
Dans un format assez court (125 pages), Lucie Taïeb, agrégée d’allemand et maître de conférence en littérature comparée à l’Université de Brest, s’attaque à la mémoire d’un lieu, Freshkills, une ancienne décharge à ciel ouvert au sud de New York, reconvertie en parc public de 900 ha.
Elle sera un temps la plus grande décharge à ciel ouvert du monde, visible, dit-on, depuis l’espace, à l’instar de la Grande Muraille de Chine.
Nous sommes en 1948. Le lieu de Fresh Kills devient une décharge pour la ville de New York pour une durée de 3 ans. Or, ce n’est qu’en mars 2011 qu’elle fut finalement fermée… avant de réouvrir pour stocker les « déchets » du 11 septembre. En 1987, elle fut même la seule décharge de New York, accueillant 29.000 tonnes d’ordures par jour ! On a peine à imaginer l’ampleur du site, qui se constituait de 4 montagnes de déchets, et dont la décomposition devrait encore prendre de 30 à 50 ans, ce qui justifie de récupérer le gaz produit pour alimenter en énergie 12.000 foyers pendant cette période.
Prenant pour point de départ le Mémorial de la Shoah à Berlin, Lucie Taïeb s’interroge sur la mémoire des lieux. Dans le cas de Freshkills, le but a été de transformer le site sous la forme d’un parc avec le slogan « Recycler la terre, révéler l’avenir ». Même si l’association qui gère le site ne cache pas ce qu’il fut, il est intéressant de voir à quel point la société traite le cas des déchets. Nous souhaitons à tout prix avoir des villes propres, influencés que nous sommes par l’hygiénisme, mais nous fermons les yeux sur les conséquences d’un mode de vie. On a d’abord relégué le stockage des déchets loin du centre-ville de New York, puis on les recouvre en tirant un trait sur ce qu’ils furent, tout en ouvrant un autre site de stockage encore plus loin de New York. Cela donne aussi l’impression qu’on peut tout recycler, réparer… (ce qui me fait penser à un livre d’Elizabeth Kolbert récemment sorti, Des poissons dans le désert – Quand l’homme répare la nature).
Elle est l’enfant monstrueux de notre mode de vie, notre oeuvre commune, l’un des nombreux visages de notre allégeance à un ordre qui implique, dans son économie intime, la destruction. L’ignorer et « vivre avec » nous garantit un certain confort, mais nous contraint à une conscience divisée.
J’ai trouvé ces éléments de réflexion très intéressants mais à l’image de la chronique écrite par Du côté de chez Cyan, je m’attendais vraiment à autre chose dans ce livre. Les réflexions personnelles, que j’ai trouvées parfois difficiles à saisir, côtoient l’enquête de terrain et les chiffres sur les déchets. En ouvrant ce livre, je pensais trouver une analyse beaucoup plus poussée sur ce dernier point. In fine, malgré le format réduit du livre, j’éprouvai même quelques difficultés à en boucler la lecture.
Mon conseil :
X achetez ce livre chez votre libraire
X empruntez-le dans votre bibliothèque
X lisez autre chose
Freshkills, de Lucie Taïeb. Pocket, 2022, 125 pages.
En raison de la place centrale qu’occupe New York dans ce livre, je rédige cette chronique dans le cadre du mois thématique « Sous les pavés, les pages » organisé par Ingannmic et Athalie.
bon, si c’est une lecture que tu as eu du mal à boucler moi je ne vais pas m’y lancer . Au fait est ce qu’en novembre vous referez un mois autour de la littérature allemande?
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Oui, c’est bien prévu pour le mois de novembre ! 🙂 on fera une annonce début octobre. il y aura aussi une lecture commune : Stefan Zweig La pitié dangereuse. Au plaisir de découvrir tes lectures 🙂
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Au hasard de la mediatheque
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Bon résumé 🙂
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Merci en tous cas pour cette nouvelle participation, même si je ne note pas ce titre, en raison de tes bémols..
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Merci à toi. J’étais heureux de participer à ce mois thématique dans tous les cas !
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Mais du fait que ce parc est construit sur des déchets, est ce qu’il n’y a pas un risque pour la santé à le fréquenter ?
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Bonne question :-). En fait, ils ont mis des couches pour isoler les déchets et éviter les problèmes avant de recouvrir par de la terre. Ils prévoient par contre que le terrain devrait « s’affaisser » d’environ 15-25 cm dans les x prochaines années.
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Dommage que ce livre ne semble pas convaincant, car le thème est tellement intéressant : on veut que tout soit beau et propre mais on ne se préoccupe que peu du sort de nos déchets, du moment qu’ils ne sont pas sous notre nez… Je vais quand même voir si je peux l’emprunter à la médiathèque.
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C’est très juste. Je vais également continuer à lire d’autres livres sur cette thématique qui est en effet très intéressante.
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