Stefan Zweig – Quatre histoires du pays des enfants

Quelques jours après la clôture de nos Feuilles allemandes, je me précipite aujourd’hui pour déposer une petite cerise sur le gâteau sous forme d’un recueil de nouvelles absolument délicieux de Stefan Zweig. Avec Quatre histoires du pays des enfants, Zweig explore, avec une maîtrise de l’écriture qui lui est propre, le seuil qui sépare les enfants du monde des adultes.

Déjà, l’enfance, dans ses rêves brillants, était loin derrière lui, comme un vêtement trop petit délaissé et jeté par terre.

La première nouvelle, publiée en 1911 sous le titre Une histoire au crépuscule, transporte le lecteur en Ecosse, dans un vieux château. Bob, tout juste 15 ans, y passe le temps (qui traine un peu en longueur pour le jeune homme) en famille avec ses soeurs et cousines. Alors, quand il n’arrive pas à dormir la nuit, il se promène dans le jardin où il est surpris par une demoiselle – celle-ci l’embrasse avec passion sans pour autant lui dévoiler son vrai visage. Complètement chamboulé par ce tourbillon de sentiments jamais vécus, Bob tente de connaître son identité.

Dans la nouvelle suivante, La gouvernante, on retrouve deux jeunes filles d’une douzaine d’années qui vivent dans un cocon familial bien protégé de toutes les mauvaises influences mais également de toutes les informations (pourtant utiles) qui pourraient soi-disant nuire à leur bonne éducation et réputation. Ainsi, elles sont alarmées par le changement de comportement de leur jeune gouvernante adorée dont l’origine pourrait, semble-t-il, avoir un lien avec leur cousin, l’étudiant Otto. Tandis que le lecteur – adulte comprend aussitôt, les jeunes filles sont tourmentées, incapables de saisir les causes du problème tout en en ressentant sa gravité.

Brûlant secret, la troisième nouvelle (et la plus longue des quatre) est une véritable pépite. On se retrouve dans un hôtel à Semmering en Basse-Autriche où un jeune baron, venu y passer des vacances, s’ennuie. Il lui manque de la compagnie, une conquête, un défi… et voilà, pourquoi pas cette dame qui vient d’entrer dans la salle à manger ? Plus si jeune, certes, toutefois toujours attractive. Le sang coule à nouveau dans les veines du baron qui ne tarde pas à mettre en place une stratégie basée sur ses nombreuses expériences. Une chose est sûre, il se servira du fils de la dame, du jeune Edgar.

Ici, il n’y avait pas de partenaire de jeu, son oeil inquisiteur le remarqua d’emblée. Or, nulle irritation n’est plus grande que celle du joueur qui est assis, les cartes en main, conscient de sa supériorité, devant le tapis vert, attendant vainement un partenaire. Le baron se fit apporter un journal. Maussade, il laisse son regard parcourir les lignes, mais son esprit était paralysé, trébuchant sur les mots comme en proie aux brumes de l’alcool.

Alors, il entendit derrière lui le bruissement d’une robe et une voix un peu agacée, à l’accent affecté, dire : Mais tais-toi donc, Edgar !

Petite nouvelle d’été complète ce recueil qui est sorti en 1911 en allemand sous le titre Erstes Erlebnis. Il regroupe les histoires qui ont pour thème commun l’enfance, la jeunesse, les premières expériences sexuelles, sentimentales, le premier véritable contact avec le monde des adultes. Appréciant la plume de Stefan Zweig, j’ai pris un immense plaisir à lire ce recueil et plus particulièrement Brûlant secret qui est brillant et où Zweig réussit à créer une tension qui tient fermement l’attention de lecteur jusqu’à la dernière page. A relire, sans aucun doute.

Au format agréable et édité dans une belle collection collector, je vous glisse ainsi une belle idée de cadeau à déposer sous le sapin de Noël.

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Quatre histoires du pays des enfants, de Stefan Zweig, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Aline Oudoul et Rose Labourie. Payot, 2023, 272 pages.

Lu dans le cadre des Feuilles allemandes

17 réflexions sur “Stefan Zweig – Quatre histoires du pays des enfants

    • Avatar de Eva Eva 11 décembre 2023 / 18:08

      C’est ce que je me suis dit, mais clairement les jeunes étaient tellement tenus à l’écart de tout qu’il y avait une véritable gouffre entre un jeune de 15 ans d’antan et d’aujourd’hui.

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  1. Avatar de je lis je blogue je lis je blogue 10 décembre 2023 / 09:19

    Je ne connaissais pas ces textes de Zweig. Si tu es d’accord, j’aimerais reprendre le lien vers ta chronique lorsque je mettrai en ligne le récapitulatif du challenge « Bonnes nouvelles ».

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    • Avatar de Eva Eva 11 décembre 2023 / 18:09

      Avec grand plaisir ! J’ai prévu aussi de participer avec un autre titre (si tout va bien 🙂

      Aimé par 1 personne

  2. Avatar de Violette Violette 10 décembre 2023 / 12:48

    et quelle cerise !! Je ne connaissais pas ce recueil mais tout est toujours bon à prendre et à lire chez Zweig, ça ne fait aucun doute !

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  3. Avatar de Sacha Sacha 10 décembre 2023 / 17:48

    J’ai lu Un brûlant secret, une magnifique nouvelle tellement « zweigienne », mais les autres ne me disent rien… C’est toujours formidable de découvrir de nouveaux récits d’un si grand auteur, j’ai hâte !

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  4. Avatar de Choup Choup 11 décembre 2023 / 10:01

    voilà une belle idée…quitte à se l’offrir à soi-même!! 😉

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  5. Avatar de Miriam Panigel Miriam Panigel 11 décembre 2023 / 20:50

    Pour les prochaines Feuilles Allemandes, de toutes les façons je retourne toujours à Zweig

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  6. Avatar de luocine luocine 12 décembre 2023 / 10:30

    Je ne suis pas une fan absolue de Zweig, je pense que je l’ai beaucoup lu jeune et son style,que je trouvais trop « compassé », ne me plaisait qu’à moitié, mais aujourd’hui je suis plus en phase avec ce genre de style. Je suis certaine d’autre part que j’aurais été plus qu’agacée par le milieu dans lequel se déroule ces nouvelles. Je n’ai évidemment connu ni gouvernantes ni l’ennui quand j’avais 15 ans : pour réussir ma vie je ne pouvais compter que sur mon énergie et l’amour des miens et ce n’était déjà pas si mal ! ces jeunes qui s’ennuient dans leur château m’auraient beaucoup énervés. Je vais lire ces nouvelles pour voir si j’ai beaucoup changé .

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  7. Avatar de ta d loi du cine ta d loi du cine 28 janvier 2024 / 00:14

    Découvert (et noté en LAL)! grâce au récapitulatif chez Je lis je blogue, merci!
    (s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola
    Comme « courte nouvelle » de Zweig, je ne connais guère que Le joueur d’échec… On n’est manifestement, ici, pas dans le même univers.
    (s) ta bd loi du cine, « squatter » chez dasola

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