Daniel Schreiber – Le Dernier Verre

Récemment, j’ai publié un billet sur un petit roman policier dont l’histoire se déroulait dans une région viticole autrichienne et où un verre de vin n’était jamais loin. Inspirés par cette lecture, certain(e)s parmi vous ont peut-être acheté quelques bouteilles de veltliner. Pour nous remettre dans le droit chemin, je vous propose aujourd’hui une lecture à l’opposé : un essai sur l’alcoolisme intitulé Le dernier verre, écrit (et vécu) par Daniel Schreiber.

Allongé dans la baignoire, je fermerais les yeux en essayant de reconstituer ce que j’ai oublié et d’oublier ce dont je me souviens.

Si vos pas vous amènent parfois dans une librairie allemande, vous verrez très probablement le dernier livre de Daniel Schreiber dans la vitrine. En effet, son dernier essai vient de sortir et je ne doute pas qu’il sera traduit en français. Sous le titre Allein (« Seul » en français) se cachent des réflexions de l’auteur sur nos besoins parfois contradictoires de se retirer et de partager. Un sujet d’actualité avec lequel le livre s’est retrouvé sur la liste des meilleures ventes en Allemagne.

Ecrivain, journaliste et critique d’art, Daniel Schreiber a d’abord conquis les lecteurs avec sa biographie de Susan Sonntag (2007). Suivent alors trois livres : « Le dernier verre » (Autrement), « Je suis né quelque part » (Autrement) et « Allein ».

Dans chacun de ses livres, l’auteur s’empare d’un grand sujet de société (l’alcool, le chez-soi, la solitude) qu’il analyse de multiples façons. En ressort un mélange charmant de vécu personnel, de passages sur la littérature, la politique, la médecine, la sociologie … des réflexions très variées qui forment un tout très cohérent et dont la lecture est un vrai plaisir et une source d’inspiration.

Pour ce mois thématique, j’ai donc choisi Le dernier verre, avec le sous-titre De l’alcool et de bonheur. C’est un récit en partie très personnel – Daniel Schreiber se livre en partageant sa propre expérience avec l’alcool. Il revient sur la période de l’adolescence et remonte le temps, avec une franchise désarmante. Ses beuveries, ses tentatives pour en finir, son expérience avec les Alcooliques anonymes, sa vie sans alcool…

(…) j’ai toujours aimé boire. Seul et accompagné. Dans les bars et sur le canapé du salon. (…) Etudiant, j’allais aux mêmes fêtes que tout le monde, je prenais les mêmes drogues, vivais les mêmes matins voilés par la gueule de bois (…). La boisson était toujours bienvenue, elle s’apparentait à l’un des rites essentiels de l’entrée dans l’âge adulte – une époque où l’on est heureux de voir le soleil se lever au petit matin derrière les vitres d’un bar, pour rentrer se coucher seul ou à deux, sans une once de culpabilité.

Ce qui réapparait à mon esprit lorsque je repense à la dernière période de ma vie de buveur – et ce n’est pas de gaieté de cœur que je m’y replonge, je regimbe même à cet instant précis, au moment de l’écrire -, c’est surtout le sentiment de malheur, dont j’ai déjà parlé, un malheur aigu et persistant.

Au récit, Daniel Schreiber ajoute ses pensées sur la société, sur le regard que celle-ci porte sur les alcooliques (il fait un approchement intéressant avec la tuberculose en citant Susan Sontag), mentionne des noms connus (comme par exemple David Foster Wallace)…

En Allemagne, notre chancelière est capable d’affirmer, dans une interview télévisée portant sur légalisation du cannabis, que l’alcool, loin d’être une drogue, ne se consomme que pour le plaisir, et que les Allemands, on le sait bien, ne boivent que « leur petit verre au dîner ». Nous vivons dans un pays où nous attendons tout naturellement de nos politiques qu’ils boivent, histoire d’avoir l’impression d’être à leur niveau.

Certes, l’auteur vient d’un milieu intellectuel et ses escapades dans le monde entier ne ressemblent pas vraiment à la vie de tous les jours de Monsieur tout le monde. Néanmoins, avec son style intelligent, son regard sincère sur lui-même et son humour, il réussit à nous offrir une lecture touchante et très inspirante qui enchantera les uns par ses réflexions intéressantes et (je n’en doute pas) aidera les autres.

Je n’hésiterai pas à l’offrir !

La plupart des buveurs s’en tiennent à une consommation alcoolique que l’on peut qualifier de bourgeoise et qui prend toutes les formes : passion pour le vin, la vinification et les terroirs, murges du week-end entre copains, pot avec les collègues en sortant du bureau – toutes les formes, sauf celles de l’alcoolisme. Plus on est intelligent, plus les histoires que l’on sert à sa famille, à ses amis et à soi-même pour pouvoir continuer à boire sont convaincantes.

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Le Dernier Verre – De l’alcool et du bonheur -, de Daniel Schreiber, traduit de l’allemand par Alexandre Pateau. Autrement, 2017, 229 pages.

Ce livre a été lu dans le cadre des Feuilles allemandes, consacrées à la littérature de langue allemande.

11 réflexions sur “Daniel Schreiber – Le Dernier Verre

  1. luocine 2 décembre 2021 / 12:38

    (Je croyais avoir mis un commentaire si c’est le cas supprime celui-là. OK)
    Je connais tant de gens qui ont été pris dans le piège de l’alcool… je ne sais pas si je peux leur offrir ce livre mais je veux le lire pour mieux les comprendre

    Aimé par 1 personne

    • Eva 4 décembre 2021 / 14:13

      J’ai lu des commentaires enthousiastes écrits par des gens qui ont / qui ont eu un problème avec de l’alcool. Le livre a été très bien accueilli.

      J’aime

  2. keisha41 2 décembre 2021 / 14:02

    Merkel a vraiment dit ça?
    L’alcoolisme mondain, ça existe, jamais saoul, mais la santé en prend un coup.

    Aimé par 1 personne

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