Katja Lange-Müller – Bas de casse

L’auteure allemande Katja Lange-Müller nous emmène dans le milieu de la typographie avec son roman Bas de casse dont l’histoire se déroule dans les années 70 en ex-Allemagne de l’Est, et met en scène quelques personnages atypiques.

En relisant une courte biographie de l’auteure sur Internet, on retrouve quelques points qui font écho au roman. En effet, Katja Lange-Müller a suivi une formation pour devenir typographe, ce qui explique tous les détails intéressants sur le métier ; elle a aussi travaillé comme aide-soignante dans une unité de psychiatrie – j’imagine qu’elle s’en est inspirée pour certains personnages.

Ceux-ci ne sont certainement pas Messieurs et Mesdames Tout-le Monde. Au contraire, ce sont de drôles d’oiseau, des marginaux pour lesquels la réussite sociale n’est pas (et ne sera jamais) d’actualité. Ils travaillent dans une des dernières imprimeries privées, celle d’Udo Posbich, et se retrouvent occasionnellement dans le Bistrot de la forêt.

La petite scène au bistrot (que j’imaginais bien en noir et blanc) m’a un peu rappelé les excellents films tchèques de Milos Forman des années 60 : Au feu, les pompiers ou alors L’as de pique – non pas en raison des sujets abordés mais à cause de ces personnages si maladroits dans leur façon de communiquer (Forman a également fait appel à de nombreux non-acteurs).

Ce lundi était le jour choisi par mes collègues, Willi, Fritz et Manfred, l’étrange imprimeur qui entendait des voix, celles de ses deux presses, et parlait avec elles dans leur langue, pour fêter mon embauche, parce que Posbich était absent ce jour-là et qu’on ne pouvait pas lui proposer de venir avec nous – or il aurait bien été capable de dire oui.

Nous nous installâmes au Bistrot de la forêt, près de la gare du S-Bahn. Pendant que Willi et moi sirotions nos bières en silence, Fritz se demandait à mi-voix, tout en descendant des schnaps, pourquoi on avait appelé cet établissement « Bistrot de la forêt » et lui « Fritz », alors que lui aurait tout aussi bien pu, et non sans raison, s’appeler « Bistrot de la forêt » et le bistrot « Fritz ».

L’histoire est racontée sous forme de rétrospective par « Puppi », gauche et gauchère, embauchée il y a à peine un mois. Un jour, elle se retrouve avec ses collègues Willi (qui ne parlait jamais), Fritz (qui s’appelait lui-même le « King of the Linotype ») et Manfred (qui entendait des voix), devant la porte de l’imprimerie fermée avec une mention  » sécurisé par la police ». Mais où est passé Monsieur Posbich ?

Ne vous attendez néanmoins pas à un livre sur la politique. C’est un pan de vie de quelques personnes qui ne rentrent pas dans le cadre du bon citoyen socialiste, qui exercent un métier voué à la disparition, qui sont dépassés par le monde qui les entoure et sur lequel ils n’ont aucune influence.

J’ai été agréablement surprise par ce livre – original par son sujet et par son style. L’auteure m’a fait souvent sourire par certaines descriptions sur l’apparence (qui parfois amènent le lecteur à faire des recherches sur internet comme le montre le premier extrait) ou encore sur des situations données :

(…) je le considérais comme (…) un mélange à la fois réussi et malheureux d’Andy Warhol, de Klaus Kinski, de Hans Albers et de Heino.

Sous un amas de cheveux gras noir de jais, j’ai deux oreilles remarquablement grandes qui, étant donné ma peau claire et bien irriguée, brillent quand elles sont rouges (et quand ne le sont-elles pas) d’une lueur bleuâtre, ou plutôt violette, et que j’arrive à remuer grâce à une sorte de gymnastique de cuir chevelu (…)

Je (…) partis en trottinant vers les toilettes, aussi vite que le permettait mon tempérament mélancolique.

Je vous conseille donc de découvrir l’auteure en

X achetant le livre chez votre libraire

X en l’empruntant dans votre bibliothèque

lire autre chose

Bas de casse de Katja Lange-Müller. Traduit de l’allemand par Barbara Fontaine. Inculte, 2019, 122 p.

Ce livre a été lu dans le cadre des Feuilles allemandes, consacrées à la littérature de langue allemande.

15 réflexions sur “Katja Lange-Müller – Bas de casse

  1. Livr'escapades 5 novembre 2020 / 13:07

    Heino! ça me rappelle les programmes télé allemands de mon enfance au millénaire précédent 😅 Le livre a l’air intéressant, merci pour la découverte.

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    • Eva 5 novembre 2020 / 13:44

      Je suis sûre que tu viens de regarder une petite chanson de Heino sur YouTube ! 😉

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  2. Goran 5 novembre 2020 / 13:51

    Ça me semble très sympa… Et puis, je me suis à une époque intéressé à la typo, et puis j’aime bien cette maison d’édition, cette couverture de livre, ta machine à écrire sur la photo 🙂

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    • Eva 10 novembre 2020 / 12:20

      Si tu t’intéresses à la typographie : est-il possible d’être un typographe gaucher ou c’est exclu ? J’ai lu un commentaire à ce sujet sur un site allemand où un lecteur a critiqué l’auteure.

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      • Goran 10 novembre 2020 / 12:22

        C’était la typographie en infographie, mais à l’ancienne je ne sais pas…

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  3. Ingannmic 5 novembre 2020 / 15:31

    J’aime beaucoup les extraits ! Et comme mes étagères sont pauvres en littérature allemande… je me laisse volontiers tenter. Et en plus c’est édité chez Inculte..

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