Victor Paskov – Ballade pour Georg Henig

Paskov

« Le mois de l’Europe de l’Est » nous emmène aujourd’hui en Bulgarie, pays qui a récemment célébré ses 10 ans d’appartenance à l’Union Européenne et qui, je dois l’avouer, restait pour moi un terrain inconnu dans le domaine littéraire. Victor Paskov nous fait part dans son roman Ballade pour Georg Henig de l’amitié entre un petit garçon, Victor, et un vieux luthier d’origine tchèque, Georg Henig.Victor, le petit garçon de 5 ans à qui son père musicien voulait offrir un violon, se mue en narrateur de ce livre. Il est désormais plus âgé et parle à et de Georg Henig, un luthier d’origine tchèque mort il y a 24 ans, alors que lui-même venait de fêter ses 11 ans. Si le temps a passé, on perçoit dès le début du roman que les souvenirs de Victor l’ont marqué à vie et que cette rencontre fut déterminante pour lui.

Georg Henig se hissa de nouveau sur son tabouret. Je tendis la main et l’abandonnai en toute confiance à celles du vieillard. (…) C’était une sensation nouvelle : mon grand-père paternel était mort avant ma naissance ; quant à mon grand-père maternel, il ne voulait pas me connaître. C’est peut-être au moment où il mesurait la longueur de mes doigts pour lui faire correspondre celle du manche que j’ai éprouvé une confiance aveugle en Georg Henig ; elle ne m’a pas quitté jusqu’à notre dernière rencontre. (Elle ne m’a toujours pas quitté aujourd’hui).

Alors que j’attendais à ce que cette histoire débouche sur une révélation du talent du jeune Victor, il n’en fut rien. Celui-ci abandonna le violon, et même oublia Georg Henig… Mais nous sommes dans la Bulgarie communiste de l’après-guerre, au coeur des privations, et la mère lâchée par sa famille issue de grands propriétaires terriens est omnubilée par la possession d’un buffet. C’est en effet l’objet révélateur du statut social d’une famille ; avoir un buffet devient le seul sujet qui vaille. Le père se décide à le construire seul, n’ayant l’argent pour l’acheter. C’est ainsi qu’il franchit le pas de l’atelier de Henig pour pouvoir utiliser son établi. 5 ans se sont passés depuis l’épisode du violon et le vieil homme vit désormais reclu :

Une faible lumière, gluante, frileuse, filtrait d’on ne sait où, semblable à du givre sur du métal, et elle rendait les objets plus grands et plus gris. Ca sentait la vieillesse, le lichen, la pourriture, la mort. Ca sentait l’aigre et la saleté. Une petite cafetière de cuivre mijotait sur le réchaud : c’était le seul son à peu près humaine que l’on entendît dans la pièce.

C’est le début de visites quotidiennes pour aider le vieil homme ; journées au cours desquels Victor apporte à manger à Georg Henig. Celui-ci attend désormais la mort, discute avec les disparus, mais noue également une très belle relation avec le jeune garçon, tout en travaillant sur son dernier violon, pour Dieu. A travers le « dialogue avec le bois », c’est l’amour du métier qui prévaut ; le livre traite également de la vieillesse (la déchéance), la pauvreté (qu’est-ce que la vraie pauvreté… ?), la solitude, l’amitié, la transmission, mais aussi de l’alcool (addiction dont souffrait l’auteur du livre). Le tout dans une musicalité prononcée qui plaira à plus d’un lecteur.

Il y a des passages que j’ai trouvés vraiment très forts et très bien écrits, d’autres peut-être un peu plus inégaux. Je vous conseille néanmoins de découvrir ce livre en :

l’achetant chez votre libraire ou bouquiniste

X l’empruntant dans votre bibliothèque

lisant autre chose

Ballade pour Georg Henig, de Victor Paskov, traduit du bulgare par Marie Vrinat. Bibliothèque étrangère Rivages, 180 pages.

Vous pouvez lire un autre avis sur ce livre sur le site de Passage à l’Est.

Ce livre a été lu dans le cadre du Mois de l’Europe de l’Est d’Eva, Patrice et Goran.

9 réflexions sur “Victor Paskov – Ballade pour Georg Henig

  1. mjo 22 mars 2018 / 10:15

    « Musicalité prononcée » écris-tu, donc un genre de livre pour me plaire. D’ailleurs les critiques en général sont élogieuses. Hélas inconnu dans ma bibliothèque…

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    • Patrice 22 mars 2018 / 19:55

      Oui, j’ai lu beaucoup de bonnes critiques sur ce livre ; il m’a juste manqué un petit quelque chose…

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  2. Claudine Frey 23 mars 2018 / 10:01

    Dommage pour les moments inégaux mais le thème me plaît beaucoup. Je retiens le titre. aussi ?
    Je ne peux plus entrer dans wordpress directement avec mon pseudo (claudialucia claudialucia@hotmail.fr)

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    • Patrice 23 mars 2018 / 20:11

      Tant mieux si ça constitue une nouvelle entrée dans ta liste de lecture. Je suis surpris que tu ne puisses pas rentrer avec le pseudo. Ca m’est arrivé avec un autre site mais jamais avec WordPress

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  3. Passage à l'Est! 25 mars 2018 / 21:44

    J’ai gardé un bon souvenir de cette Ballade – le monde qui y est décrit, une atmosphere marquée par les souvenirs d’enfance, et ce personnage hors du temps qu’est Georg Henig. Mais comme toi j’avais trouvé certains passages un peu moins réussis.

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    • Patrice 27 mars 2018 / 19:57

      Je te donne raison, et vois-tu, quelques semaines après la fin de la lecture, le souvenir s’en efface finalement assez rapidement.

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