
Durant nos rendez-vous dédiés à la littérature d’Europe Centrale & Orientale, la Lituanie a fait quelques apparitions sporadiques, concentrées autour de deux titres chroniquées à plusieurs reprises : La saga de Youza, de Youozas Baltouchis et A l’ombre des loups de Alvydas Slepikas. Ces livres très appréciés par les blogueurs se déroulaient sur fond de Seconde Guerre Mondiale. C’est à nouveau le cas aujourd’hui pour La partie n’est jamais nulle de Icchokas Meras…
Ecrivain juif lituanien, Icchokas Meras (1934 – 2014) a connu un destin marqué par la guerre et le totalitarisme, destin partagé par ses compatriotes dans ce pays secoué par les affres de l’Histoire. Envahie par l’Union Soviétique, la Lituanie perd son indépendance en 1940 avant que les troupes de la Wehrmacht n’envahissent le pays en 1941. La famille de l’écrivain a péri en 1941 lorsque les juifs lituaniens furent exécutés par le régime nazi (on estime à 85% la population juive lituanienne qui a péri durant la Seconde Guerre Mondiale). Plus tard, en 1972, Icchokas Meras fut obligé d’émigrer vers Israël en raison des pressions exercées par le KGB.
La partie n’est jamais nulle fait allusion à une partie d’échecs opposant Isaac Lipman et un certain Schoger qui est en fait le commandant régissant la vie du ghetto de Vilnius. Un coup de la partie entame chaque chapitre. On apprend rapidement que l’enjeu de cette partie d’échecs est énorme, puisqu’il s’agit de la vie des personnes du camp. Ainsi s’exprime Isaac, le jeune champion d’échecs :
Si je perds, ça ira mal pour tout le monde, mais je resterai en vie… Si je gagne, ça n’ira pas mal pour eux, mais je devrai mourir. Si la partie est nulle, tout le monde sera content.
L’affrontement est suivi par les habitants du ghetto et la question de son issue donnent bien évidemment au livre une tension, un suspens réels ; mais La partie n’est jamais nulle va bien au-delà. Le roman se présente sous la forme d’un conte qui voit défiler progressivement des épisodes de la vie des enfants d’Abraham Lipman, le père d’Isaac. Chaque enfant n’apparaît que dans un chapitre, à part Isaac. La vie dans le ghetto, les choix difficiles qui se présentent aux personnes, le portrait du père, et finalement le contexte dans lequel cette partie fut décidée complètent ce livre certes court en nombre de pages, mais très dense et très imagé.
Le sujet n’est guère léger, mais l’espoir reste toujours présent tout au long du livre. Quelques scènes sont à cet égard très belles : Isaac, parti aux travaux dans les champs, rapportera sans cesse des fleurs cueillies en douce pour la jolie Esther. Chaque fois, elles seront confisquées, mais le jeune homme n’abdiquera pas pour rapporter ce symbole de vie interdit dans le ghetto. Une jeune femme, Lisa, donnera le sein à un bébé qui se retrouve sans parent.
Le livre n’est disponible aujourd’hui qu’en occasion, et c’est fort dommage. Je vous conseille in fine :
X de l’acheter chez un bouquiniste
X de l’emprunter dans votre bibliothèque
de lire autre chose
La partie n’est jamais nulle, de Icchokas Meras, traduit du russe par Dmitri Sesemann. Editions du Club France Loisirs, 1980, 177 pages.

Lecture dans le cadre du Mois de l’Europe de l’Est d’Eva, Patrice et Goran.
Merci Patrice , je note ce livre pour plus tard.
Je connais peu la littérature lituanienne.
Belle journée
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Merci, Claude ! C’est cette raison qui m’a poussé à lire ce livre d’ailleurs 🙂
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Pas évident en effet de trouver des titres lituaniens… hormis les deux que tu cites, je ne connais que Vilnius Poker de Ricardas Gavelis, mais quel texte !! Une lecture pas facile, mais de celles qui marque une vie de lecteur/rice…
Et je note celui-ci, j’essaierai de le trouver d’occasion (comme Les âmes baltes, noté ici je crois, et que je désespère de dénicher un jour…).
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Oui, il en existe peu finalement. Merci pour la piqûre de rappel sur Vilnius Poker, je l’avais noté un temps puis oublié. Par le plus grand des hasards, je vois que Fabienne de Livr’Escapades a publié aujourd’hui une chronique sur un roman historique lituanien ! Les âmes baltes : ah oui, quel souvenir de lecture !
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Est-ce que l’on peut comprendre le livre en ne comprenant rien aux échecs ? (pourquoi on ne joue jamais aux petits chevaux dans les romans !). J’espère que oui, car ce que tu en dis me plaît bien.
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Et oui, car c’est mon cas 🙂
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Je le note.
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Bon choix !
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Un nom que je ne connaissais pas. Comment t’est-il arrivé entre les mains? Ici, il en existe une version allemande mais traduite, elle, du lituanien.
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Ce qui est mieux. J’étais surpris de voir que la traduction était du russe. En fait, j’ai cherché sur Internet des romans lituaniens et j’ai trouvé celui-ci d’occasion, ce qui m’a permis de faire une belle découverte. Sinon, sur le blog « Passage à l’Est », il y a toujours de belles sources d’inspiration pour des lectures futures (je pense notamment au pays voisin, la Lettonie, pour leque j’avais noté chez toi « Petit déjeuner à minuit »)
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Merci du conseil, je suis allée voir mais c’est assez léger côté balte! Je crois qu’elle va faire des efforts pour étoffer ça!
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J’ai aimé effectivement l’ombre des loups. Pourquoi les échecs et pas les petits chevaux ? J’aime bien l’humour de la question de Natalie. Parce que les échecs c’est la vie, les pions, le peuple, les obscurs, les victimes d’une part et ceux qui les gouvernent, ceux qui éliminent (dans un ghetto !) , les puissants, les rois. Il y a le beau livre de Paco Cerda sur ce thème : Le Pion
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L’ombre des loups est un bon conseil de lecture, merci de le rappeler. Et je note « Le pion ». Faut-il comprendre les échecs pour savourer le livre ?
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quel destin ! je ne connaissais pas cet auteur.
PS Rien à voir mais j’ai eu de gros problème avec mon blog cela revient petit à petit mais ma liste de diffusion a disparu et je ne peux pas encore reproposer un abonnement , j’espère que cela va venir !
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Oui, cela a été une vraie découverte pour moi.
Sur le PS: désolé, en tout cas, je me suis fait une liste de blogs que je visite régulièrement pour ne plus me fier aux abonnements (qui génèrent beaucoup de messages). Luocine en fait bien sûr partie 🙂
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Inconnu au bataillon ici ! Merci pour cet intéressant article !
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