
Chroniquer Moon Palace de l’auteur américain Paul Auster ne se résume pas seulement pour moi à rendre compte d’une lecture qui m’a beaucoup plu. C’est également une occasion supplémentaire de penser à notre ami Goran auquel est dédiée cette lecture commune proposée par Marie-Anne du blog La bouche à oreilles. Un livre que Goran, malgré l’absence de chronique sur son blog, avait dû beaucoup apprécier lui-même car il avait classé son roman dans son TOP 100.
C’était l’été où l’homme a pour la première fois posé le pied sur la Lune. J’étais très jeune en ce temps-là, mais je n’avais aucune foi dans l’avenir. Je voulais vivre dangereusement, me pousser aussi loin que je pourrais aller, et voir ce qui se passerait une fois que j’y serais parvenu. En réalité, j’ai bien failli ne pas y parvenir. Petit à petit, j’ai vu diminuer mes ressources jusqu’à zéro ; j’ai perdu mon appartement ; je me suis retrouvé à la rue. Sans une jeune fille du nom de Kitty Wu, je serais sans doute mort de faim. (…) A partir de là, il m’est arrivé des choses étranges. J’ai trouvé cet emploi auprès du vieil homme en chaise roulante. J’ai découvert qui était mon père. J’ai parcouru le désert, de l’Utah à la Californie. Il a longtemps, certes, que cela s’est passé, mais je me souviens bien de cette époque, je m’en souviens comme du commencement de ma vie.
Voici un extrait de la première page du livre qui, si elle révèle au lecteur les épisodes les plus marquants de la vie du jeune Marco Stanley Fogg, ne saurait en dévoiler toutes les aventures qui jalonneront ces quelques années, de 1965 à 1972. Orphelin de mère, de père inconnu, il vient de perdre son oncle Victor, qui l’avait élevé jusqu’à ce qu’il devienne étudiant. Il hérita de celui-ci 76 caisses contenant 1492 livres, qu’il se mettra à lire avant de les vendre à un bouquiniste pour financer ses études… Néanmoins, la source se tarie et, sans le sou, il est obligé de quitter son appartement, erre à New York, devient un sans domicile fixe dormant dans un coin de Central Park avant d’être sauvé par un camarade et une jeune fille dont il tombe amoureux. Souhaitant désormais être autonome financièrement, il répond à une annonce pour devenir compagnon à domicile d’un vieil homme, Thomas Effing, aveugle et confiné dans son fauteuil roulant… Effing est un « cas difficile », un homme insaisissable qui aura pour but de faire écrire sa nécrologie au jeune homme :
Un monstre, mais en même temps, il y avait en lui l’étoffe d’un homme bon, d’un homme que j’allais jusqu’à admirer. Cela m’empêchait de le détester d’aussi bon coeur que je l’aurais souhaité.
Mais les aventures du jeune M. S. Fogg ne s’arrêtent pas là, même si je préfère clore ici mon court résumé pour vous. Vous l’aurez saisi, ce livre fait la part belle aux coïncidences, aux hasards de la vie, aux bifurcations que celle-ci est amenée à prendre. Même si l’on pourrait se dire que certaines coïncidences sont exagérées, il n’en est rien. Le mérite en revient à Paul Auster qui est capable d’embarquer son lecteur dans toutes les parties du livre et à développer l’empathie envers les différents protagonistes. On ressent la solitude et le dénuement du personnage principal quand il se laisse aller à sa vie de marginal dormant dans Central Park, on est tenu en haleine par le récit de Thomas Effing racontant à Marco l’épisode de sa vie où il était allé dans le désert de l’Utah pour trouver l’inspiration dans ses peintures.
C’est un livre qui sait surprendre également, joindre ce qui peut paraître antagoniste, et dépasser les apparences. Lorsqu’Effing parle à M. S. Fogg d’un tableau du peintre Blakeloke que son interlocuteur ne connaît pas, il lui ordonne de se rendre au musée en transport en commun sans ouvrir les yeux ni demander sa route à quiconque, à observer le tableau pendant une heure sans prendre de notes… Ces quelques pages mémorables du livre montrent à quel point le jeune homme apprend à observer grâce à un homme qui lui-même a perdu la vue. Ainsi, Effing, le handicapé, et Salomon Barber, un personnage obèse qui fait son apparition dans la deuxième partie du livre, ne se limitent pas à leur handicap, et recèlent en eux des trésors insoupçonnés.
Je me suis ainsi laissé emporté par l’histoire jusqu’à la dernière page et me promets de relire Paul Auster prochainement. Merci beaucoup à La bouche à oreilles pour ce très bon choix !
C’est donc un livre que je vous conseille de découvrir en :
X l’achetant chez votre libraire
X l’empruntant dans votre bibliothèque
lisant autre chose
Moon Palace, de Paul Auster, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christine Le Boeuf. Babel, 2018, 483 pages.
Lecture faite dans le cadre d’une LC pour Goran, que je souhaite également faire rentrer dans les lectures thématiques « Autour du handicap » que nous organisons avec Ingannmic.
Merci Patrice de cette participation et de tes pensées pour Goran ! Je me sens tout à fait en accord avec tes avis et tes arguments sur ce roman. Je vais noter ta participation pour le récapitulatif (qui paraîtra demain). Encore merci 🙂 Bonne soirée
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Merci à toi pour cette proposition de lecture, Marie-Anne. Elle a été très suivie et je suis heureux de voir que la communauté des blogueurs s’est retrouvée nombreuse pour penser à Goran. A très bientôt. Patrice
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J’avais noté ce rendez-vous en hommage à Goran mais je n’ai pas eu l’occasion de trouver ce titre. Et le seul Paul Auster qui me reste à lire dans ma bibliothèque est 4321. Un pavé ! Mais je pense bien à Goran en ce jour de lecture commune
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C’est l’essentiel ! Pour le reste, Paul Auster peut encore attendre un peu !
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J’ai moins apprécié que toi cette lecture mais cela a été une belle expérience pour rendre hommage à Goran. En lisant les articles des autres, je me rends compte que nos avis divergent et c’est qui rend cette lecture commune enrichissante!
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Comme toi, je suis toujours ravi par ces lectures communes car elles permettent de découvrir un livre sous des facettes différentes. Et celle-ci avait bien sûr une tonalité particulière.
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Je l’ai lu aussi et…bien sûr que les coïncidences sont invraisemblables, c’est le principe du roman qui revient sans cesse sur lui-même. J’ai bien aimé comment certains épisodes (la vie à Central Park, la vie dans la caverne) sont traités exactement de la même façon, comme des aventures similaires. Cela participe de la structure du roman.
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Très juste observation. Je n’avais pas fait attention à ces similarités, c’est très pertinent ! Merci !
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Hé oui je n’ai pas participé à ce RV, j’avais prévu Tombouctou, emprunté, en réserve, bref, oublié, quoi. Mais pas goran!
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L’essentiel est bien sûr de penser à Goran. Tombouctou viendra plus tard !
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Ce titre fait partie de ceux que j’ai envie de lire… Pensée pour Goran, mais si je n’ai pas participé à cette rencontre autour de Paul Auster…
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Je te le conseille et, à lire les avis des autres blogueurs, la majorité a été séduite par titre.
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Je suis ravie de voir que pour beaucoup, cette lecture en hommage à Goran a été l’occasion d’une fructueuse découverte. C’est un titre qui m’avait personnellement un peu déçue, mais Paul Auster est un écrivain que j’apprécie dans l’ensemble (même si le titre lu pour cette LC n’a pas suscité mon enthousiasme et sur ce coup, je rejoins l’avis de Goran !).
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Exactement. C’est un double plaisir : celle de cette lecture, bien sûr, mais encore plus le fait de se retrouver autant pour une LC en hommage à Goran.
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Je ne suis pas aussi enthousiaste mais je reconnais que la lecture est agréable et certaines séquences sont passionnantes surtout au début du livre, la période de misère et la rencontre avec Kitty notamment… Une belle lecture commune en hommage à Goran !
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Je n’ai pas encore lu ton billet mais je vais réparer cela très vite désormais. En effet, c’est une très belle LC, et ça fait vraiment plaisir !
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Ah il faudrait que je le relise …je ne me rappelle plus des coïncidences…
Bonne soirée 🙂
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Merci beaucoup à toi d’avoir rejoint cette LC surtout ! A très bientôt !
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Ah il est très bien ce début. Il dit tout et on ne le comprend qu’au fur et à mesure. Je l’avais cité aussi dans mon compte-rendu.
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Oui, je trouvais que cela résumait bien le livre mais que cela restait toutefois très mystérieux !
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Oh ça fait des ANNÉES que je n’ai pas lu Auster. Je dois bien en avoir quelques uns qui traînent, pourtant.
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Après avoir lu ce titre, ça m’a en tout cas donné envie d’en lire d’autres. Bonnes retrouvailles avec Paul Auster !
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J’aimerais le lire aussi, ça ne fait que peu de temps que j’ai découvert cet auteur extraordinaire. Bel hommage à Goran.
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Ce roman fut ma première rencontre avec Paul Auster et je ne l’ai plus lâché, un écrivain qui occupe une grande place dans ma bibliothèque. A relire un jour, certainement.
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