Et si on bouquinait un peu ?

A une époque où les questions climatiques occupent une place de premier plan dans les défis environnementaux et dans les préoccupations des gens sensés, le livre de Christian Pfister et Heinz Wanner, Climat et société en Europe est le bienvenu. Richement illustré, et s’adressant aussi bien à un lectorat initié qu’au grand public, il retrace l’histoire climatique de notre continent durant le dernier millénaire.

Alors que Heinz Wanner est un spécialiste du climat et qu’il fut membre du GIEC, Christian Pfister enseigna quant à lui l’histoire économique, sociale et environnementale. La double compétence des auteurs – climatique et historique – donne d’emblée au livre une portée qui dépasse la simple analyse de données météorologiques. L’ouvrage est scindé en 11 chapitres, les plus longs étant consacrés aux analyses détaillées du climat des différentes périodes qui jalonnèrent le millénaire, à savoir le Moyen Âge Central (de 1000 à 1300), le Petit Âge Glaciaire Boréale, et le Court Vingtième Siècle, avant que la Période de Réchauffement Rapide ne débute en 1989. Néanmoins, avec cela, il nous permet de bien saisir comment l’on est passé de la description du temps à la science du climat, ainsi que de comprendre comment les archives climatiques (qu’elles soient issues de la nature, comme les carottes glaciaires ou les cernes des arbres ; ou des sociétés, comme les peintures de glaciers, les archives ou les dates des vendanges) sont mises à profit pour décrire l’histoire du climat.

Si, avant la période de « forçage anthropique » avec l’émission massive de gaz à effet par combustion d’énergie fossile, les facteurs de variation s’appelaient forçage orbital, éruptions volcaniques, irradiation solaire ou variabilité interne (notamment au niveau des échanges océan-atmosphère), il est stupéfiant de voir la variabilité forte du climat.

1187 : En cet hiver sans neige ni gel en décembre et janvier, les conditions sont presque estivales. Il fait si chaud que, dès la fin du mois de janvier (selon le calendrier grégorien), les arbres fruitiers fleurissent en France et en Allemagne. En février, à certains endroits, les poires avaient déjà la taille d’une petite noix. De tels records de températures hivernales n’ont probablement plus jamais été atteints par la suite, sauf en 1290. 

(…)

1234 : Début janvier, l’Europe a été submergée par une vague d’air sibérien qui a persisté jusqu’au 10 février. (…) Des loups affamés pénétrèrent de nuit dans la ville italienne de Reggio Emilia, où ils furent tués. Les températures sont tombées à des niveaux extrêmement bas avec des conséquences sur la végétation. En Angleterre, les racines des pommiers ont gelé à 1,3 m de profondeur.

Des hivers comme 1709 (températures en janvier inférieures de 6.5°C aux moyennes 1961-1990 à Paris) provoquent la mort de 600.000 personnes en France. A l’inverse, l’année 1540 restera comme une année des plus sèches et chaudes (pire que 2003).

Grâce à de nombreux encarts et illustrations, le lecteur conquiert une vision concrète du climat du continent et ses conséquences sur la vie des gens et sur l’Histoire. Il positionne la période de réchauffement actuel dans un temps plus long et, même si l’on reste stupéfait des variations et des extrêmes climatiques du passé, la rapidité du réchauffement en cours est exceptionnelle et surprend encore plus, ce qui fait dire aux auteurs que, « si nous ne respectons pas les consignes de lutte contre les maladies infectieuses et si nous ne parvenons pas à décarboner le système énergétique mondial, nous serons confrontés à l’avenir à d’énormes crises environnementales. »

Je vous conseille vivement ce livre passionnant, riche, tout en restant accessible. C’est un ouvrage de référence qu’il convient d’avoir dans sa bibliothèque !

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Climat et société en Europe. Les milles dernières années – de Christian Pfister et Heinz Wanner, traduit de l’allemand par Laurent Litzenburger. Editions Libreo-Alphil, 2025, 608 pages.

Lu dans le cadre de la masse critique Babelio (Climat et société en Europe)