
Isidor Geller était une figure importante de la société viennoise des années 20 et 30 avant que la barbarie Nazie ne se déchaine. Son arrière-petite-nièce Shelly Kupferberg restitue sa vie et celle des autres membres de la famille dans son roman paru récemment en français, Isidor, une vie juive.
Son arrière-grand-oncle ne s’est pas toujours appelé Isidor, mais tout comme ses frères et soeurs, il a changé son prénom (Israel) pour mieux s’adapter à leur nouvelle vie à Vienne après avoir quitté leur shtetl en Galicie à l’âge de 22 ans. Avec le temps, il est devenu celui qu’on appellerait maintenant un self-made man. Son éducation à l’école élémentaire juive traditionnelle était sûrement l’une des pierres de sa réussite – il y a appris à discuter et à « penser les choses selon différents points de vue ». A Vienne, après les études de droit, il a vite gravi les échelons et est devenu conseiller gouvernemental.
Devenu très riche, il occupait un luxueux appartement dans un palais viennois. Passionné par l’Opéra, collectionneur d’art, il organisait des repas tous les dimanches pour la crème de la société de la ville auxquels participait également son neveu Walter (le grand-père de l’auteure). Sûr de sa position, de son statut viennois (il se croyait complètement assimilé, se considérant plus autrichien que juif), il ignorait tous les signes de la tragédie à venir. Puis vint l’Anschluss et Vienne a sombré dans une « sauvagerie spontanée« .
Je ne me rappelle pas avoir lu un livre où ces années à Vienne étaient décrites aussi bien et en détails – Vienne artistique, Vienne multiculturelle, Vienne sauvage… Ce n’est, notamment dans la deuxième moitié du livre, évidemment pas un portrait réjouissant et c’est grâce à de nombreuses archives accessibles que Shelly Kupferberg a su reconstituer tout le tableau. Elle fait revivre d’autres membres de la famille, mais aussi d’autres personnages, comme l’amour de la vie d’Isidor, la chanteuse d’opéra Ilona Hajmássy (qui a plus tard joué à Hollywood) ou alors les Goldfarb que j’ai pris en affection – c’est chez eux que le jeune Isidor s’est fait confectionner son premier costume sur mesure et auxquels il est resté fidèle comme client et ami.
Nombre des personnes mentionnées dans le livre seront assassinées, certaines réussiront à émigrer à temps, comme Walter, âgé alors de 19 ans. Son bref passage à Vienne dans les années 50 a mis une triste fin à tous ses doutes concernant son éventuel retour… Il est resté à Tel Aviv et il est devenu un historien reconnu, ses expériences, journaux et albums de photos étant une précieuse source pour l’écriture de cette biographie romancée d’Isidor. Je ne sais pas ce que l’autrice pense de la situation politique actuelle, mais une chose est sûre, son livre est plus important que jamais.
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Isidor, une vie juive, de Shelly Kupferberg. Traduit de l’allemand par Matthieu Dumont. Belfond, 2025, 208 pages.
Lecture pour la semaine En mémoire organisée par Chez Mark et Marcel.
Ce doit être très intéressant. Je crois que la vie à Vienne (du moins pour la riche classe aisée, y compris juive) est bien évoquée aussi dans Le Lièvre aux yeux d’ambre d’ Edmund De Waal, toute une partie du livre s’y passe.
Je noterai ton titre ce soir ! Merci.
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Hélas rien à la bibli! Mais on ne sait jamais, un jour (la couverture se remarque!)
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l’hypocrisie de l’Autriche face au nazisme m’a toujours révoltée , je pense que ce livre en rajoutera une couche !
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Je voulais dire l’hypocrisie face à leurs responsabilités, après la guerre ils ont tout fait pour laisser croire que les responsables étaient les Allemands et pas eux
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Merci pour cette mise en lumière, je note.
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Je l’ai repéré en librairie celui-ci, j’ai un peu hésité pensant qu’il ressemblerait peut-être trop à un livre que j’ai adoré « Le lièvre aux yeux d’ambre » d’Edmond de Waal mais d’après ce que tu en dis ce n’est pas le cas. Je le garde en tête alors.
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Je pense moi aussi au Lièvre aux yeux d’ambre en lisant ton compte rendu. Isidor Geller a forcément croisé la route des Ephrussi de Vienne.
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Comme beaucoup d’autres blogueurs et blogueuses, plus haut, j’ai pensé au LIèvre aux yeux d’ambre, je note ce titre
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Ah le foisonnement culturel et artistique de cette époque à Vienne, comment pourrais-je résister ? Foisonnement qui devait d’ailleurs tant à ses intellectuels et artistes juifs… La tentative de retour a dû être bien amère… Tout cela a l’air passionnant et est si cruellement d’actualité en effet… Et il est disponible dans ma bibliothèque !
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Me voilà du coup à noter deux titres pour le prix d’un : celui-là, et ce fameux Lièvre aux yeux d’ambre !
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Rien dans ma bibli non plus, zut, ça m’intéressait bien !
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J’ai repéré ce livre en librairie, la couverture attire l’oeil. Ma bibliothèque ne l’a pas . . J’attendrai le poche, plus facile à transporter partout. Par contre elle a « le lièvre aux yeux d’ambre ».
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J’ai fait aussi le parallèle avec la situation politique actuelle, je n’ai pas trouvé ça très rassurant.
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Dans un style différent, je te conseille Le faux ami de Henrik B. Nilsson 🙂
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