La Hongrie du début du 20ème siècle, et plus particulièrement de l’entre-deux guerres, est l’objet d’un des livres majeurs de l’auteur hongrois Lajos Zilahy, Les Dukay (livre paru chez Folio). Chronique d’une riche famille aristocrate hongroise, ce livre nous éclaire sur un monde en plein bouleversement. Une jolie lecture, non dénuée d’humour !
Le roman débute sur une scène de l’année 1919. La famille Dukay part se réinstaller dans son château d’Ararat, après que les dernières agitations de l’après-guerre eurent disparu. Très vite, le lecteur prend conscience de la grande richesse de cette famille : le château comporte 92 pièces et emploie 58 salariés, il est au coeur d’une propriété de plus de 50.000 hectares. Les Dukay possèdent également des biens immobiliers à Budapest ou encore à Paris.
Istvan Dukay, surnommé le comte Dupi, est à la tête de cette fortune. Il a 5 enfants avec son épouse, la comtesse Menti (mais encore plus d’enfants illégitimes) ; l’aîné, Imre, surnommé Rere, souffre de déficience mentale. Kristina, quant à elle, se sent appelée aux plus hautes fonctions et voyagera en Europe en pensant pouvoir épouser un souverain. Viennent ensuite György, Janos et Terezia, dite Zia, qui est au centre du livre. Il est d’ailleurs très intéressant d’observer l’éducation de ces jeunes enfants, dont la vie était très influencée par le choix des précepteurs (certains très conservateurs, d’autres plus libéraux). :
Quand l’enfant manquait une leçon de piano ou une heure d’écriture, elle ne faisait pas de semonces longues, larmoyants et moralisatrices. Elle ne l’envoyait jamais au coin. Brusque comme un animal, elle flanquait simplement à Zia une bonne gifle (…). D’autre part, Madame Couteaux trouvait parfaitement naturel que Zia lui rendît instantanément sa gifle. Souvent, elles se crachaient réciproquement à la figure.
A travers l’histoire de chacun des descendants, on suit donc un monde qui ne ressemble plus à celui de leurs parents. Kristina s’engage très tôt en faveur des suffragettes. Zia est choquée par l’exploitation des serfs qui est faite sur le domaine de la famille, et prendra une décision contraire à la volonté de son père. Janos quant à lui s’oriente très vite vers le parti nazi d’Hitler. Les inégalités du monde d’hier deviennent insupportables, l’aristocratie européenne d’avant 1914 ne règne plus en maître.
S’agit-il pour autant du déclin d’une famille à la manière des Buddenbrook, de Thomas Mann ? Pas complètement puisque la famille garde son opulence. Il s’agit plutôt de la fin d’une époque et d’un style de vie, comme le résume une des dernières scènes du livre :
Ainsi conversaient les amis du comte Dupi sans se rendre compte qu’ils disaient adieu non à un homme, mais à une époque.
En plus de la fine description des personnages, des ambiances, de l’humour omniprésent, j’ai également beaucoup apprécié les allusions historiques : on suit par exemple le couronnement de l’empereur Charles en 1916, puis son exil forcé hors de la Hongrie à Madère. Le contraste si fort entre les deux évènements est saisissant. Voici également retracée une discussion après un bal qui en dit long sur l’ironie mordante de Zilahy :
Comme il est de belle humeur, Herr Schmidt, dans son habit merveilleusement coupé, et le verre de champagne à la main, tandis qu’il discute avec l’ambassadeur de Pologne Izvolsky au sujet de la correspondance italienne de Goethe ! Il ne laisse pas deviner que, quelques années plus tard, en tant que chef d’un des Aktionsgruppe de Himmler, il massacrera pour sa part dix-sept mille Polonais. Combien touchante, par exemple, cette phrase qu’il prononce : « Oh, ja, Excellenz ! Les derniers mots de Goethe : Mehr Licht ! font de nous tous, Européens, des frères ! ».
Replongez-vous dans cette histoire européenne qui est la nôtre en lisant ce livre (notons également qu’une suite existe, L’Ange de la colère, paru également chez Folio).
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Réf : Les Dukay, de Lajos Zilahy. Folio. 2000, 816 p.
j’ai lu il y a longtemps une saga hongroise mais impossible de me rappeler le titre, celui m’y fait penser, j’aime ce genre de roman, l’époque et le thème de la disparition d’un monde, je viens de voir qu’il est dans ma médiathèque donc …
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Bonne lecture par avance !
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Je retiens Les Dukay pour le mois de mars ; j’espère le trouver en bibliothèque.
J’ai oublié de vous signaler ce livre d’un auteur hongrois Miklós Bánffy qui vous plairait à tous les deux, je pense :
Chronique transylvaine est composé de de trois volumes aux titres révélateurs : Vos jours sont comptés, Vous étiez trop légers, Que le vent vous emporte i C’est peut-être la saga dont parle Dominique. 3 gros pavés difficiles à lâcher !
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C’est un bon choix ! J’avais noté le livre de Miklos Banffy mais laissé de côté pour l’instant en raison des 3 tomes. Mais ce n’est que partie remise !
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