
Guillaume Pitron est un journaliste français travaillant pour Le Monde Diplomatique, Geo, National Geographic. Spécialiste de la géopolitique des matières premières, il a publié récemment L’enfer numérique – voyage au bout d’un like, et son précédent livre La guerre des métaux rares, résultat de 6 ans d’enquête et qui a reçu de nombreuses distinctions, s’attaque à la face cachée de la transition énergétique, à savoir le besoin en métaux rares, qui représente un des grands enjeux des prochaines décennies.
De quoi parle-t-on quand on évoque les métaux rares ? Ce sont des métaux chers, aux propriétés exceptionnelles (par exemple des propriétés semi-conductrices), produits en petites quantités et associés à des métaux abondants en proportion infirme. Après le charbon, le pétrole, les terres rares sont à la base de la transition numérique et écologique.
Le livre de Guillaume Pitron met en exergue les problèmes auxquels nous sommes confrontés :
- un problème environnemental tout d’abord, qu’il s’agisse des déchets générés ou de la pollution associée
Il faut purifier huit tonnes et demie de roche pour produire un kilo de vanadium, seize tonnes pour un kilo de cérium, cinquante tonnes pour l’équivalent en gallium, et le chiffre ahurissant de mille deux cents tonnes pour un malheureux kilo d’un métal encore plus rare, le lutécium. (…) La seule fabrication d’une puce de deux grammes implique le rejet de deux kilogrammes de matériaux environ, soit un ratio de 1 à 1000 entre la matière produite et les déchets générés.
A côté de l’extraction, l’impact de la pollution est également notoire. 200 m3 d’eau sont nécessaires pour la purification d’une tonne de terres rares. 10.000 mines sont ouvertes en Chine, opérant dans des conditions très éloignées des standards européens, de telle sorte que 10% de ces terres sont déjà contaminées par les métaux lourds.
Enfin, et c’est un problème majeur, l’extraction commence à coûter de plus en plus cher et la question du retour énergétique se pose.
- une réelle dépendance géopolitique
En appliquant des normes environnementales plus fortes, l’Occident et notamment l’UE sont devenus plus dépendants des importations : 90% des terres rares viennent de l’extérieur de l’UE. La Chine a commencé par faire du raffinage bas de gamme, puis a maîtrisé toute la chaîne de valeur. En 2020, 80 à 90% des batteries pour les véhicules électriques viennent de Chine ; les aimants pour les avions F35 américains également ! Plus largement, la pérennité des équipements sophistiqués des armées occidentales dépend de la Chine.
- un questionnement éthique
Prenons le cas des éoliennes : la croissance de ce marché va exiger, d’ici à 2050, « 3200 millions de tonnes d’acier, 310 millions de tonnes d’aluminium et 40 millions de tonnes de cuivre », car les éoliennes engloutissent davantage de matières premières que les technologies antérieures. (…) Que le lecteur nous pardonne d’insister : nous allons consommer davantage de minerais durant la prochaine génération qu’au cours des 70000 dernières années, c’est-à-dire des deux mille cinq cent générations qui nous ont précédés. Nos 7,5 milliards de contemporains vont absorber plus de ressources minérales que les 108 milliards d’humains que la Terre a portés jusqu’à ce jour.
Au final, que faire ? L’auteur insiste sur le fait de faire prendre conscience de l’impact de nos modes de vie connectés, « écolos » et s’interroge sur le « sens de ce saut technologique que nous embrassons comme un seul homme ». Il insiste sur la limitation de la production et l’importance de la relocation des mines en France, du recyclage.
La guerre des métaux rares est un excellent livre, à lire absolument, pour comprendre ce que veut dire cette transition écologique et numérique. Il participe à éclairer le citoyen sur l’impact des modes de vie. Il complète bien deux lectures précédentes : Le grand pillage, de Ugo Bardi et L’âge des low tech, de Philippe Bihouix.
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La guerre des métaux rares -La face cachée de la révolution énergétique et numérique, de Guillaume Pitron, préfacé par Hubert Védrine. Les liens qui libèrent, 2021, 320 pages.
Un titre qui montre que les orientations politiques actuelles en matière d’écologie sont souvent des aberrations, si je comprends bien… je vais donc continuer à me passer de smartphone, et à pédaler avec la seule assistance de mes jambes (ce qui ne suffit malheureusement pas à compenser l’empreinte de certains de mes déplacements professionnels, par exemple…).
J’ai lu L’enfer numérique de cet auteur, très intéressant aussi (on y apprend notamment l’impact environnemental de la pratique des « clics pour dire « j’aime » « like ».. édifiant !).
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Merci beaucoup pour ton commentaire. Disons qu’il faut arrêter de penser qu’on rentre dans un cercle vertueux en utilisant ces technologies « vertes ». J’avais aussi noté son livre « L’enfer numérique » que je prévois de lire ; mais maintenant, j’ai de gros scrupules à mettre un « like » sous ton commentaire qui, pourtant, le mérite bien :-).
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je lis très peu de livres de journalistes mais j’écoute beaucoup d’émissions sur ce genre de sujet
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J’aime beaucoup également écouter ce genre d’émissions, les podcast (ou « peaux de caste » pour certains :-)) aidant beaucoup !
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Une guerre dont on entend trop peu parler.
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On trouve des articles dans les journaux, des podcasts dédiés à ce tte question en plus grand nombre désormais. Le débat sur la voiture électrique a mis davantage en valeur ce thème également. Mais ça ne fait pas la une des journaux, c’est sûr.
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J’imagine à quel point c’est intéressant mais je suis décidément (trop) une lectrice de romans……
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J’essaie de lire plus d’essais ces dernières années mais je suis aussi un grand amateur de romans 🙂
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Comme Luocine, je préfère généralement opter pour un audio. Grâce au nom de l’auteur, je vais surement pouvoir trouver des émissions dans lesquelles il est intervenu. Son sujet est passionnant !
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Oui, je n’en doute pas ! Bonne écoute à toi !
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Le sujet a été beaucoup évoqué, il me semble, dans les médias depuis quelques temps
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Oui, ça commence à l’être plus largement et c’est tant mieux !
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Merci pour cette chronique. Je vais lire ce livre, même si je vais encore être très en colère.
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J’ai justement pensé à toi en rédigeant cette chronique et j’imagine très bien ta réaction. Je suis heureux de l’avoir lu, ces livres sont essentiels pour comprendre ces sujets complexes.
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