Richard Birkefeld & Göran Hachmeister – Deux dans Berlin

Deux dans Berlin. Nous sommes en plein hiver 1944 à Berlin. La machinerie de l’état allemand s’essouffle et les Alliés approchent. Berlin ressemble à une fourmillière qui vient d’encaisser un coup de pied et le lecteur s’y engouffre aisément grâce à l’écriture très cinématographique du duo Birkefeld et Hachmeister. En résulte un excellent polar historique qui ravira les amateurs du genre.

Le chiffre deux dans le titre fait allusion à deux hommes qui s’affrontent. L’un est Ruprecht Haas qui, par une suite d’évènements, finit par être transféré dans le camp de concentration de Buchenwald. Néanmoins, des mois après, lors d’un air aérien, il réussit à s’évader et gagne Berlin pour y retrouver la trace de sa femme Lotti et de son fils.

Il accéléra pour dépasser ceux qui pédalaient devant lui. Le vent froid de la course lui piquait les yeux. Il avait trop longtemps fait partie de la cohorte des suivistes. Crétin d’électeur sans cervelle de 1933, il avait détourné le regard, ne s’était intéressé à rien. Jusqu’à ce qu’il se retrouve broyé lui-même sous les meules brunes. Et c’est à partir de là qu’il avait commencé à comprendre ce que cette lie entendait réellement par discipline, éducation et ordre.

L’autre est Hans Kalterer qui vient d’accepter un poste à la police criminelle de Berlin pour y élucider le meurtre d’un membre du parti. Cette proposition l’arrange car, sentant le vent tourner, il préfère occuper un poste moins dérangeant que celui d’agent des services de renseignements de la SS.

Depuis un an, la rumeur avait filtré que les ennemis avaient l’intention de traduire les officiers de la Wehrmacht devant les tribunaux comme criminels de guerre. Mais il n’était pas un criminel de guerre. Comme tout bon soldat, il n’avait fait qu’obéir aux ordres. Les Alliés ne pourraient rien retenir contre lui. Il n’était quand petit rouage de la machine.

Je vais laisser de côté la (très bonne) intrigue criminelle dont je ne voudrais pas dévoiler les détails. J’ai été surtout impressionnée par ce tableau de Berlin que les auteurs, historiens, ont su dresser devant mes yeux. Berlin devient particulièrement vivant grâce à de nombreux détails, plus ou moins connus, mais surtout grâce à l’ambiance, car les auteurs ne s’attardent pas sur de longues explications et descriptions, mais au contraire, le lecteur est en constant mouvement – dans la rue, dans les cafés où un contrôle de papiers peut survenir à chaque moment, dans des abris, toujours aux aguets. S’y ajoutent évidemment des bombardements de plus en plus fréquents, la poussière omniprésente et l’impossibilité de se retrouver dans une ville en ruines…

Une bonne partie du livre se concentre autour d’un immeuble et de ses habitants – des trafiquants actifs sur le marché noir, des communistes, des carriéristes, des commerçants… Seuls les habitants juifs ont disparu depuis longtemps. Avec ses personnages, le roman devient particulièrement noir, très réaliste et pas très optimiste. Si jamais on voulait se poser la question de ce que nous aurions fait à l’époque, le roman rend toute réponse impossible.

Un roman sur la conscience collective et individuelle, l’histoire et le peuple allemands, sur la culpabilité et la nature humaine – tout cela augmenté par une bonne intrigue policière – une lecture idéale pour cet été que je vous conseille

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Deux dans Berlin de Richard Birkefeld et Göran Hachmeister. Traduit de l’allemand par Georges Sturm. Le Masque, 2022, 528 pages.

13 réflexions sur “Richard Birkefeld & Göran Hachmeister – Deux dans Berlin

  1. Sacha 23 avril 2023 / 17:42

    Ça donne très envie, surtout ce que tu dis du fait que l’on est en mouvement. J’aime beaucoup ces ambiances cinématographiques. Le titre serait-il un clin d’oeil à Seul dans Berlin (des auteurs ou de l’éditeur) ?

    Aimé par 2 personnes

    • Eva 24 avril 2023 / 15:23

      Je n’ai toujours pas lu Seul dans Berlin … 😬 C’est peut-être un clin d’œil de l’éditeur car dans la version originale, le roman s’intitule Wer übrig bleibt, hat recht. Je trouve le titre allemand plus juste.

      Aimé par 1 personne

  2. Doudou Matous 23 avril 2023 / 18:09

    Comme Sacha, j’ai immédiatement pensé à « Seul dans Berlin » d’Hans Fallada. L’histoire est différente mais on retrouve une intrigue autour de personnages habitant dans le même immeuble.

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  3. Sandrine 24 avril 2023 / 07:26

    Beaucoup aimé, je crois que c’est le premier d’une série. A l’époque de sa sortie en Allemagne, il a pas mal dérangé.

    Aimé par 1 personne

    • Eva 24 avril 2023 / 15:27

      Ah, tant mieux si c’est une série !

      Oui, c’est un roman pas très flatteur .. (surtout la fin). Il a eu finalement plus de succès en France qu’en Allemagne, ça ne m’étonne pas beaucoup.

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  4. luocine 25 avril 2023 / 18:54

    je sais à qui offrir ce roman mais je vais peut être le lire avant pourtant je ne suis pas fan des romans policiers

    Aimé par 1 personne

    • Eva 2 mai 2023 / 09:14

      Je pense que tu pourrais apprécier le côté historique et social, Berlin… Fais-moi signe si tu le lis 🙂

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