
Fille de Gervaise et de Coupeau, personnages principaux de L’assommoir, Nana est l’héroïne de ce neuvième tome des Rougon-Macquart d’Emile Zola auquel elle donne son nom, et dont l’action se déroule à la fin du Second Empire dans le milieu du théâtre, de l’aristocratie, où les courtisanes jouent les premiers rôles.
C’est le soir de la première au Théâtre des Variétés, où est présentée la pièce La Blonde de Vénus, qui revisite la mythologie de façon assez irrévérencieuse. Le point culminant est atteint lorsque Nana fait son apparition, dénudée, dans une des scènes.
Nana était si blanche et si grasse, si nature dans ce personnage fort des hanches et de la gueule, que tout de suite elle gagna la salle entière.
De talent, nul n’en est question chez la jeune femme, mais sa beauté, sa présence irradient la salle (et surtout les hommes) et la publicité est faite pour la saison. Dès lors, Nana est l’objet de toutes les intentions et la gent masculine se succède dans son appartement. Alternant les partenaires, elle réussit par son charme à envoûter le comte Muffat, pourtant un vrai dévôt, fils d’un Général d’Empire, et habitué à fréquenter la famille royale.
C’était sa jeunesse qui s’éveillait enfin, une puberté goulue d’adolescent, brûlant tout à coup dans sa froideur de catholique et dans sa dignité d’homme mûr.
Le roman, dans la veine des Rougon Macquart, nous décrit un Second Empire s’acheminant vers sa fin : l’action se déroule de 1867, l’année de l’exposition universelle, à 1870 alors que, dans les rues de Paris, on entend à de nombreuses reprises l’incantation « A Berlin ! ». Cette ambiance de « fin de règne » trouve son écho dans le comportement du comte Muffat qui, du statut d’homme riche, respecté, finit par laisser libre cours à ses pulsions en entretenant une relation avec Nana. S’il n’est pas tendre avec l’aristocratie du Second Empire, il ne l’est pas non plus avec les hommes, qui semblent gouvernés par leur désir et leurs pulsions sexuelles. Quant à Nana, c’est un personnage capricieux, enfantin, impossible à satisfaire, et dont le corps est la principale arme, qu’il s’agisse de monter sur les planches, de conquérir les amants ou, quand elle était à court d’argent, d’aller battre le pavé à la recherche des hommes « avec l’aisance de l’habitude, comme les pauvres vont au Mont de piété ». Son appétit inextinguible emmènera avec lui une grande partie de la richesse du comte mais provoquera aussi le malheur dans d’autres familles. Néanmoins, je la perçus davantage comme une victime des hommes.
L’hôtel semblait bâti sur un gouffre, les hommes avec leurs biens, leurs corps, jusqu’à leurs noms, s’y engloutissaient, sans laisser la trace d’un peu de poussière. Cette fille, aux goûts de perruche, croquant des radis et des pralines, chipotant la viande, avait chaque mois pour sa table des comptes de cinq mille francs. C’était, à l’office, un gaspillage effréné, un coulage féroce, qui éventrait les bariques de vin, qui roulait des notes enflées par trois ou quatre mains successives. (…) Les hommes entassés les uns par dessus les autres, l’or vidé à pleine brouette, ne parvenaient pas à combler le trou qui toujours se creusait sous le pavé de son hôtel, dans les craquements de son luxe.
Nana est empreint du naturalisme qui fait la marque de fabrique de Zola, et avec sa galerie de personnages, décrit de façon acéré le milieu des courtisanes dans le Second Empire. Comme souvent, l’auteur arrive à nous immiscer dans cet univers et l’on est souvent surpris de la vivacité du récit, comme par exemple ce chapitre consacré à une simple course hippique qui arrive à nous tenir en haleine. Ce 9ème tome n’est pas mon préféré dans la série, mais je l’ai relu avec intérêt.
Achetez ce livre chez votre libraire
X Empruntez ce livre dans votre bibliothèque
lisez autre chose
Nana, d’Emile Zola. Flammarion, 2013, 512 pages.
Une lecture dans le cadre du 9ème épisode de « Les classiques, c’est fantastique !« , organisé par Au milieu des livres (Moka), et consacré aux filles de joie dans la littérature ainsi qu’aux Pavés d’hiver – Quatre saisons de pavés.
Que de souvenirs… un titre évident, oui, pour la thématique proposé ce mois-ci par Moka. Mon prochain Zola (j’essaie d’en lire au moins un par an..) sera Thérèse Raquin, que je n’ai jamais lu.
J’aimeAimé par 1 personne
Oui, tu as raison, c’est un titre assez évident pour cette thématique, je ne me suis pas trop creusé :-). Si tu souhaites être accompagnée pour Thérèse Raquin, je suis preneur pour une LC !
J’aimeJ’aime
Volontiers (j’espérais bien susciter ce genre de proposition en postant mon commentaire !). Plutôt sur juin, si cela te convient.
J’aimeJ’aime
Pour moi non plus ce n’est pas mon préféré des Rougon-Macquart mais la fin est très parlante
J’aimeAimé par 1 personne
J’ai trouvé la fin un peu rapide en fait. On ne voit plus Nana, d’un coup elle réapparait, malade et meurt.
J’aimeJ’aime
Lu il y a un bout (et même thérèse raquin, en plus des RM) Je ne me sens pas prête pour une relecture de zola;..
J’aimeAimé par 1 personne
Tu vois, j’avais lu la plupart des Rougon-Macquart il y a une vingtaine d’années et pour l’instant, mes relectures sont un peu plus mitigées, en tout cas pas toujours à la hauteur des attentes que j’avais. A suivre avec les prochains.
J’aimeJ’aime
D’autres Zola m’attendent, qui m’attirent davantage, même si bien sûr il faudrait les lire tous pour avoir l’ensemble du tableau de cette époque!
J’aimeAimé par 1 personne
De mon côté, j’ai décidé de les relire un peu dans le désordre ; celui n’est pas le meilleur, tu peux tranquillement en lire d’autres avant !
J’aimeAimé par 1 personne
J’ai beaucoup lu Zola à une époque et puis j’ai voulu découvrir la littérature contemporaine…
J’aimeAimé par 1 personne
Je suis comme toi, je l’ai beaucoup à une époque ; j’y reviens désormais par touches 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
je n’arrive pas à relire Zola . J’ai tout lu au lycée et puis maintenant je déteste son style enflé et répétitif et qui insiste tellement !! c’est pas acceptable pour la lectrice que je suis aujourd’hui
J’aimeAimé par 2 personnes
Merci pour ton commentaire. Je suis également surpris de voir à quel point nos goûts peuvent évoluer. On devient aussi plus exigeant quand on lit beaucoup et certains styles en viennent à nous déplaire.
J’aimeJ’aime
J’aime beaucoup ce volume des Rougon-Macquart. J’y trouve Zola d’une férocité sans concession contre une société où tout s’échange.
J’aimeAimé par 1 personne
Oui, la férocité est là, je te rejoins, et la dénonciation est justifiée – ce n’est guère une peinture avantageuse de la société parisienne du Second Empire.
J’aimeJ’aime
J’ai pensé à le lire aussi pour ce mois autour des prostituées… Mais je ne l’avais pas alors j’ai opté pour La Dame aux camélias…
J’aimeAimé par 1 personne
Je trouve que tu as eu une excellente idée, et ton billet constitue une vraie incitation à le lire !
J’aimeAimé par 1 personne
Comme toi ce n’est pas mon préféré, lu très jeune je m’étais sentie mal à l’aise, plus tard ce fut la même chose pour des raisons différentes certes mais j’avoue que le récit m’a ennuyé et c’est un des rares opus de Zola que je n’ai pas envie de relire
J’aimeAimé par 1 personne
Il s’agissait pour moi d’une relecture après vingt-cinq ans (que le temps passe vite !) et je dois te dire que je me suis séparé du livre sans trop d’hésitation !
J’aimeJ’aime
Ayant également choisi ce titre, je suis contente de lire ton article. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas mon préféré non plus. Même si certaines scènes sont efficaces, il m’en reste surtout une sensation d’ennui et de répétition. Ado, j’avais adoré cet opus, mais la relecture ne fut pas des plus heureuses…
J’aimeAimé par 1 personne
Et oui, on a le même sentiment assez mitigé après une belle première lecture. En tout cas, j’ai été heureux de relire d’autres avis sur ce livre, notamment le tien qui est très fouillé !
J’aimeAimé par 1 personne
Merci !
J’aimeJ’aime
Je l’ai lu au lycée (pas en lecture scolaire), et j’avais bien aimé. Mon préféré reste Thérèse Raquin qui m’avait beaucoup impressionnée à l’époque. Je n’ai lu, au final, que très peu de romans de Zola, il faudrait que je me penche à nouveau sur son oeuvre.
J’aimeAimé par 1 personne
Merci pour le conseil quant à Thérèse Raquin ! Je l’ai dans mes étagères mais je n’ai pas encore pris le temps de le lire. Ca me permettrait de découvrir Zola en dehors des Rougon-Macquart.
J’aimeAimé par 1 personne
Quand j’ai lu ce roman, j’en attendais beaucoup. Je pensais même qu’il s’agirait de mon Zola préféré. Mais finalement, il est de loin dépassé par d’autres.
Je suis ravie de ta double participation à mes RDV. C’est un joli coup double, sans compter que tu as trois pavés d’hiver à ton actif ! Bravo !
J’aimeAimé par 1 personne
Merci pour ton commentaire ! Cela faisait un moment que je voulais participer aux « Classiques, c’est fantastique ». Je trouve l’idée vraiment intéressante, et je pense avoir trouvé un rythme de croisière (j’ai mis un livre de Toni Morrison sur ma table de chevet :-)). Quant aux pavés, les prochains risquent d’être davantage au printemps – mais les titres sont trouvés !
J’aimeAimé par 1 personne
Nana, oui, c’est une victime, comme a peu près toutes les femmes de Zola.
C’est vrai que Zola a des tics de langage comme dit Luocine mais il a, bien souvent, un souffle épique qui emporte tout sur son passage comme un fleuve en crue et une vision cinématographique extraordinaire (dans la débâcle, par exemple) ! Et puis, c’est un des écrivains français du XIX siècle proche du peuple et qui sait en parler.
J’aimeAimé par 1 personne
J’aime bien l’image que tu donnes du souffle de l’écriture de Zola. Je l’ai un peu moins ressenti dans ce livre. Je te rejoins tout à fait sur La Débâcle ; ce n’est pas le plus connu des Rougon-Macquart mais c’est un livre excellent que j’ai découvert finalement récemment et qui m’a littéralement emporté.
J’aimeJ’aime
J’adore ce roman et comptais le relire pour le challenge mais je voulais d’abord lire les précédents (je les reprends dans l’ordre)… eh ben, pas eu le temps 😦
J’aimeAimé par 1 personne
Oui, il y en a quelques un qui le précédent, et de beaux pavés d’ailleurs ! J’espère que tu auras le temps de les relire et qu’ils te procureront un vrai plaisir.
J’aimeJ’aime
Un de ceux qui plaisent le plus, dans la célèbre série. Il faut dire qu’il est excellent
J’aimeJ’aime
Vous êtes plusieurs durant ce challenge à l’avoir lu et à ne pas le porter aux nues, ce qui est parlant. Je n’ai pas encore lu cet opus mais j’ai très envie de m’en faire une opinion.
J’aimeJ’aime