La Traque est le cinquième livre du jeune auteur biélorusse Sacha Filipenko et met en scène de façon très originale le triste spectacle d’une chasse à l’homme. Contrairement à ce que peut faire penser l’image, et à la différence de la poursuite qui se déroulait dans La bouche pleine de terre récemment chroniquée sur ce blogue, il s’agit ici d’une traque toute psychologique…
Pas question d’entrer en opposition ouverte avec lui, nous ne cherchons pas à le menacer, nous ne tenons pas à lui expliquer quoi que ce soit, nous voulons simplement le harceler.
Outre le thème choisi, la première originalité du livre réside dans sa construction : il est découpé de manière semblable à une forme sonate (Exposition – Développement – Réexposition) et tel un virtuose, Sacha Filipenko nous promène dans son œuvre en introduisant différents protagonistes dont les destins vont être amenés à se croiser : la famille Slavine, des Russes enrichis à la façon « Nouveau Régime », installés à Nice et qui vont rapidement devoir rentrer en Russie car une affaire les concernant vient d’émerger ; Marc Smyslov, violoncelliste ; et Anton Piaty, un journaliste d’investigation qui, pour son grand malheur, s’est mis à enquête sur la famille Slavine et son ascension douteuse.
Très rapidement, c’est le frère du violoncelliste, Lev Smyslov, qui raconte en fait à son frère en quoi consista cette traque et la raison pour laquelle il se trouva associé à elle. La famille Smyslov avait tout perdu en 1998, et voisins des Slavine, Lev avait commencé à travailler pour eux. Quelques années plus tard, c’est une proposition de faire pression sur le journaliste qu’il accepte. Du bruit pour l’empêcher de dormir, un policier soudoyé qui ne tient pas compte des plaintes, une campagne de presse pour le désigner comme « traître à la nation »… et voilà comment l’enfer s’installe autour du journaliste.
J’ai trouvé que ce roman était très bien écrit, mené de main de maître ; il fait froid dans le dos. C’est une vision bien peu optimiste de la société russe qui nous est offerte : l’impunité, la manipulation des médias sur fond de réflexe nationaliste, mais aussi celle de tous ces gens qui, à l’instar de Lev Smyslov, ont connu la déchéance et désormais se mettent au service de gens peu fréquentables. La déchéance d’Anton Piaty ne s’arrêtera pas.
Assis par terre, Anton a sans doute cherché à comprendre quel adjectif correspondait le mieux à la traque qui le visait. « Massive » ? « Originale » ? « Habile » ? Tous ces mots se justifiaient à un certain degré. La traque visant Anton était à la fois journalistique, quotidienne et ininterrompue. Cette traque était larvée, enragée et sournoise. Cette traque était ignoble et d’une discrétion éloquente.
Une première rencontre probante avec l’univers de Sacha Filipenko dont je me suis promis de lire prochainement son roman Croix rouges, qui lui a valu de nombreux éloges. Quant à ce titre, je vous conseille de :
X l’acheter chez votre libraire
X ou l’emprunter dans votre bibliothèque
lire autre chose
La traque, de Sacha Filipenko, traduit du russe par Raphaëlle Pache. Editions des Syrtes, 2020, 220 pages.
Ce livre a été lu dans le cadre du Mois de l’Europe de l’Est d’Eva, Patrice et Goran.
j’avais déjà ajouté « La bouche pleine de terre » à ma PAL celui-ci va suivre
la liste pour 2021 s’allonge vertigineusement (fidèle reflet de ma PAL en fait) 🙂
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Oui, j’ai bien vu que tu notais beaucoup de choses en ce moment 🙂
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Les histoires de traque ou de chasse à l’homme sont souvent très prenantes, surtout quand le contexte historique ou politique y joue un rôle … Les extraits sont très bien choisis en tout cas !
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Merci beaucoup !
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Je ne le connais pas mais ce que tu en dis est tentant.
Un lien vers un poète roumain :
https://claudialucia-malibrairie.blogspot.com/2020/03/paul-vinicius-la-chevelure-blanche-de.html
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