Das Ende vom Paradies – Christian Schneider

Lors de notre dernière édition des Feuilles Allemandes, j’ai eu l’opportunité de chroniquer l’excellent livre Voyages au bout de l’Europe, dans lequel l’auteur autrichien Karl-Markus Gauss partait à la rencontre de minorités européennes ; parmi elles, les sorabes, dernière minorité slave d’Allemagne. Cela m’a donné l’envie de lire un auteur sorabe, Christian Schneider, qui, dans son roman Das Ende vom Paradies, revient sur la vie d’une famille sorabe au 20ème siècle.

Qui sont les Sorabes ? Il s’agit de slaves installés sur le territoire allemand dès le Moyen-Âge. Aujourd’hui au nombre de 60.000, leur langue est divisée en deux groupes, le haut-sorabe, proche du tchèque et du slovaque, et le bas-sorabe (menacé d’extinction), proche du polonais. Ils sont localisés à cheval entre les Länder de Brandebourg et de Saxe (source de la photo : https://www.staff.uni-mainz.de/wiemerb/westslavisch-en.html)

« Tout ce que j’ai fait dans ma vie, je l’ai mal fait », ainsi s’écrie Paul Schuster, personnage principal du livre, lorsque, désormais âgé, il consigne ses souvenirs sur magnétophone ou sur papier pour l’un de ses fils, Jan-Paul. Nous sommes désormais après la chute de la RDA, et notre homme habite seul avec sa deuxième épouse dans la grande maison familiale construite par son père au lieu-dit « Le Paradis ». Sa première épouse et ses trois enfants sont partis, et les relations sont parfois difficiles ou inexistantes entre eux.

Das Ende vom Paradies (traduisible par « La fin du Paradis ») retrace l’histoire de la famille Schuster depuis la fondation de la cimenterie par Johann Schuster, le père (1874-1943), également appelé Šewčik-Džed, jusqu’à la rédaction des mémoires de Paul. Ce dernier, marié à Marja, a 4 enfants : Hanka, Jurij, Jan-Paul et Greta, morte jeune de diphtérie. Paul Schuster est un grand travailleur, qui est devenu un entrepreneur réputé dans le bâtiment ; il économise chaque « Pfennig » au point d’être avare, et surtout est pris dans des accès de colère que redoutent les membres de la famille.

Le récit se concentre sur cette dernière, sur le lieu-dit et l’environnement proche. Les événements « historiques » sont bien là (montée du nazisme, guerre, mise en place du régime communiste), mais à l’échelle de leur implication pour la famille ; aucune date ne jalonne le récit, qui se concentre sur leur quotidien et la communauté. Ce n’est pas une histoire à rebondissements, mais on se laisse happer par la vie de cette famille qui défile, et la richesse des thèmes. Citons entre autres la lutte (permanente) pour la culture et surtout la langue sorabe (opprimée durant la période nazie), au service de laquelle Paul Schuster s’engagea toute sa vie, les conditions de vie difficiles des paysans de ces régions (la femme de Paul, Marja, trayait les vaches à la main, et le travail dans les champs se faisait avec les boeufs), la réforme agraire qui redistribua les terres après la guerre (et qui généra des tensions), ou encore la condition féminine (la femme de Paul, Marja, était davantage une servante qu’une épouse) et la différence de mentalité entre les générations sous l’influence du communisme…

Un livre que j’ai eu grand plaisir à lire et dont on peut regretter qu’il n’ait pas passé les frontières de son pays. Christian Schneider (né en 1938), de son nom sorabe Křesćan Krawc, est l’auteur de nombreux livres en sorabe et en allemand. Das Ende vom Paradies est son dernier en date. Notons qu’il est publié chez la maison d’édition Domowina, qui se focalise sur la publication d’ouvrage en sorabe ou en allemand en lien avec la culture sorabe.

Das Ende vom Paradies, de Christian Schneider. Domowina Verlag, 2013, 616 pages.

Ce livre a été lu dans le cadre des Feuilles allemandes et des Pavés de l’automne (Mokamilla) 

16 réflexions sur “Das Ende vom Paradies – Christian Schneider

  1. Avatar de Sacha Sacha 7 novembre 2025 / 09:15

    Belle idée pour les pavés! Mais je sens que Paul risque de m’énerver même s’il était surtout un homme de son temps.

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    • Avatar de Patrice Patrice 9 novembre 2025 / 07:14

      Oui, et tu me rappelles à l’instant que je n’ai pas mis le logo de Mokamilla alors que ce livre rentre pleinement dans ce cadre !

      Je pense que tu serais avant tout entraînée par le rythme de ce livre qui se lit très bien

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  2. Avatar de keisha41 keisha41 7 novembre 2025 / 12:07

    Bon, je disais que c’est bien de mettre en lumière cette communauté

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    • Avatar de Patrice Patrice 9 novembre 2025 / 07:15

      Oui, et c’est quelque chose que j’aime beaucoup : lire un livre, découvrir quelque chose et continuer à creuser en abordant une autre lecture.

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    • Avatar de Patrice Patrice 9 novembre 2025 / 07:17

      Malheureusement non, je pense que ce genre de livres reste finalement assez confidentiel. Je ne peux pas juger de l’écho qu’il a eu en Allemagne, s’il est connu nationalement ou pas.

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  3. Avatar de je lis je blogue je lis je blogue 7 novembre 2025 / 17:35

    ah, oups ! Je confonds les Sorabes et les Souabes que j’ai découverts dans un roman d’Herta Muller.

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    • Avatar de Patrice Patrice 9 novembre 2025 / 07:18

      Je suis certain que tu n’es pas la seule. Je me rappelle avoir dû vérifier quand j’ai lu pour la première fois le mot sorabe, car je pensais qu’ils étaient rattachés aux Souables.

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  4. Avatar de Ingannmic Ingannmic 8 novembre 2025 / 12:06

    Bien que l’activité soit depuis longtemps terminée, j’ajoute ce titre au récap de l’activité sur les minorités ethniques, les sorabes en étant de mémoire absents.. je suis justement en train de réfléchir sur une mise en avant des bilans thématiques sur mon blog..

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    • Avatar de Patrice Patrice 9 novembre 2025 / 07:19

      Très bonne idée de l’avoir ajouté tout comme de réfléchir sur ces bilans thématiques car, même après la fin des lectures, c’est important d’avoir une liste de livres comme suggestion de lecture. Merci !

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    • Avatar de Patrice Patrice 9 novembre 2025 / 07:20

      Je suis sûre que tu n’es pas la seule à ne pas les connaître, rassure-toi.

      Merci beaucoup pour le billet, je vais aller le lire aujourd’hui !

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