
Classique du XXème siècle italien, Le guépard est un livre au destin particulier puisqu’il valut à son auteur Tomasi di Lampedusa un double refus de la part d’éditeurs italiens, avant de connaître un réel succès peu après le décès de l’écrivain, puis d’être à l’origine du film éponyme tourné par Visconti et réunissant Burt Lancaster, Alain Delon et Claudia Cardinale.
Nous fûmes les Guépards, les Lions ; ceux qui nous remplaceront seront les petits chacals, les hyènes ; et tous ensemble, Guépards, chacals et moutons, nous continuerons à nous considérer comme le sel de la terre.
Le guépard est le nom donné à don Fabrizio, Prince de Salina. L’homme impressionne par sa stature ; de nature impétueuse, il consacre son temps libre à la chasse, à l’astronomie dont il est devenu un expert. Il est aussi le témoin d’une époque qui s’achève. Nous nous situons en effet en 1860, et nous sommes en plein Risorgimento : les troubles de Garibaldi s’apprêtent à débarquer en Sicile et dans quelques mois, le Royaume des Deux-Siciles sera annexé au royaume d’Italie, reflétant une nouvelle réalité nationale.
Si le livre se déroule de 1860 à 1910 (sur une dernière partie qui fait davantage penser à un épilogue), les années 60 du XIXème siècle sont au coeur du livre. Quelques références historiques jalonnent le récit, mais ce que décrit avant tout le narrateur, c’est le changement d’époque : l’aristocratie est remplacée par une bourgeoisie dynamique, avide de faire des affaires. Le narrateur extérieur n’est pas neutre et glisse de ci, de là, quelques commentaires parfois ironiques, sur ce qui lui est donné d’observer. Il nuance également l’époque nationale en soulignant le caractère opportuniste de certains protagonistes.
S’il a sept enfants, don Fabrizio a un faible pour son neveu, Tancredi, orphelin et désargenté, mais brillant. Celui-ci s’éprend d’Angelica, la fille du nouveau maire de la commune où don Fabrizio possède une grande propriété, à Donnafugata. L’union d’Angelica et Tancredi, si elle est faite d’amour, montre aussi les calculs à l’oeuvre dans les choix des nouvelles générations, ainsi que le passage de l’aristocratie à la bourgeoisie. C’est l’occasion également pour le narrateur de nous offrir des portraits acérés, comme celui du père d’Angelica, don Calogero :
… étant affranchi des centaines d’entraves que l’honnêteté, la décence et peut-être la bonne éducation imposent aux actions de beaucoup d’autres hommes, il avançait dans la forêt de la vie avec l’assurance d’un éléphant qui, déracinant les arbres et piétinant les tanières, progresse en ligne droite, sans prêter attention aux griffures des épines ni aux gémissements des écrasés.
Ce talent de la description opère également dans l’évocation des lieux traversés : le voyage de don Fabrizio et sa famille en plein soleil, à travers les chemins caillouteux pour se rendre de Palerme à la villa de Donnafugata est très bien retranscrit.
Un fond historique des plus intéressants, des personnages très bien croqués, des descriptions très justes et vivantes, une atmosphère de transition constituent les grands atouts d’un livre que j’ai également beaucoup apprécié pour les réflexions de don Fabrizio sur la vie et le temps qui passe : lucide sur les changements en cours, il décide de se retirer et d’observer ce monde plutôt que d’y jouer un rôle :
Car la signification d’une maison noble n’est que dans les traditions, dans les souvenirs vitaux ; et lui, il était le dernier à posséder des souvenirs inhabituels, distincts de ceux des autres familles.
En conclusion, je vous conseille :
X d’acheter ce livre chez votre libraire
d’emprunter ce livre dans votre bibliothèque
de lire autre chose
Le guépard, de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro. Points, 2007, 375 pages.

Une lecture dans le cadre du 9ème épisode de « Les classiques, c’est fantastique !« , organisé par Au milieu des livres (Moka), et consacré aux Classiques du XXème siècle, ainsi qu’une contribution pour le challenge auteurs italiens organisé par Evasion polar.
Lu relu vu revu un classique
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Après l’avoir enfin découvert, je ne m’étonne pas de ton commentaire !
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Comme Miriam, j’ai lu vu et revu ce classique, qui de plus raconte avec panache un tournant de l’histoire de l’Italie.
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Tu as tout à fait raison, et cela donne d’ailleurs envie de (re)découvrir cette partie de l’Histoire italienne et la littérature qui s’y rapporte.
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je l’ai relu il y a 4 ans avec grand plaisir, j’ai regardé le film à nouveau et récemment je l’ai écouté en audio : quand on aime ….
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Merci pour ton commentaire. Et pour être tout complet, c’est ton billet de mars dernier qui m’a donné le coup de pouce nécessaire pour enfin ouvrir ce livre :-). Un grand merci à toi !
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je fais partie du fan club de ce roman et j’ai aimé le film aussi ce qui est rare mais pas du tout la série qui vient de sortir sur Netflix .
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Je comprends aisément pourquoi tu fais partie de ce fan club ! Le film est ma prochaine étape (celui de 1963, et pas la série après ce que tu viens d’écrire).
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La série tire le roman vers une démonstration contre le pouvoir en place qui est sous-jacente au roman et qui devient principale dans la série. Et puis il y a une autre faiblesse que je n’ose à peine avouer : Tancrede n’est pas beau , on arrive pas à comprendre pourquoi les femmes sont amoureuses d’un petit homme tout mou aux cheveux rares …
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Un grand grand roman. J’ai pour objectif de le relire, mais je n’y arrive jamais.
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C’est le côté négatif d’un bon côté : il y trop de bonne littérature 🙂
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J’ai hésité, récemment, à l’acheter en librairie… je n’hésiterai plus ! France, Russie, Allemagne, Angleterre, Italie…. ces classiques d’avril nous font voyager, un vrai plaisir !
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Oui, c’est un plaisir de revenir vers ces classiques, je te l’accorde ! Et je suis ravi que Moka organise ces défis ; cela m’a déjà poussé à lire deux livres que j’avais dans mes étagères !
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J’en ai étudié des passages au lycée, mais je n’avais pas eu le courage de lire le roman dans son intégralité. Il est toujours temps de réparer cette erreur !
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Oui, tu vois, je découvre aussi ce roman « sur le tard » et je ne le regrette pas !
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Lu il y a longtemps… Oui, à lire!!!
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A lire et relire, quand je lis les différents commentaires :-).
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Je ne l’ai toujours pas lu et je ne suis même pas certaine d’avoir vu le film !
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Ne t’inquiète pas, ça peut toujours se rattraper. J’étais dans le même cas que toi, et je dois dire que j’ai beaucoup apprécié cette lecture. N’hésite pas si tu as l’occasion de le lire.
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Je ne l’ai toujours pas lu et je ne suis même pas certaine d’avoir vu le film !
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Merci Eva pour cette présentation. Je connais le film mais pas le livre. Si je le vois passer, je le mettrai dans mon panier.
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Merci pour ton commentaire, Nathalie. En fait, c’est Patrice qui est cette fois « à la manette » pour la lecture et le billet :-). Quoi qu’il en soit, tu fais bien de le mettre dans ton panier.
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Le roman ne me tentait pas. Mais le film m’avait plu.
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Le film ne t’a pas donnée envie de donner une seconde chance au livre ?
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Très heureuse de lire cet avis qui vient peut-être casser certains préjugés que j’avais peut-être sur ce titre.
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Merci beaucoup pour ton commentaire. J’en suis heureux. Tu verras, on est vraiment transporté par la lecture du destin de cette famille, de l’évocation des lieux, de la profondeur des réflexions.
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Ce challenge est l’occasion de lire des avis sur des livres qu’on voit potentiellement peu sur la blogo, ce qui permet parfois de démythifier certains classiques !
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Je l’ai dans une vieille édition qui ajoutera du charme à la lecture je crois. Tu me donnes envie de le sortir de ma PAL 🙂
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Le film de Visconti a marqué ma découverte du cinéma autour de 14-15 ans. Puis j’ai lu le livre de Lampedusa, avec toujours autant d’enthousiasme, livre relu depuis, mais en VO. Ce que tu dis de la description des lieux traversés me semble très juste, tant ce roman m’apparaît comme celui de l’espace immobile, d’une géographie sicilienne figée dans une sorte de retrait de l’Histoire – une caractéristique d’ailleurs magistralement adaptée par Visconti dans son film, mais qui dans le roman prend une autre résonance, plus littéraire.
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