On ne présente plus Erik Orsenna, académicien à l’esprit curieux et à l’enthousiasme communicatif, lauréat du prix Goncourt en 1988 qui, dans ses récents ouvrages, a traité de thèmes aussi différents que la mondialisation (à travers le coton, l’eau, le moustique), la langue française ou encore l’Afrique. Dans La vie, la mort, la vie, c’est sur le célèbre biologiste Louis Pasteur qu’il jette son dévolu. Avec toujours le même appétit.
La vie, la mort, la vie – Louis Pasteur (1822 – 1895) est dédié à François Jacob, Prix Nobel de médecine, qui siégea à côté d’Erik Orsenna dans la prestigieuse Académie. Comme le relate l’auteur sur la quatrième de couverture, « C’est lui qui m’a donné l’idée de ce livre : « Puisque, par on ne sait quel désolant hasard, tu occupes le fauteuil de Pasteur, plonge-toi dans son existence, tu seras bien obligé d’apprendre un peu ! ».
Et nous voici donc embarqués avec lui dans cette aventure. Né en Franche-Comté en 1822, fils d’un ancien soldat de la Grande Armée devenu tanneur à Dole, Louis Pasteur se passionne d’abord pour le dessin, avant de s’orienter vers les mathématiques et les sciences. S’il devient enseignant, c’est surtout à la recherche qu’il voue une véritable passion. Une recherche au service de son époque, afin d’améliorer la société :
Il s’est forgé une conviction : la science ne doit pas être une discipline quasi esthétique, une sorte d’art pour l’art. Il faut toujours trouver des applications concrètes aux progrès de la connaissance. « L’arbre n’est pas séparable des fruits qu’il porte. »
A peine nommé, il visite les usines et, à la stupeur de ses collègues enseignants, il les fait découvrir à ses étudiants. Il leur apprend qu’aimer la réussite économique n’est pas une maladie honteuse.
A ce titre, il s’intéresse aux fermentations (betterave, orge), en explique le phénomène, ouvrant la voie à la microbiologie. Il chauffera le vin (ce que les Hongrois appelleront plus tard la pasteurisation), il élucidera les maladies du ver à soie à travers des mesures d’hygiène. Cette dernière est d’ailleurs son obsession ; ne dira-t-il pas « Nous buvons quatre-vingt-dix pour cent de nos maladies ». Sans oublier l’épisode de la rage où il osera avec succès la vaccination sur des hommes mordus.
Ce livre n’est pas une biographie classique. Ecrit sous formes de chapitre courts, avec des phrases incisives, La vie, la mort, la vie s’autorise des pas de côté pour mieux parler de l’époque, des découvertes, comme par exemple celle du microscope.
Erik Orsenna permet de bien saisir la personnalité de Pasteur, un homme dévoué à sa tâche :
Pasteur redevient lui-même, c’est-à-dire rugueux, plutôt méprisant et donneur de leçons.
Juin 1884 : Marie écrit à ses enfants. « Pour votre père, rien a changé. Il me parle peu, dort peu, se lève dès l’aurore, en un mot continue la vie que j’ai commencée avec lui il y a trente-cinq ans aujourd’hui. »
Véritable compétiteur aussi qui se livre à un duel à distance avec l’allemand Koch, qui découvrira le bacille du choléra et de la tuberculose. L’époque était dure, et ces deux hommes croyaient fortement dans les vertus de la science. N’oublions pas ce contexte, alors qu’aujourd’hui, nous avons tendance à croire que « c’était mieux avant » :
L’industrialisation avait attiré dans les villes de plus en plus de ruraux. Ils s’y entassaient dans des logements insalubres où la mortalité pouvait dépasser les quarante pour cent. A Lille, soixante pour cent des enfants d’ouvriers mouraient avant l’âge de cinq ans.
Orsenna revient aussi sur l’opposition entre Victor Hugo et Louis Pasteur, les deux natifs de Franche Comté qui « résument leur siècle » :
En Hugo Pasteur haïssait la grande gueule et la belle âme, le défenseur du plus faible, par principe et sans examen, au risque de malmener la société.
En Pasteur Hugo ne supportait pas le conservateur, le défenseur du pouvoir, qu’elle qu’il fût, le bourgeois de province ébloui d’avoir si bien réussi.
Pasteur s’éteindra en 1894, épuisé par le travail. Parmi tous ces legs, citons les Instituts Pasteurs auxquels l’auteur rend hommage. Avant de nous quitter pour aujourd’hui, laissons si vous le voulez bien la parole à Pasteur, ou plutôt à son fils qui prononça en 1884 le discours écrit par son père déclinant lors de l’inauguration de l’Institut Pasteur :
Ayez le culte de l’esprit critique. Réduit à lui seul, il n’est ni un éveilleur d’idées, ni un stimulant de grandes choses. Sans lui, tout est caduc. Il a toujours le dernier mot. Ce que je vous demande là, et ce que vous demanderez à votre tour aux disciples que vous formerez, est ce qu’il y a de plus difficile à l’inventeur.
Bonne lecture !
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La vie, la mort, la vie – Louis Pasteur (1822 – 1895) d’Erik Orsenna. Le livre de poche, 2007, 224 pages.
Je n’ai encore jamais lu Erik Orsenna, c’est peut-être l’occasion…
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C’est peut-être une bonne introduction, en effet. J’avais lu « Madame Bâ » avant qui m’avait moins plus.
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Merci.
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je viens d’être échaudée par Orsenna donc pas prête à plonger à nouveau mais Pasteur par contre ça m’intéresse
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Et quel livre d’Orsenna t’a déplu ?
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Je n’ai jamais lu cet auteur. J’avoue être un peu lassée de voir sa bouille dans les émissions littéraires. Je crois que son univers ne m’attire pas spécialement non plus. Les thèmes qu’il traite ne m’inspirent guère.
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Je peux le comprendre. Je l’avais rencontré dans le cadre du Prix Orange du Livre, il sait occuper l’espace :-), mais est très sympathique. Heureusement pour toi, il y a tant d’autres auteurs à découvrir.
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France Culture lui consacre (lui: à Pasteur) une semaine cela promet d’être intéressant!
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Il faut que je m’y penche aussi, alors !
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