
Sam Dent est une petite bourgade située dans le nord de l’Etat de New York, sans histoire, pourrait-on dire, jusqu’à ce qu’elle soit endeuillée par un accident de bus coûtant la vie à de nombreux enfants du coin. Dans De beaux lendemains, Russel Banks donne la parole à plusieurs protagonistes dont la vie va changer radicalement après ce triste événement.
C’est la première fois que je lisais un livre de Russel Bank, un écrivain américain majeur dont l’un des thèmes favoris est de dépeindre ces gens qui sont abîmés par la vie. Une vie qui n’est pas facile dans cette région des Etats-Unis, de nombreux habitants ayant du mal à boucler les fins de mois :
L’hiver a été rude, hein ?
Pas plus que la normale, il me semble. C’est seulement que la normale devient de plus en dure.
Quatre voix se succèdent donc pour nous parler de cet accident. Dolorès Driscoll est la première d’entre elles : elle ouvre ainsi le récit puis le clôt. C’est elle qui conduisait le bus et elle décrit la journée du drame, la relation qu’elle avait avec chaque élève ou parent d’élève. Une conductrice expérimentée, empathique, que chacun connait. Vient ensuite Billy Hansel, le garagiste, un ancien du Vietnam dont les deux enfants périront dans le bus et qui avait l’habitude de suivre celui-ci chaque matin.
Je ne savais que penser de la transformation de Billy depuis l’accident. Il me faisait peur ; mais surtout, il me faisait de la peine. Cet homme avait eu de la noblesse ; et voilà qu’il était détruit. L’accident avait détruit bien des vies. Ou, pour être exact, il avait fait éclater les structures dont dépendaient ces vies – dont elles dépendaient, me semble-t-il, à un degré plus considérable que ce que nous avions cru au début.
La troisième voix est celle d’un avocat, dont l’objectif sera de traduire cette tragédie en culpabilité : une plongée dans l’univers de la justice américaine et de la recherche à marche forcée d’un coupable… mais surtout d’argent :
Il paraissait évident que la conductrice du bus, Dolorès Driscoll, n’était pas la bonne voie ; selon toute vraisemblance, elle avait fait exactement ce qu’elle faisait depuis des années et, d’ailleurs, elle ne possédait rien qu’on pût saisir, ni biens ni espérances ; de plus, elle était très très populaire dans le patelin, elle ne buvait pas et elle avait à charge un mari infirme. Pas le genre de personne à qui on a envie d’intenter un procès en responsabilité. Les poches pleines, je le savais, on les trouverait dans les pantalons portés par l’Etat, la ville et l’administration de l’école ou, plus exactement, par leurs compagnies d’assurances.
La quatrième personne est l’une des élèves rescapées, Nicole Burnell ; une fille très jolie, que ses parents voyaient en future Miss Amérique, et qui devra rester toute sa vie en fauteuil roulant.
En plus du thème de la responsabilité, l’histoire de chacun permet de traiter des sentiments comme le déni, le désespoir, la colère ou la révélation. Sur un thème qui n’a rien de léger, Russel Banks fait preuve d’un grand talent pour se mettre à la place de chaque personnage, à nous faire partager ses pensées. Ceux-ci racontent non seulement leur opinion sur l’accident, mais aussi la vie d’avant, celle d’après, leurs difficultés du quotidien. Et un questionnement moral surgit en fin de récit sur le bien-fondé ou non du mensonge.
Une excellente lecture, également recommandée par Ingannmic, Lilly et Folavril et que je vous conseille de découvrir en :
X achetant le livre chez votre libraire
X l’empruntant dans votre bibliothèque
lisant autre chose
De beaux lendemains, de Russel Banks, traduit de l’américain par Christine Le Boeuf . Actes Sud Babel, 1999, 336 pages.
J’inscris cette lecture dans le cadre du « Mois américain » que j’ai découvert chez Pativore et The Cannibal Lecteur.
… ainsi que dans les lectures thématiques « Autour du handicap » que nous organisons avec Ingannmic.
Merci pour ce billet et pour le lien, c’est un de mes titres préférés de Banks (avec Affliction) ! Et le hasard veut que je publie aussi un titre de cet auteur, aujourd’hui.. on aurait presque pu faire une lecture commune !
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Merci à toi pour ce commentaire. C’est vraiment un hasard en effet, et je suis bien d’accord avec toi pour la lecture commune. En tout cas, c’est un auteur que je lirai encore, et « Affliction » est une bonne suggestion.
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Merci de m’avoir donné envie de découvrir cet auteur 😊
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Avec plaisir 🙂
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Je n’ai lu qu’Affliction mais je compte revenir vers cet auteur majeur. Et pourquoi pas avec ce titre ou avec celui qu’il publie en ce moment…
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Je comprends ton souhait qui est également le mien désormais. Je ne connaissais presque rien de lui mais c’est en effet un auteur majeur !
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Russel Banks figure sur ma liste d’auteurs à lire depuis belle lurette… Merci pour la piqûre de rappel et ton billet qui donne envie.
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Merci à toi ! Et quel titre avais-tu en tête ?
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Il faudrait que je découvre cet auteur!
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Oui, c’est une excellente idée !
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Oh la la, je connais Russel Banks de nom bien sûr mais je ne l’ai jamais lu, une lacune… Alors je note ce titre qui me semble très bien vu ce que tu en dis et les thèmes abordés (sa construction me fait un peu penser à Cet été là de Lee Martin paru en 2017 chez Sonatine). Et bienvenue dans le Mois américain (as-tu rejoint le groupe FB ?), bon Mois américain, bonnes lectures et découvertes 🙂
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On ne peut pas avoir tout lu :-). Je n’ai pas FB, donc pas possible de rejoindre le groupe. Par contre, j’essaie dans la mesure du possible de relire un autre titre américain d’ici la fin du mois.
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Je relaie pour toi sur FB alors, bonne continuation du Mois américain et bon weekend 🙂
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Un livre magnifique !
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Tous les avis vont dans la même direction 🙂
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j’ai beaucoup aimé le seul titre que j’ai lu de cet auteur , je vais continuer merci pour ce rappel
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Et quel titre avais-tu lu ? Merci à toi pour ce commentaire.
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Il y a eu une période où je suivais Russell Banks de prêt. Ensuite, j’ai voulu découvrir d’autres auteurs mais il reste parmi mes préférés. Parmi les œuvres qui m’ont le plus marquée, il y a « De beaux lendemains », « La Réserve », « Sous le règne de Bone »…
J’ai vu qu’il avait publié un nouvel ouvrage récemment : « Oh, Canada »
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