
Après avoir lu et dévoré La Débâcle et relu La Terre, je continue ma redécouverte de l’œuvre majeure d’Emile Zola que sont les Rougon Macquart. Je reste toujours ébahi par le fait que les 20 tomes furent rédigés dans un espace de temps aussi court, de 1870 à 1893. Le Ventre de Paris est le 3ème tome, et prend pour cadre les Halles de Baltard, construites à partir de 1854 dans le centre de la capitale.
Florent est un proscrit du 2 décembre 1851. Arrêté sur des barricades et condamné au bagne de Cayenne en Guyenne, il réussit à s’évader et rejoint Paris en 1858. Epuisé, gisant par terre, le jeune homme est sauvé par une maraichère qui va livrer ses légumes aux Halles, récemment ouvertes et qui sont devenues « le ventre » de Paris mais aussi le principal personnage du roman :
Maintenant, il entendait le long roulement qui partait des Halles. Paris mâchait les bouchées à ses deux millions d’habitants. C’était comme un grand organe central, battant furieusement, jetant le sang de la vie dans toutes les veines. Bruit de mâchoires colossales, vacarme fait du tapage de l’approvisionnement, depuis les coups de fouets des gros revendeurs partant pour les marchés de quartier, jusqu’aux savates traînantes des pauvres femmes qui vont de porte en porte offrir des salades, dans leurs paniers.
Nous suivons ainsi les pas de Florent dans ce cadre, ses retrouvailles avec son demi-frère Quenu, qui tient désormais une boucherie près des Halles avec son épouse Lisa Macquart (qui, pour celles et ceux d’entre vous qui connaissent les Rougon-Macquart, est la sœur de Gervaise, personnage central de L’Assommoir). Zola oppose dans son livre ce qu’il appelle les « Maigres » aux « Gras » ; ces derniers sont ceux qui ont profité du régime de Napoléon III, qui s’engraissent, et ne pensent d’ailleurs qu’à ça… Quenu, « qui aimait qu’on lui machât la vie » et Lisa, dont la « chair, paisible, avait cette blancheur transparente, cette peau lisse et rosée des personnes qui vivent d’ordinaire dans les graisses et les viandes crues », font partie de cette nouvelle classe sociale. Des Gras qui ne tolèrent pas qu’on vienne remettre en cause l’ordre établi.
Florent finit par se laisser convaincre par sa belle-sœur d’accepter un poste d’inspecteur des marées dans les Halles, mais avec d’autres « maigres », il ne peut résister à la tentation de se lier à des personnes souhaitant la fin du régime, même si l’on peut douter de la portée de leur action. La description des Halles, la cohabitation entre les »Maigres » et les « Gras », les activités « séditieuses » de Florent constituent l’ossature d’un roman dont l’intrigue est finalement assez réduite à mon sens.
J’ai beaucoup aimé le témoignage historique que constitue la description des Halles, et le style qu’emploie Zola pour décrire les « Gras » ; le personnage de Lisa en étant la meilleure pièce. Les descriptions des nourritures peuvent faire saturer le lecteur, mais elles décrivent à merveille le lieu et la société qui est en train de se bâtir. Comme dans ma dernière lecture de Zola, La Terre, j’en ressors avec une perte de confiance dans le genre humain (!), saturé que je fus par le flot de commérages auxquels s’adonnaient certains personnages, le manque d’humanité d’autres, et le processus qui visait à exclure Florent de ce monde.
La fin du livre le résume complètement :
Puis, toutes deux se penchèrent. La belle madame Lebigre et la belle madame Quenu échangèrent un salut d’amitié.
Et Claude, qui avait certainement oublié de dîner la veille, pris de colère de les voir si bien portantes, si comme il faut, avec leurs grosses gorges, serra sa ceinture, en grondant d’une voix fâchée :
_ Quels gredins que les honnêtes gens !
Je vous conseille :
d’acheter le livre chez votre librairie
X d’emprunter ce livre dans votre bibliothèque
de lire autre chose
Le Ventre de Paris, d’Emile Zola. Pocket, 1991, 409 pages.
Je place cette lecture dans le cadre du mois thématique « Sous les pavés, les pages » organisé par Ingannmic et Athalie.
J’ai lu Zola lorsque j’étais jeune, très jeune, je l’ai avalé, adoré… depuis… rien, je ne sais pas si ça me toucherait aujourd’hui autant qu’hier…
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Bonne question :-). En fait, je suis un peu dans ton cas. Je n’ai pas encore relu suffisamment de titres que je connaissais déjà pour avoir une opinion bien établie. En tout cas, j’ai découvert avec beaucoup de plaisir « La débâcle » il y a peu de temps – pour « Le ventre de Paris », je crois pouvoir dire que ma première lecture était un peu plus enthousiaste !
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Il faut dire que la Débâcle et la Terre sont parmi les plus noirs des romans de Zola
Le ventre de Paris j’ai beaucoup aimé le lire et le relire il y a quelques années
j’ai été épatée par les descriptions meme si par moment c’est un peu écoeurant par l’avalanche de nourriture, d’odeurs et de couleurs.
La perte de confiance dans l’homme est un peu de celle que l’on trouve parfois chez Balzac mais lui nous l’assène fortement il faut dire qu’il vivait au temps de Dreyfus !!!
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Merci pour ton commentaire. Tu as raison de remettre en perspective ces deux romans. Cela permet également de relativiser la dureté de notre époque !
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Dans la série des Rougon-Macquart à la tonalité pessimiste, je rajouterais également volontiers « La joie de vivre »
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Ah mais quel souvenir, ce livre ! Il faudrait que je le relise, c’est sûr.
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Dommage qu’il ne rentrait pas dans la catégorie des plus de 550 pages pour le défi 🙂
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Il lui manquait quand même presque 150 pages 😀 !
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Oui, tu as raison 🙂
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Je l’ai lu il y a très longtemps, et ce que j’en ai gardé, c’est exactement ce que tu décris : non pas une intrigue, mais une description vraiment immersive de ce quartier des halles et de son grouillement.
Merci pour ta participation, je récupère ton lien.
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Merci pour ton commentaire et ravi d’avoir participé à ce mois thématique. J’essaie d’ajouter un autre titre d’ici la fin du mois.
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J’ai relu tous les Rougon-Macquart il y a quelques années et je pense que j’ai un faible pour Zola. J’aime presque tout.
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C’est un faible que je partage également :-).
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Ce n’est pas le titre que j’avais le plus aimé, je ne me souvenais d’ailleurs pas vraiment de l’intrigue … Pot Bouille est mon préféré ! Et on en sort même pas désespéré …
Merci de ta participation à nos lectures communes en tout cas !
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Pot Bouille, voilà une excellente idée de lecture, d’autant plus que je l’ai à la maison. Merci ! Et ravi de participer à votre mois thématique 🙂
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Moi qui n’ai lu qu’Au bonheur des dames (et un tout petit peu de Germinal au lycée), j’ai vraiment beaucoup à découvrir chez Zola. Mais quand et avec quel livre? Peut-être avec ce Pot Bouille moins désespérant dont parle Athalie.
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Voilà une excellente question ! Peut-être avec l’avant dernier de la série, qui est un peu plus atypique (véritable roman historique), « La débâcle ». Ou, pour rester optimiste, « Le docteur Pascal » écrit après que Zola eut connu la joie d’être père.
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j’ai détesté ce roman à le relecture. Comme Krol j’ai adoré Zola quand j’étais jeune mais à la relecture il n’y a qu' »au bonheur des dames » que je supporte . Zola en fait toujours trop ! « le ventre » se plait dans les descriptions de nourriture, d’ordure, d’odeurs …
mais le pire de tous c’est « l’oeuvre » le peintre qui peint sa femme avec son fils mort de faim dans les bras…
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J’ai eu une longue période Zola quand j’étais étudiante mais cela fait bien longtemps que je n’ai plus mis le nez dans un de ses livres… je me laisse trop souvent distraire par les nouveautés.
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J’ai calé lamentablement sur les premières pages de La Débâcle que j’ai trouvé indigestes… J’y reviendrais à un autre moment… La Terre est un de mes préféré avant ce merveilleux roman qu’est La Curée où l’esprit de révolte éclate dans des gerbes de poésie. Une belle braise littéraire à entretenir !
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