, la situation s’était beaucoup durcie aux USA. En tout cas, ceux qui tentaient l’aventure n’y trouvaient pas ce qu’ils étaient venus chercher…
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J’ai lu un roman qui traite de ce épisode de l’histoire, Les patriote de Sana Krasikpv, que je recommande vivement.
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Je l’avais noté à sa sortie, je me souviens et il a l’air très tentant en effet !
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Je ne connaissais pas non plus cet épisode historique et suis donc très tentée par ce roman, malgré tes petits bémols. Et tu me rappelles qu’il faudrait que je sorte de ma pal Le lecteur de cadavres…
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Tu as une PAL bien remplie, me semble-t-il 🙂
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