
En reposant le livre de Anna Funder, L’invisible Madame Orwell, je ne pouvais résister à l’envie de lire La ferme des animaux, de George Orwell. Ecrit en 3 mois pendant la Seconde Guerre Mondiale, paru en 1945, et grand succès dès sa sortie, ce livre est une fable visant à montrer à quel point la révolution russe fut dévoyée par Staline et aboutit à une dictature. Anna Funder cite plusieurs fois ce livre, en y replaçant le rôle important que joua la femme de l’auteur, Eileen, dans la genèse de l’oeuvre :
J’irai plus loin en disant que cela montre que sa manière de voir les personnages et autres créatures – plus vive, plus humaine, plus drôle – lui venait d’Eileen. (…) C’est un chef-d’œuvre expliquant comment la révolution russe s’est transformée en dictature sanglante sous la férule d’une nouvelle élite installée par Staline. (…) Dans La Ferme des animaux, la profondeur psychologique et la compassion d’Eileen rejoignent l’intuition politique d’Orwell pour bâtir un chef-d’œuvre – Anna Funder.
Nous sommes en Angleterre, dans la ferme de Mr Jones. L’un des plus vieux animaux, très respecté, s’appelle Sage l’Ancien, et avant de mourir, il s’adresse aux autres animaux (en les appelant « camarades »), pour les inciter à prendre leur destin en main, à renverser les hommes, responsables de tous leurs malheurs et de leur exploitation. L’idée fait des émules, et bientôt les animaux de la ferme destituent le fermier. La révolution a lieu.
Une société égalitaire avec des commandements précis voit le jour ; un hymne, un drapeau autour desquels les camarades se regroupent. Néanmoins, rapidement, les cochons commencent à s’arroger des prérogatives supplémentaires en raison de leur supériorité intellectuelle. Une classe dirigeante se met en place, avec à sa tête le cochon Napoléon, et petit à petit s’éloignent les rêves de cette société égalitaire.
George Orwell avait combattu en Espagne aux côtés de militants trotskistes qui faisaient l’objet d’une chasse orchestrée par Moscou. Socialiste, il fut très marqué par cet épisode, qui fut à l’origine de l’idée d’écrire un livre dénonçant le régime communiste. Publié en 1945, il montre avec une grande clarté ce qui se passe dans l’Union Soviétique : le mensonge, la propagande, la mise à l’écart de ceux qui pensent différemment, la fermeture au monde extérieur, l’invention d’un ennemi extérieur, la terreur, les exécutions, sans oublier les aveux d’actes imaginaires et bien sûr le culte de la personnalité.
En janvier, la nourriture vint à manquer. (…) Il était d’importance capitale de cacher ces faits au monde extérieur. (…) De plus, Napoléon donna ordre de remplir de sable, presque à ras bord, les coffres à peu près vides de la resserre, qu’on recouvrit ensuite du restant des grains et de farine. Sur un prétexte plausible, on mena Mr. Whymper à la resserre et l’on fit en sorte qu’il jette au passage un coup d’oeil sur les coffres. Il tomba dans le panneau, et rapporte partout qu’à la Ferme des Animaux, il n’y avait pas de disette.
Le choix du format – une fable avec des animaux – fait mouche. L’humour, ou plutôt l’ironie et le sarcasme, jalonnent les pages. Les noms des animaux – Napoléon derrière lequel on reconnaît aisément Staline, Malabar, le cheval qui travaille sans cesse pour édifier cette société nouvelle, pour ne citer qu’eux -, la finesse des descriptions, concourrent à faire de ce court récit un pamphlet des plus réussis contre les dictatures et l’évolution des révolutions ! Un livre qui reste, 80 ans après sa parution, des plus actuels !
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La ferme des animaux, de George Orwell, traduit de l’anglais par Philippe Jaworski. Folio, 2021, 176 pages.
Quasi un traité de manipulation !
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Exactement !
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Un grand livre ! Je le préfère même à 1984. J’espère le relire un jour.
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Oui, je crois qu’on peut le dire ! Je n’ai pas encore lu 1984, je dois l’avouer mais il figure bien évidemment sur ma liste maintenant.
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Il faudrait que le le relise, mais j’ai donné mon exemplaire (en VO!)
Depuis j’ai lu les BD Le château des animaux, librement inspiré, de delep et dorison
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Un petit saut à la bibliothèque va s’imposer ! Je n’ai encore jamais vu cette BD, mais à lire le livre, on se dit qu’il se prête bien à ce format aussi.
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C’est intéressant de (re)lire ce roman à la lumière du livre d’Anna Funder. Je ne sais pas pourquoi je n ‘ai toujours pas lu La ferme des animaux. 1984 m’avait beaucoup marquée. Je le place parmi les lectures incontournables.
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Oui, et je dois t’avouer que le livre d’Anna Funder a été (enfin) le déclencheur pour découvrir l’oeuvre d’Orwell. Je te conseille vivement ce livre, très fin, bien écrit, et qui se lit très vite en raison de son format. 1984 m’attend encore 🙂
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Je l’ai noté aussi après le livre d’Anna Funder, mais ne suis pas encore passée à l’acte !
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N’hésite pas dans tous les cas, c’est un très bon livre !
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Un classique visiblement très éclairant que je n’ai toujours pas lu… Il faudrait que j’envisage une liste distincte pour les classiques à lire d’ailleurs, et celui-ci figurerait en bonne place !
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Très bonne idée, cette liste ! Je devrais en faire autant car j’ai pas mal de lacunes en ce domaine. Je voulais enfin découvrir Marcel Proust cette année (en profitant des lectures organisées par Claudialucia) mais le temps m’a manqué. N’hésite pas à lancer des LC autour de classiques, j’essaierai de répondre présent.
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Un grand livre en effet que j’ai découvert à la suite du film L’ombre de Staline :
https://netsdevoyages.car.blog/2020/07/14/lombre-de-staline-film-dagniezska-holland-la-ferme-des-animaux-george-orwell-orwell-and-the-refugees-andrea-chalupa/
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Merci beaucoup pour le lien vers ta chronique que j’ai trouvée vraiment très intéressante. Certains commentaires sur la Russie soviétique trouvent de plus écho dans la situation qui est celle d’aujourd’hui en Ukraine.
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Je l’avais lu au lycée en cours d’anglais et j’avais énormément aimé cette lecture, et j’avais enchaîné avec 1984.
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Merci pour ton commentaire ; c’est un enchainement logique et je crois bien que je vais suivre le même :-). Tu en as lu d’autres après ?
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j’avais lu des passages de certains de ses essais, mais sinon rien. J’ai acheté Sur le nationalisme et autres textes l’année dernière, mais je ne l’ai pas encore lu.
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J’avais tellement aimé ce livre et j’ai encore un souvenir fort de la fin.:) Oui, une fable toujours d’actualité qui fait mouche.
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Je vois que les commentaires sont unanimes, et c’est justifié ; tout à fait d’accord avec toi.
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J’avais bien aimé cette fable, mais j’ai préféré le roman 1984.
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Il est sur ma liste, je serai content de partager mon avis en comparaison. Orwell a été très marqué par ses expériences en Espagne et à Londres, à ce climat de surveillance, d’oppression qui lui ont donné matière à ces livres.
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De nombreux collègues l’étudient en 3e, je ne l’ai fait qu’une seule fois. Et je ne me suis pas encore frottée à cette nouvelle traduction qui m’effraie un peu !
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Je pense que c’est un bon livre pour cet âge. Qu’est-ce que tu fais lire aux collégiens de 3ème ? Tu as eu des échos sur cette nouvelle traduction ?
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Un livre majeur, à lire et à faire lire, et dont me revient d’abord la fameuse formule pour décrire ce monde où certains « sont plus égaux que d’autres » !
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Merci, c’est un bon résumé – je me souviens très bien de cette formule qui est très appropriée !
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Si je me souviens bien de la fin, l’asservissement ne s’arrête pas. Comme 1984, on plonge dans le cauchemar. Dès lors, comment garder espoir face à cette dictature? Un roman inspirant n’est-il pas fait pour donner les clefs de notre libération, de notre éveil? Même une démocratie peut devenir une dictature, on le voit aujourd’hui en France. Difficile, quand cela se termine sur une note sombre, de garder espoir et tranquillité vis-à-vis de notre futur…
PS: le traducteur s’appelle Philippe Jaworski, et non javorski
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Merci beaucoup pour ce commentaire et cette précision quant au nom du traducteur, que je vais corriger tout de suite. Je dirais qu’un roman inspirant est celui qui nous donne des clés pour comprendre le monde et, parfois, aussi provoque la libération. En cela, La ferme des animaux est inspirant. Je suis d’accord sur le pessimisme face à une telle situation et, quand on voit la situation actuelle, on assiste à un retour en forme de l’autoritarisme et des prédateurs, on peut nourrir quelques craintes ; par contre, je ne citerais pas la France dans le glissement d’une démocratie vers une dictature. C’est une démocratie qui ne fonctionne pas bien, certes, une crise dans un contexte de transformation du monde dont nous avons du mal à appréhender les changements nécessaires pour notre pays. Pour l’instant, je ne vois pas ce risque mais qui sait…
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Excellent livre !
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L’ayant lu il n’y a pas longtemps avec un immense plaisir (et autant d’horreur), je ne peux qu’être d’accord avec tes mots. Je te remercie pour les extraits évoquant l’influence d’Eileen Orwell sur ce texte.
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