
Née en 1979 à Butare au Rwanda, Beata Umubyeyi Mairesse est une survivante du génocide des Tutsi. Elle émigra en France en 1994 et, après la parution de plusieurs nouvelles, son premier roman Tous tes enfants dispersés sortit en librairie en 2019 et fut repéré par la critique et les lecteurs. Elle met en scène dans ce roman 3 générations d’une même famille sur fond d’histoire du Rwanda.
Trois personnages principaux sont à la base de l’articulation de chaque chapitre du livre. Il y a d’abord Blanche. Elle vit désormais avec son mari en France depuis 1994 après avoir quitté le Rwanda. Son père était un Blanc, sa mère une Tutsi prénommée Immaculata qui est le second personnage clé du roman. Quand débute le roman, Blanche évoque l’année 1997, la première fois où elle retourne au Rwanda. Immaculata a survécu, son demi-frère Bosco (un demi-hutu) également mais avec des souffrances intérieures liées à ce qu’il a vécu. Ces premières retrouvailles ne sont pas celles escomptées, les silences, les incompréhensions prédominent.
Ces difficultés de communication sont d’autant mieux restituées que, en écho à Blanche qui s’adresse à sa mère, cette dernière s’exprime au frère, Bosco, qui lui semble beaucoup plus proche. Dans son récit, on découvre son enfance au Rwanda, son éducation religieuse, ses deux mariages… C’est bien la guerre qui fut à l’origine de la « dispersion » de la famille. Elle n’est pas décrite souvent, mais elle est en arrière-plan de tout le livre, et se révèle dans toute sa cruauté dans quelques passages très forts :
Je n’ai vu Ntwali qu’au moment de votre départ vers le front du Nord, puis plusieurs mois après. Entre-temsp, tu m’avais expliqué pourquoi il était devenu si froid, si peu loquace. Sa maison natale rasée, les corps des siens que vous avez retrouvés démembrés, à moitié dévorés par les chiens, votre capitaine qui avait ordonné de continuer à avancer, parce que la nuit allait tomber et qu’il ne fallait pas risquer une embuscade avant d’avoir atteint Butare. (…) Vous aviez, dans le maquis, alors que la pluie, la faim et la peur vous taraudaient, pensé chaque jour au bon repas chaud que votre mère vous préparerait pour fêter votre retour, au lait, au miel et à la bière qui couleraient sur les héros que vous alliez devenir. Ntwali n’avait plus personne pour l’attendre, seul le sang coulait, et les corps gonflés dans les fleuves filaient.
Une mère restée au pays, une fille exilée et tiraillée entre deux pays, et un petit-fils, Stokely, né quant à lui en France et qui semble loin du Rwanda. C’est pourtant lui qui jouera le rôle de lier les fils distendus, de recréer un lien et de comprendre sa propre histoire.
Avec une écriture très poétique, sachant manier les symboles, Beata Umubyeyi Mairesse signe ici un livre riche, avec des personnages attachants, avec des réflexions très intéressantes sur la maternité, la filiation, les différences culturelles, le racisme ou encore le colonialisme, que je vous conseille :
X d’acheter chez votre libraire
X d’emprunter dans votre bibliothèque
de ne pas lire
Tous tes enfants dispersés, de Beata Umubyeyi Mairesse. J’ai lu, 2021, 225 pages.
Lecture dans le cadre du Mois Africain organisé par Sur la route de Jostein.

c’est grâce à ce genre de livres que ma compréhension du monde s’affine , hélas! car elle est de plus en plus horrible, la cruauté humaine n’a pas de limite !
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Je pense que tu as tout dit. Je fais le même constat également et j’ai trouvé ce livre vraiment enrichissant de ce point de vue. Les choses ne s’améliorent malheureusement pas, quand on voit l’actualité du moment…
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Je viens de terminer un livre difficile sur le Congo. Je vais peut-être respirer un peu avant de me lancer dans une nouvelle lecture sur ce thème.
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Je peux aisément comprendre mon commentaire. J’aurais également des difficultés à replonger dans une histoire comparable après cette lecture. Je vais aller voir de ce pas ta chronique !
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Comme je suis heureuse de voir ce livre ici! Beata Umubyeyi Mairesse fait partie des rares auteurs que je suis les yeux fermés. Une plume poétique, sensible et d’une humanité bouleversante. Je te conseille aussi chaleureusement son deuxième roman, Consolée.
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Merci beaucoup pour ton commentaire ! Eva me l’avait dit et j’étais très heureux de découvrir ce titre et cette autrice, mais aussi de voir à quel point la littérature est là pour nous aider à comprendre et ressentir ce que ces populations ont vécu. J’ai lu beaucoup de commentaires positifs sur Consolée – ce sera peut-être pour l’année prochaine 🙂
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En complément au commentaire de Fabienne, je recommande aussi Ejo, son premier titre, qui est un recueil de nouvelles. De mon côté je note celui-là …
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Merci beaucoup Ingrid. J’avais entendu parler également de ce recueil, voici une autrice qui sait jouer sur de nombreux registres !
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Peut-on faire un parallèle avec Petit Pays de Gaël Faye? Je vais débuter l’étude du roman avec des 3e d’ici peu…
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Je ne peux pas te dire car je n’ai pas encore lu « Petit Pays ». Par contre, je l’avais sur ma liste pour le mois africain, seul le temps a manqué. Bonne étude de roman par avance !
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J’avais beaucoup aimé ce livre. L’auteur traduit l’importance des mots, de la transmission d’une génération à l’autre indispensable à la construction de soi. Merci de nous rappeler ce très beau livre
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Merci beaucoup pour ton commentaire ! Je l’ai lu pour le mois africain, encore merci d’organiser ce mois qui me permet de sortir de mes habitudes de lecture.
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Cette autrice est une découverte pour moi, je note donc Tous tes enfants dispersés et Consolée !
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Il reste donc encore un peu de place sur ta PAL ? 🙂
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Pas vraiment, non 😂 !
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Un titre un peu triste. Mais ce que tu en dis me tente.
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Le titre reflète bien cet éloignement provoqué par la guerre, il est bien choisi, mais il est évident qu’il n’augure pas d’un contenu des plus joyeux. En tout cas, c’est un livre (et une autrice) qui mérite(nt) d’être découvert(s).
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Cette lecture ravive le souvenir d’une rescapée rwandaise complètement traumatisée arrivée dans ma classe en cours d’année et qu’il était si difficile d’aider. C’est noté, merci.
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Merci à toi pour ce commentaire. A lire ce livre et à relire ce qui s’est passé dans le pays, on peut comprendre ce traumatisme. C’est vraiment terrible.
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