Passage obligé en Pologne pour ce mois consacré à la littérature de l’Europe centrale et de l’Est. J’ai choisi Wioletta Greg, une poète et écrivaine qui vit actuellement en Angleterre. Son livre, Les fruits encore verts, dans lequel elle se remémore son enfance dans la Pologne communiste, a été parmi les nominés pour le Man Booker International Prize en 2017.
La narratrice, la petite Wiolka, nous emmène dans les années 70 et 80 dans un village polonais imaginaire, Hektary. Il s’agit donc d’un milieu rural, traditionnel. Dans des chapitres très courts, avec un langage simple, Wiolka raconte ce qu’elle voit avec ses yeux d’enfant ou de jeune fille, des petits fragments de sa vie quotidienne, des choses les plus banales, des anecdotes du village où s’entremêlent la religion et les superstitions. On ne suit aucune ligne de narration, le « suspense » est absent. Les chapitres font penser à une visite qu’on rend à un parent proche quand ce dernier se met à nous raconter ses souvenirs tout en sirotant un café ou autre.
Ce monde est drôlement fait, s’adressa-t-il à moi soudainement au moment où le car tournait dans la rue Pulaski. Je n’ai même pas eu le temps de me retourner, et déjà, on parle de moi comme d’un vieux, et pourtant, à l’intérieur, je suis comme ces fruits encore verts.
Les odeurs sont très présentes dans les descriptions, comme l’odeur du chou farci, de pommes, des boudins noirs ou alors du tabac et des bougies. En nous amenant dans une pièce, les yeux de l’auteure s’attardent sur des détails, sur de petites objets « insignifiants » pour compléter l’image et l’ambiance.
Ce jour de la mi-février, il tombait de la neige fondue, même si le montagnard de mon chalet baromètre avait prévu du soleil. Grand-mère lia la soupe de pommes de terre avec de la crème et entrouvrit la fenêtre. Les rideaux poudrés de suie se gonflaient comme des vessies de poisson. Trempé jusqu’aux os, mon grand-père entra dans la maison, accrocha son chapeau au dossier de la chaise et se mit à pêcher avec la louche des morceaux de champignons qui flottaient dans la soupe.
Ouste ! le chassa ma grand-mère.
Evidemment, à travers ses souvenirs, la grande Histoire pointe le nez, le régime communiste, la religion… Wiolka qui participe à un concours de peinture ayant pour thème « Moscou à travers tes yeux », le tableau de la Sainte Vierge qui doit passer dans le village, le grand-père qu’on oblige à jouer dans un spectacle pour le Club de l’Agriculteur…
Même si certaines anecdotes font sourire, on décèle une note mélancolique, voire nostalgique. La fin m’a beaucoup touchée…
Ce livre ne plaira pas à tout le monde. Je ne sais pas non plus s’il faudrait le lire d’une traite ou savourer un petit chapitre de temps en temps. J’étais néanmoins réceptive à la mélancolie qui s’y dégage et vous conseille
X de l’acheter chez votre libraire
X de l’emprunter dans votre bibliothèque
lire autre chose
Les fruits encore verts, de Wioletta Greg. Traduit du polonais par Nathalie Le Marchand. Editions Intervalles, 2018, 147 pages.
Ce livre a été lu dans le cadre du Mois de l’Europe de l’Est d’Eva, Patrice et Goran, et soutient l’idée de Passage à l’Est de mettre les femmes – écrivaines de l’Europe de l’Est à l’honneur.
encore une découverte intéressante 🙂
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Un livre nostalgique et visiblement qui a su te toucher.
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J’aime beaucoup ta présentation… je lirais tout de suite ce livre!
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Moi je pense que ça plairait beaucoup… Bel article !
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Ce type de livre, mêlant souvenirs personnels et grande Histoire, pourrait tout à fait me plaire …
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Zut, moi aussi j’étais en Pologne mais on ne s’est pas croisées, quel dommage! Je ne connaissais pas, ça a l’air tout a fait intéressant et sympathique. As-tu lu des livres de Wieslaw Mysliwski? Ils décrivent aussi la Pologne rurale d’après-guerre, et celui que j’ai lu est absolument superbe.
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