Josef Bor – Le requiem de Terezin

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C’est grâce au blog de Claude, De Bloomsbury en passant par Court green, que j’ai fait la découverte de Josef Bor et de son livre Le requiem de Terezin. Antichambre d’Auschwitz mais également vitrine pour la propagande nazie (qui y tourna des films et y invita la Croix Rouge), le camp de Terezin, situé à 60 km au nord de Prague, est le cadre de ce court récit.Josef Bor est un auteur juif tchèque né en 1906. Le nom de Terezin ne lui est malheureusement que trop familier puisqu’il y fut déporté en 1942, à la suite de l’attentat contre le vice-gouverneur de Bohême-Moravie, Reinhard Heydrich (l’opération « Anthropoid » qui visait le « boucher de Prague » servit d’ailleurs de cadre à un autre livre récemment publié, HhhH de Laurent Binet). Un attentat tristement célèbre puisqu’il déclencha des arrestations à travers tout le pays et mena à la destruction du village de Lidice, près de Prague, un « Oradour-sur-Glane » avant l’heure.

Dans la courte et informative préface de l’éditeur, on en apprend plus sur la genèse de ce livre mais aussi sur le destin funeste de sa famille :

Sa soeur, le mari de celle-ci et leurs deux enfants furent déportés en Pologne et tués. Son père meurt à Terezin. En 1944, Bor est transporté à Auschwitz, où sa mère, sa femme et leurs deux enfants sont immédiatement gazés.

Le requiem de Terezin fut écrit en 1963 ; « ce n’est pas un livre de désespoir, mais un chant passionné pour la liberté et la justice, une réponse de la dignité humaine à la barbarie nazie », souligne l’éditeur.

L’histoire est basée sur des faits réels et débute en 1944, quand Raphaël Schlächter s’apprête à conduire son orchestre pour l’interprétation du Requiem de Verdi. Nous ne sommes pas dans une salle de concert classique, mais dans un camp de concentration, celui de Terezin :

« Schlächter se souvint de l’instant précis qui l’avait amené à commencer l’étude de cette oeuvre. Prouver l’imposture, l’aberration des notions de sang pur ou impur, de race supérieure ou inférieure, démontrer cela précisément dans un camp juif par le moyen de la musique, cet art qui mieux peut-être que tout autre lui semblait pouvoir révéler la valeur authentique de l’homme ; depuis longtemps cette idée le hantait. »

Le lecteur revit avec Schlächter toutes les péripéties et tensions qui menèrent à l’exécution de l’oeuvre. Le choix d’une oeuvre non juive ouvre le flanc à la critique parmi la communauté juive. Sans faillir, Schlächter se met à la recherche de choristes, de solistes (on suit dès le début du livre leur histoire, l’origine de leur déportation) ; mais c’est sans compter sur les déportations qui rendent la tâche quasiment impossible. Si la promesse de ne pas déporter les membres de l’orchestre avant la première fut tenu, Schlächter, hanté par son oeuvre, se sent trahi par ceux qui ne peuvent laisser leur famille :

Pierre, le basson, les avait quittés lui aussi. Il ne pouvait abandonner sa femme et ses enfants. Schlächter ne s’était pas senti le courage de l’en dissuader. Vingt-quatre chanteurs, douze instrumentistes manquaient. Une profonde tristesse l’envahit. (…) Meisl était parti vers le convoi avec ses enfants, laissant son violoncelle que personne ne passerait plus clandestinement.

Schlächter resta debout, et l’on assiste au défi qu’il dut relever en jouant le Requiem devant Eichmann lui-même.

Eichmann applaudit alors, sans trop d’empressement parce que les artistes étaient des Juifs, avec une certaine insistance parce que cette audition avait été remarquable. De toute manière, le commandant du camp méritait bien qu’on le félicite de l’organisation exemplaire de ce concert.

L’épilogue est, vous vous l’imaginez, loin d’être une fin heureuse. On ressort abasourdi de ce livre, où les phrases courtes, le style précis contribuent à faire sentir la tension.

Je vous conseille donc de :

X l’acheter chez votre libraire ou bouquiniste

X l’emprunter dans votre bibliothèque

lire plutôt autre chose

Réf.: Le requiem de Terezin de Josef Bor, traduit du tchèque par Zdenka et Raymond Datheil (traduction révisée par l’éditeur). Les Editions du Sonneur, 2007, 121 pages.

Désormais disponible aux Editions Livre de Poche (2008).

Ce livre a été lu dans le cadre du Mois de l’Europe de l’Est d’Eva, Patrice et Goran.

10 réflexions sur “Josef Bor – Le requiem de Terezin

  1. Ingannmic 13 mars 2018 / 19:11

    Je l’ai lu l’an dernier, j’avais beaucoup aimé aussi, cette idée de faire face à la barbarie en restant debout avec comme béquille l’art et la communion..

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    • Patrice 16 mars 2018 / 15:46

      Je me rends compte que de nombreux lecteurs ont déjà lu ce livre, c’est une bonne nouvelle !

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  2. Goran 14 mars 2018 / 11:30

    Encore un livre qui me semble extrêmement fort… Merci pour ce beau partage…

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    • Patrice 16 mars 2018 / 15:49

      Merci Goran, oui, c’est un très joli titre et une belle découverte pour moi (mais je constate que ce livre est déjà assez connu par d’autres blogueurs)

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  3. dominiqueivredelivres 15 mars 2018 / 11:30

    c’est un livre qui bouleverse, je me souviens en Tchécoslovaquie il y a bien des années avoir vu une expositions des dessins des enfants de Terezin : inoubliable

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  4. Karine:) 18 mars 2018 / 15:38

    J’avais été bouleversée. Et quand j’ai visité Terezin en 2016, je repensais à ce roman. Et oui, l’expo des enfants de Terezin, à Prague, c’est quelque chose…

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  5. Karine:) 9 avril 2018 / 00:06

    Je l’avais beaucoup aimé, malgré un côté froid. Je m’en suis souvenue quand j’ai visité l’endroit Terezin il y a 2 ans… c’est terrible, cet endroit.

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