
J’avais découvert Artem Chapeye en lisant son précédent livre Loin d’ici, près de nulle part, un ouvrage très réussi dans lequel il montrait la vie d’une famille ukrainienne faisant le choix de l’exil pour offrir un meilleur avenir à ses enfants. Les conditions de vie difficiles de la classe moyenne sont l’un des nombreux thèmes repris dans The Ukraine, son dernier livre paru, qui est un recueil de nouvelles se déroulant dans les années 2010 dans son pays.
A l’heure où j’écris ce billet, Artem Chapeye est en France pour présenter son nouveau livre, et c’est un événement puisqu’en tant qu’engagé volontaire dans l’armée ukrainienne, il n’a l’occasion de quitter son pays qu’une fois par an, comme son éditrice le précise lors de l’entretien publié dans notre gazette du mois de janvier.
L’Ukraine dont il est question dans ce livre est un pays d’avant l’invasion russe même si certaines nouvelles se déroulent dans le Donbass au moment où les séparatistes se confrontent avec le pouvoir ukrainien. On oscille entre fiction et non fiction, une partie des nouvelles étant liées entre elles, représentant le périple à moto du narrateur à travers son pays.
De la débrouille, des petits boulots, des infrastructures défaillantes, des pots de vin pour la police, la corruption du pouvoir, mais aussi et surtout de l’entraide. On en croise, des personnes attachants ! Ici, Grand-mère Nadia dans « Je t’en prie, mon fils » part vendre ses pommes de terre dans la capitale pour gagner un peu d’argent ; une maigre somme que son petit-fils Kolka vient lui réclamer dès le soir pour acheter de l’alcool. Là, ce sont deux jeunes gens, « Les deux Anton », qui prennent le temps d’aider à dépanner la moto du narrateur, dont la chaîne a lâché. Certaines histoires ont un caractère universel comme « Ne ris pas », où un jeune garçon confie à un camarade les sentiments qu’il éprouve pour la jolie Marysa. C’est aussi un pays non idéalisé qui défile devant nos yeux, comme dans « Une âme par maison » :
Après ma déconvenue face à Ivan le pochard, je parviens à engager la conversation avec un groupe de grands-mères – lucides, elles – du village de Pochapyntsi, juste à côté. L’endroit n’étant pas touristique, la route est à nouveau normale, c’est-à-dire pleine de nids-de-poule. Je retrouve ces maisons écaillées entourées de clôtures devant lesquelles de vieilles femmes vêtues de vestes en coton matelassé sont assises sur des bancs pourris par l’humidité.
_ Ils ont pillé l’Ukraine !
« Ils », ce sont les autorités.
Un pays en proie à des difficultés économiques, maltraité par la classe politique au pouvoir et qui se trouve bientôt divisé ; un pays qui porte en lui des lieux de catastrophes comme Tchernobyl dans « Marmelade », mais un pays dont la force et la résilience des habitants sont perceptibles. La dernière nouvelle très réussie, « The Ukraine », donne l’occasion à Artem Chapeye d’expliciter cette expression mais aussi de nous conter une histoire à l’image du livre : humaine, empathique et émouvante.
Les gens sont magnifiques, même s’ils ne s’en rendent pas compte.
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The Ukraine, d’Artem Chapeye, traduit de l’ukrainien par Nicole Dziub. Editions Bleu & Jaune, 2025, 306 pages.
Pour rappel : nous organisons une LECTURE COMMUNE le 21 mars 2025 autour d’un livre au choix de la collection Fiction Europe des Editions Bleu & Jaune.
Je crois que je n’ai pas encore publié de billet sur un livre ukrainien. Celui-ci m’attire beaucoup par sa galerie de personnages et il serait idéal pour les Bonnes nouvelles (même si leur prochaine édition est un peu loin).
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C’est une bonne idée et, de toute façon, les « Bonnes nouvelles » reviendront assez vite ; le temsp passe vite !
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Au début de l’invasion russe, j’ai publié quelques billets sur la littérature ukrainienne. Malheureusement, je n’ai rien publié depuis. Tu me rappelles Patrice de ne pas les laisser tomber en continuant de lire ses auteurs et ses autrices.
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Tu as raison, et c’est notre aussi notre souhait de mettre en avant la littérature ukrainienne au regard de cette triste actualité. Les publications de romans ukrainiens sont encore limitées malheureusement, c’est ce que nous expliquait Tatiana Sirotchouk des Editions Bleu & Jaune dans notre gazette du mois de janvier.
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l’horreur leur arrive droit dessus et nous sommes paralysés par la peur , je souffre de cette situation atroce.
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C’est tristement juste et les nouvelles depuis le retour de Trump au pouvoir ne vont pas dans le bon sens.
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Je ne suis pas fan de nouvelles, mais ce que tu dis de ce livre me tente.
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Merci pour ton commentaire, je suis persuadé que c’est un livre pourrait te plaire.
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Beaucoup de très bonnes choses à lire dans la litté ukrainienne. J’ai noté son roman sur l’exil, j’espère pouvoir le lire bientôt;
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