
Lukas Ohlburg est un vieux professeur émérite de biologie qui, à la fin de sa vie, se retire dans la maison de campagne de sa famille pour y écrire un dernier ouvrage censé mettre un point final à sa réflexion sur la classification de la botanique… mais rapidement, les souvenirs et les rêves, la nécessaire connection physique à la nature prennent le pas dans l’écriture. C’est le sujet de Mousse, premier roman de l’écrivain allemand Klaus Modick, écrit en 1985, que je suis heureux de chroniquer aujourd’hui avec Goran suite à une suggestion d’Eva !
C’est un livre très poétique et émouvant que nous offre ici Klaus Modick. Certes, certaines considérations sur la botanique sont parfois difficiles à saisir, mais on retiendra surtout la réflexion d’un homme qui se rend compte que l’analyse scientifique ne l’a pas conduit à une connaissance si profonde de la nature et que toute tentative de classification de celle-ci devrait nous aider à la découvrir :
En substance, voilà ce qu’il en est : les constructions artificielles de l’exactitude conceptuelle, les termes uniques et imposés dans le monde entier, avec lesquels Linné a transformé il y a deux cents ans la marguerite en Pellis perennis, n’ont pas donné de noms à la nature, mais les lui ont volés. A d’autres égards, la nomenclature de Linné est un héritage difficile, car son système n’est pas seulement descriptif, mais aussi étrangement et tristement évaluatif. Il est tout simplement scandaleux que le chimpanzé y soit dénigré par le mot troglodytes et l’orang-outang par satyrus. On peut aussi voir comme une marque d’humour impuissant le fait que Linné ait donné aux amibes le nom Chaos chaos.
Rapidement, Lukas Ohlburg s’épanche autour de la mousse, omniprésente aux alentours de la maison de campagne. Le travail systématique auquel il est habitué laisse place à des notes, des considérations. Les souvenirs de l’enfance passée dans cette maison avec un père qui voulait tout contrôler, mais aussi les réminiscences de la fuite de la famille devant le national-socialisme ou encore du premier amour contrarié se succèdent.
Il existe sans doute chez nous une impulsion profonde qui nous conduit à répéter ce que nous avons vécu. Ce n’est pas la régression sénile de la vieillesse, mais une manière productive d’être prêt à raviver les expériences de l’enfance. Mais à quoi riment ces expériences dont ne reste que le souvenir ? Et celles qu’on raconte ? Cette impulsion semble s’accentuer à mesure qu’on approche de la fin de sa vie. Un cycle se clôt. Des débuts s’achèvent.
Considérations d’un homme sur le temps qui passe, Mousse est aussi la réflexion sur le cycle de la vie où tout est lié, à l’image du vieil homme et de la mousse qui ne font plus qu’un à la fin du roman ; il est également un appel au rapprochement avec la nature.
En conclusion, un très beau roman que je vous conseille donc :
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Mousse, de Klaus Modick, traduit de l’allemand par Marie Hermann. Rue de l’échiquier fiction, 2020, 140 pages.
Bonjour Patrice, je vois que tu es aussi enthousiaste que Goran au sujet de ce livre très moussu et botanique. Forcément, c’est tentant.
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C’était une découverte complète pour tous les deux !
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C’est vrai que c’est un très beau roman, nous sommes d’accord 🙂
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Ca montre bien qu’on peut des lectures communes « positives » avec toi 🙂
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Et oui 😉
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Tentation confirmée, j’en suis ravie 🙂
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Un de plus sur la liste !
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La nature est souvent un thème qui m’ennuie mais là je trouve cela assez tentant !
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En effet, et même si cette nature est omniprésente, le récit va bien au-delà.
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La botanique, la nature, la vie, le travail de penser tout cela… Tout à fait pour moi. Je note dans mes projets de lecture !
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Ce sont des thèmes que je partage également !
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j’aime la littérature allemande et le sujet m’attire, c’est noté immédiatement
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Heureux de te faire découvrir un nouveau titre !
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Cette maison d’édition a de belles parutions et je me note celle-ci !
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Oui, dans la même série, j’avais lu « Ecotopia » il y a quelques années.
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J’aime bien l’extrait sur les classifications de Linné, c’est assez drôle § Si tout le roman est sur ce ton, il pourrait me plaire !
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Bonjour à vous deux,
J’espère que vous allez bien !
Rien à voir avec billet pourtant fort intéressant.. je vous ai envoyé un @ auquel je n’ai pas de réponse, et comme j’ai un doute sur l’adresse utilisée, je me permets de vous harceler également ici = Patrice, je m’étais noté de revenir vers toi et Jostein pour éventuellement caler une LC de Graham Greene (« La puissance et la gloire ») à partir de juin. Es-tu toujours partant ? Je me dis que juin serait pas mal, puisque c’est le mois anglais. Jostein est OK de son côté.
Bonne après-midi,
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